Les clubs de football au Burkina Faso sont dans le dur depuis près d’une décennie. Ce sont les mêmes litanies chaque saison avec des grèves de joueurs accusant des mois d’arriérés de salaires. La Ligue 1 cette saison n’échappe malheureusement à cette « règle » qui n’honore pas le championnat burkinabè.

Un match de Ligue 1, dans le Fasofoot, qui se termine après seulement huit petites minutes de jeu, la faute à une équipe incapable d’aligner au moins sept joueurs sur la pelouse. C’est le spectacle ubuesque qui s’est déroulé le 24 février 2023 au stade municipal Issoufou -Joseph -Conombo à Ouagadougou.

C’était lors de la 22e journée du championnat national de première division qui a opposé l’ASEC-K en lutte pour le maintien contre le leader, l’AS Douanes. La raison, les joueurs de Koudougou, dans la majorité, sont restés dans le vestiaire pour réclamer plusieurs mois d’arriérés de primes et de salaires.

La crise, on le savait, couvait depuis plusieurs mois. Les joueurs, à maintes reprises, ont tiré la sonnette d’alarme, ils ont interpelé l’opinion nationale par médias interposés sur leur situation de précarité sans que la donne ne change.Cette grève des joueurs de l’ASEC-K, loin d’être un acte anodin, révèle un profond malaise dans le Fasofoot.

Arriérés de salaires ou grave trouble fonctionnel dans la gouvernance des clubs

Depuis la saison sportive 2014-2015, les clubs qui participent au championnat national de football de première et deuxième division au Burkina Faso bénéficient d’une subvention du Ministère des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi (MSJE)pour aider à payer les salaires des joueurs.

Cet accompagnement au profit des clubs a pour objectif donc d’éviter ou de minimiser les retards de salaire ou des salaires impayés et par conséquent, améliorer la compétitivité du championnat national. A ce titre, chaque club de Ligue 1 bénéficie, pour chaque saison, de la somme de 20 millions et les clubs de Ligue 2 reçoivent chacun 10 millions. Le ministère octroie donc 320 000 000 F pour la Ligue 1 et 240 000 000 F pour la Ligue 2, soit un total de 560 000 000 FCFA pour aider à payer les salaires des joueurs.

A cela, il faut dire que le MSJE apporte aussi une subvention de 350 000 000 par an à la FBF pour l’organisation des compétitions. Chaque année, le MSJE reverse à la FBF près d’un milliard F CFA pour soutenir les clubs. En plus de l’appui financier du ministère, les clubs bénéficient aussi de la subvention de la FBF, soit 15 millions pour chaque formation de Ligue 1 et 5 millions pour la Ligue 2.

Il faut rappeler que lors des déplacements dans le cadre du championnat, le transport, la restauration et l’hébergement des équipes sont entièrement pris en charge. Malgré ces perfusions financières, la majorité des clubs est toujours dans un état végétatif où le pronostic vital est souvent engagé pour certains. Les manifestations cliniques de ce grave trouble fonctionnel dans la gouvernance des clubs sont pourtant visibles.

Le cancer se métastase

Depuis plusieurs années, les saisons passent et se ressemblent dans l’univers du football burkinabè. Les clubs sont passés maîtres dans l’art de dribbler les joueurs dans leurs engagements financiers. Les arriérés de salaires et de primes des joueurs rythment ainsi le quotidien du Fasofoot sans que cela n’émeuve personne. Au cours des saisons, confie un dirigeant de club, la plupart des équipes évoluent entre chantage, ultimatum des joueurs et médiation de sages ou de personnes- ressources.

Les joueurs boycottent l’entrainement ou parfois menacent de ne pas jouer les matchs. Mais la situation se dégoupille toujours au dernier moment. Cette année encore, c’est aussi le cas à l’ASFA-Yennenga, l’EFO, l’ASFB, l’ASEC-K, Royal, etc. Des clubs de Ligue 2 traversent également la même situation. Au fil des ans, les dirigeants ont de plus en plus du mal à retenir la colère des joueurs. En Ligue 2, les joueurs de l’USO, après plusieurs médiations, sont finalement passés à l’acte et ont mis à exécution leur menace.

Ils vont refuser de monter dans le bus qui devait les conduire à Ziniaré pour disputer un match de la 13e journée de Ligue 2. L’équipe a donc écopé d’un forfait et d’une amende de 200 000 F. L’épée de Damoclès plane désormais sur la tête de l’USO. Selon le règlement du championnat « Un club déclaré forfait deux fois au cours de la même saison est disqualifié pour le reste du championnat de L2 de la saison.

Il est relégué en 3e division la saison suivante ». Quelques semaines plus tard, ce sont les joueurs de l’ASEC-K qui boycottent un match de Ligue 1. Selon Ardjouma Sirima, président de l’Association des footballeurs du Burkina Faso (AFBF), la grande majorité des équipes de Ligue 1 et de Ligue 2 trainent plusieurs mois d’impayés de salaires et de primes aux joueurs.

En revanche, les clubs adossés à des entreprises (AS SONABEL ; Rahimo), à des clubs corporatifs (AS Douanes, AS Police) ou des clubs de promoteurs privés (Salitas ; Majestic) connaissent très rarement ou pas du tout ces situations.

Pour le moment, une paix relative règne dans le Fasofoot. Mais face à l’attitude des dirigeants qui, malgré les subventions, ont de plus en plus de mal à tenir leur engagement vis-à-vis des joueurs, il faut craindre que les mouvements d’humeur ne se généralisent.

Une thérapie de choc

Le Burkina Faso, à y voir de près, est pris dans le champ de l’industrialisation mondiale du football. Aujourd’hui, les anciens clubs qui n’ont pas fait leur mue face aux nouveaux enjeux sportifs connaissent des difficultés à l’image de l’EFO, l’ASFA-Y, l’USO, l’ASFB ; le RCB, etc.

A côté de ces anciens grands clubs qui végètent, il y a l’émergence de nouveaux clubs avec des promoteurs privés qui ont mis un modèle de développement économique viable. Le football burkinabè est à la croisée des chemins ou comment réussir la transversale d’un football social vers un football économique. Au regard de l’état végétatif des clubs, il est donc important de :

-lutter contre l’amateurisme dans la gestion des clubs. En principe, n’importe qui ne peut gérer une équipe. Aussi, ce n’est pas du fait qu’on est un grand supporter ou un ancien joueur que l’on est forcément un bon dirigeant. Il faut des dirigeants bien formés dans le management.

-prendre des mesures pour assainir la gestion financière des clubs. En effet, le choix d’un comptable pour assurer la gestion comptable de l’équipe reste un minimum.

-limiter le nombre de joueurs bénéficiaires de la subvention à 25 au maximum par club. -exiger des clubs qu’ils dotent les joueurs de comptes bancaires et la présentation de documents justificatifs à la Fédération burkinabè de football et au ministère des Sports, de la Jeunesse et de l’Emploi.

-fixer un salaire minimum de soixante-quinze mille francs (75 000FCFA) par mois pour chaque joueur de Ligue 1 et 50 000 FCFA pour les joueurs de Ligue 2.

-obliger les équipes bénéficiaires à rendre compte de la gestion des différentes subventions. Les équipes doivent fournir au MSJE les justificatifs – sans complaisance – des dépenses effectuées trimestriellement.

-mener à long terme la réflexion pour l’autofinancement des équipes et des fédérations. La capacité à trouver des sponsors ou la nécessité de s’adosser à des activités génératrices de revenus peut être une piste de solution pour des clubs économiquement viables et performants. Quoi qu’on dise, la perfusion à coup de millions et de milliards des associations sportives et du football en particulier n’est pas éternelle.

La nouvelle génération de dirigeants du sport ne peut réussir qu’en instaurant de nouvelles règles et méthodes de fonctionnement. Leur seul credo sera l’intérêt supérieur du sport. Forcément, il faudra agir en s’imposant, en orientant, en guidant, en sanctionnant. Sans complaisance.

Des décisions fortes doivent être prises pour une administration sportive forte et responsable. L’épée de Damoclès doit être présente à jamais. La professionnalisation du secteur tant décriée n’est pas un vain mot. C’est un comportement, une manière d’être et de faire. La réussite sportive sera à ce prix.

Sié Simplice HIEN

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