Le principal opposant camerounais, Maurice Kamto, se positionne en véritable poil à gratter pour le régime de Paul Biya au pouvoir depuis 43 ans. Candidat de la présidentielle d’octobre 2025 de l’Alliance pour le changement (APC), une coalition d’une partie de l’opposition, l’avocat de 71 ans a tenu, fin mai dernier à Paris, à mobiliser la diaspora came
rounaise en France en sa faveur. Après avoir promis de bâtir un Cameroun sans haine s’il est élu, Kamto a voulu garder le cap dans la mobilisation, en tenant un meeting à Yaoundé, le week-end écoulé, de son retour de l’Hexagone.
Mais le pouvoir en place, qui semble se méfier de lui comme de la peste, a déployé un impressionnant dispositif sécuritaire pour empêcher cette rencontre. L’opposant a dû se résoudre à appeler ses partisans à regagner leurs domiciles dans le calme. Ce rendez-vous manqué a mis Yaoundé en ébullition, ce qui n’est pas à plaire en haut lieu. Le fondateur du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) est en train de s’attirer à nouveau les foudres du régime Biya, qu’il a servi à un moment donné en qualité de ministre délégué à la Justice, avant d’entrer en dissidence. Alors qu’il se voit en alternative face à Biya qui maintient un faux suspense sur sa candidature à la future présidentielle, Kamto sait que son rêve de diriger le Cameroun bute contre des obstacles. Ravir le fauteuil à Biya, 92 ans, est un projet herculéen. Malgré le poids de l’âge et ses soucis de santé, le chef de l’Etat camerounais a mis le pays sous coupe réglée depuis plusieurs décennies.
Au point d’être indéboulonnable. La présidentielle d’octobre 2018 dont Kamto était sorti candidat malheureux tient lieu d’illustration et d’enseignement pour lui. Arrivé en seconde position à ce scrutin avec 14,23% contre 71,28% pour Biya, Kamto s’était autoproclamé vainqueur, contestant de fait la réélection du « Sphinx ». Pour cette « rébellion », il avait été arrêté et détenu pendant 9 mois, avant que des pressions internationales ne favorisent sa libération. Depuis lors, Kamto est dans le viseur de Yaoundé qui ne veut pas le laisser faire ombrage à Biya, le seul maitre à bord du bateau battant pavillon Cameroun. Les prises de parole et les meetings de l’opposant, qui fait trembler dans les cercles du pouvoir, sont rigoureusement encadrés ou pas du tout souhaités. Le pouvoir Biya craint des risques de troubles à l’ordre public lors des sorties publiques de Kamto, à telle enseigne qu’il y est quasiment opposé.
Le Cameroun étant présenté comme une démocratie, l’interdiction ou les restrictions des activités de l’opposant sont déplorables à plus d’un titre. Mais les réalités dans ce pays d’Afrique centrale sont telles que les opposants doivent raser les murs. S’il s’active à mener campagne, la candidature de Kamto à la prochaine présidentielle ne semblait pas évidente au départ. Son parti, le MRC, qui a boycotté le double scrutin municipal et législatif de 2020, ne pouvait pas l’investir candidat, puisque l’article 21 du Code électoral stipule que
« le candidat investi par un parti politique non représenté à l’Assemblée nationale, au Sénat, dans un conseil régional ou dans un conseil municipal doit également remplir les conditions applicables aux candidats indépendants ». La parade de l’APC, dont les partis membres disposent des élus nécessaires, a été trouvée, pour donner de la chance aux ambitions présidentielles de Kamto. Mais encore faut-il savoir s’il va triompher dans les urnes face à Biya, dont la candidature devrait être bientôt actée, sauf cas de force majeure.
Kader Patrick KARANTAO