Les Etalons ont juste passé quelques heures en territoire algérien afin d’affronter les Fennecs, le 16 novembre dernier au stade Mustapha-Tchaker de Blida. En y allant, le capitaine Issoufou Dayo et ses coéquipiers savaient où ils mettaient les pieds.

Les adversaires des Fennecs d’Algérie ont toujours redouté le déplacement de Blida, surtout lors des matchs couperet, que ce soit en éliminatoires de la CAN ou de la Coupe du Monde. Les Etalons se déplaçaient le 16 novembre dernier dans cette localité située à une cinquantaine de kilomètres de la capitale Alger, huit ans après une rencontre houleuse qui avait vu les Fennecs les stopper pendant les barrages pour la qualification au Mondial brésilien de 2014. Le temps a passé, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, mais cette dernière rencontre lors de la 6e journée des éliminatoires de la Coupe du Monde a été tout aussi tendue. Le match retour, hors pelouse, avait débuté le 2 septembre dernier dès le coup de sifflet final de la rencontre qui avait opposé Burkinabè et Algériens à Marrakech, au Maroc. Outre les frictions entre les deux sélectionneurs depuis leur banc de touche, les médias algériens ont diffusé chaque jour sur leurs antennes ou leurs colonnes des informations, très souvent injustifiées, sur des propos « injurieux » qu’aurait tenu le sélectionneur Kamou Malo dans la presse burkinabè.

Le public de Blida a sifflé les Etalons durant toute la rencontre.

La pression monte d’un cran lorsqu’en mi-octobre et début novembre, la Fédération burkinabè de football (FBF) demande la délocalisation de la rencontre Algérie-burkina sur un autre stade autre que Mustapha-Tchaker. La pelouse de Blida est jugée défectueuse et le sélectionneur Djamel Belmadi s’était même plaint de son état à l’issue de la rencontre face au Niger en octobre dernier. L’Algérie, à son tour, va tenter de récuser le trio arbitral marocain en charge d’officier le match Burkina-Niger de l’avant-dernière journée des éliminatoires (12 novembre) qui s’est déroulé à Marrakech, au Maroc. Les Algériens disent douter de l’impartialité du juge central Samir Guezzaz, en évoquant en filigrane les tensions politiques entre les deux pays et le fait que le Burkina Faso joue ses matchs à domicile au Maroc. Ils auront tout faux car le trio arbitral marocain a été des plus justes tout au long de la rencontre face au Mena du Niger. Le match nul des Etalons contre le voisin nigérien valide ainsi la finale de Blida.

Les leçons de 2013 ont été bien retenues

Malmenés en novembre 2013, surtout avant le match, les Etalons changent de stratégie en décidant de fouler le plus tard possible le sol algérien pour ce match crucial. « Nous avons commis une erreur il y a huit ans en ralliant Blida trois jours avant le match. Nous n’avons jamais pu nous reposer parce que nous avons été dérangés tout le temps par un groupe de supporters », se remémore l’ancien attaquant des Etalons, Aristide Bancé, aujourd’hui team manager des Etalons.

(De g à d) Madi Panandetiguiri, Jonathan Pitroipa et Aziz Nikiéma, chargés d’organiser les matchs des Etalons, ont su tirer les leçons de 2013.

PNP (Pitroipa, Nikièma et Panandetiguiri) Sport Consulting Sarl, chargé de l’organisation des matchs des Etalons, décide que les joueurs rallient Alger la veille du match. Jonathan Pitroipa et Madi Panandetiguiri étaient de l’aventure de 2013 et ont dû certainement tirer des leçons de cette rencontre d’il y a huit ans. Lundi 15 novembre 2021, 11h heure locale et 10h GMT. Le vol spécial d’Air Burkina qui transporte l’équipe nationale atterrit à l’aéroport d’Alger, en provenance de Marrakech. De nombreux journalistes algériens forment un « comité d’accueil » à la sortie, mais Kamou Malo, son staff et ses poulains ne leur piperont mot. Ils s’engouffrent dans les cars qui les attendaient et prennent la direction de leur pied-à-terre, un hôtel très sécurisé de la capitale algérienne. Les quelques supporters membres de l’Union nationale des supporters des Etalons (UNSE), eux, s’adonnent à cœur joie à des jeux de pronostics face à la presse locale, mais ils seront surpris du traitement de leurs propos le lendemain. 16h, toujours le 15 novembre. C’est décidé, les Etalons vont abandonner le pied-à-terre que leur avait réservé leur hôte à Blida. Ils résideront à Alger et iront jouer à Blida. Le capitaine Issoufou Dayo et ses coéquipiers démarrent pour Blida, après juste une heure de repos, pour la reconnaissance de la pelouse. Ils atteignent la 5e ville du pays sous escorte policière, après 45 mn de trajet.

La première surprise les y attend, sous une pluie battante. De nombreuses caméras bien fixées sur des trépieds, dans les tribunes, sont braquées sur la pelouse du stade Mustapha-Tchaker. Comment s’entrainer dans ces conditions alors que le stade, en cette veille de match, appartient en principe aux Etalons ? Un des responsables du stade s’approche du staff des Etalons et leur signifie qu’ils (et les journalistes) quitteront les lieux, une fois que les 15 mn réservées à la presse seront épuisées. « Et vos caméras ? », interroge le sélectionneur Kamou Malo. « Elles ne sont pas allumées », rétorque son interlocuteur en se dirigeant vers la tribune officielle. Pour le sélectionneur des Etalons, ils ont prévu tous ces désagréments en effectuant leur mise en place tactique à Marrakech avant de rallier Alger. Ainsi, les journalistes algériens n’ont jamais bougé de leur position dans les tribunes durant les une heure de réveil musculaire et de possession de balles que les Etalons se sont contentés d’exécuter sur la pelouse. Que dire de l’état de la pelouse tant contesté par les Burkinabè? Lors de la reconnaissance, une zone du terrain a été délimitée et jugée inaccessible pour les Etalons. Il s’est alors ensuivi de chaudes discussions entre Kamou Malo et les responsables du stade qui estiment qu’il s’agit de mesures pour protéger le gazon. Ils finiront par enlever les balises. « Ça se voit que la pelouse est mauvaise. Je vous assure que celle du stade du 4-Août est meilleure », lâche, un peu amer, Kamou Malo.

Une presse algérienne trop trop offensive…

Mardi 16 novembre, le jour J ! La presse algérienne, dans son ensemble, fait écho à sa Une de l’important match qui se dispute en fin d’après-midi. Et avec parfois un ton qui surprend. Un très sérieux quotidien généraliste du pays indique dans ses colonnes que le sélectionneur Kamou Malo s’est toujours illustré dans l’arrogance, depuis le match aller, et invite les Verts, comme ils aiment surnommer leur onze national, à administrer une raclée à ses poulains. Un autre journal a poussé l’outrecuidance jusqu’à attribuer les propos des supporters burkinabè à l’aéroport la veille, à Kamou Malo, avec la photo du sélectionneur bien en évidence. Or celui-ci n’a jamais accordé une seule interview à la presse locale. Un autre journal a lancé l’alerte à ses concitoyens selon laquelle les Etalons seraient venus à Alger avec des sorciers et des marabouts afin d’obtenir le gain du match. Dans les rues, les supporters, par des signes, nous indiquent un score de 5 buts à 0. 14h15, départ des Etalons pour Blida ! Les Etalons sont restés concentrés dans leur hôtel à Alger où ils n’ont pas été dérangés. Le cortège s’ébranle donc vers Blida et le stade Mustapha-Tchaker, sous bonne escorte, pour la rencontre décisive. Ils atteignent le stade une heure après et découvrent des tribunes quasiment pleines, malgré la pluie drue qui s’abat sur Blida. Une première dans ce groupe depuis le début des éliminatoires.

Les journalistes et la délégation burkinabè dans la galère

15h30 ! Il a fallu batailler dur pour accéder à l’intérieur du stade Mustapha-Tchaker ce 16 novembre. Six journalistes burkinabè, qui avaient leur accréditation en bonne et due forme, délivrée par la Fédération algérienne de football pour le match, se sont vus dans un premier temps, refuser l’accès à la tribune de presse par la police. Un des policiers a alors informé les Burkinabè qu’ils étaient en retard. « Nous sommes en retard 1h30 avant le match ? D’accord, mais pourquoi vous laissez passer les journalistes algériens ? », a questionné un journaliste burkinabè. Notre interlocuteur nous abandonne sans réponses et change de position. Les journalistes burkinabè seront sauvés une quinzaine de minutes plus tard par une dame, certainement membre de la Fédération algérienne. A une autre porte près de celle de la presse, le président de la FBF, Lazare Banssé et sa délégation ont eu également maille à partir avec la police. Au final, seuls le président et quatre autres seront admis à la tribune officielle, les autres seront valsés dans une tribune juste en dessous du tableau électronique où ils n’ont pas été épargnés par la pluie et les quelques 5 degrés de température.

Les Algériens et le « wack »

16h45 ! Exorcisation du stade Mustapha-Tchaker ? En tous les cas, après que les deux équipes ont regagné les vestiaires à l’issue de leur échauffement, et avant le début de la rencontre, une cérémonie étrange s’est déroulée sous les yeux des 14 000 spectateurs. Deux jeunes, un de chaque côté, munis de bidons contenant un liquide, ont aspergé les deux lignes de touche de bout en bout, sous les ovations nourries des supporters surexcités dans les tribunes. « C’est une réponse à vos marabouts et sorciers que vous avez fait venir à Blida » (SIC), nous glisse, tout sourire, un confrère algérien à la tribune de presse. 17h ! Début du match. Les Etalons sont copieusement sifflés à chaque fois qu’ils touchent le ballon. Mais le but de Zakaria Sanogo (37e) a été accueilli dans un silence de mort dans les travées du stade. La deuxième période a été encore plus difficile pour les coéquipiers de Ryad Mahrez et leurs supporters, suite à l’assurance qu’ont dégagée les Etalons. La fin du match 90 mn plus tard a été accueillie avec un grand soulagement par les joueurs et le public. 20h, direction l’aéroport ! Le match est terminé depuis 1h30 environ. Les Etalons prennent la direction de l’aéroport d’Alger pour regagner Ouagadougou. Issoufou Dayo et ses coéquipiers sont éliminés et n’accèderont pas aux barrages, le dernier tour pour la qualification à la Coupe du Monde 2022. Cependant, cette jeune équipe a montré au monde qu’elle est en mesure de se solidariser pour faire face à l’adversité.

Sié Simplice HIEN

de retour de Blida

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