La Confédération des Etats du Sahel (AES), composée du Burkina Faso, du Mali et du Niger, se consolide au fil du temps. Cette organisation, qui entend relever des défis sécuritaires, économiques et politiques, renforce continuellement ses bases juridiques et institutionnelles, en vue d’assurer sa pérennité. Engagés dans une lutte pour une véritable souveraineté et contre l’impérialisme sous toutes ses formes, les Etats membres de l’AES se donnent les moyens pour triompher de l’adversité et réussir leur pari.
Réunis les 29 et 30 mai 2025, à Bamako, la capitale malienne, les ministres de la Justice et des Droits de l’Homme de l’AES ont approuvé la modification de l’article 4 du Traité fondateur de l’institution, signé le 6 juillet 2024, pour intégrer le domaine de la justice et du droit parmi les compétences déléguées. Jusque-là, les compétences déléguées à la Confédération concernent trois domaines : la défense et la sécurité, la diplomatie et le développement. En procédant ainsi, les Gardes des sceaux espèrent faire en sorte, que « le droit soit au service de la marche du peuple de l’AES pour la souveraineté, la dignité et la prospérité », conformément à la volonté des trois chefs d’Etat, le capitaine Ibrahim Traoré et les généraux, Assimi Goita et Abdourahamane Tiani. Aussi ont-ils convenu de la nécessité de mettre en place des instances juridictionnelles et arbitrales confédérales, pour mettre les Etats « aésiens » à l’abri de l’« emprise négative » de puissances impérialistes sur l’organisation et le fonctionnement de certaines instances juridictionnelles et internationales.
Les organes prévus à cet effet devraient d’une part, connaitre du contentieux de l’interprétation et de l’application du Traité des actes dérivés, du contentieux des actes des organes de la Confédération, du droit des affaires, de l’arbitrage et de la médiation, et d’autre part, connaitre, entre autres, des infractions de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de crimes de génocide, de crimes d’agression, de terrorisme et de financement du terrorisme. Les ministres ont également approuvé I’harmonisation des statuts du personnel pénitentiaire conformément aux règles internationales et la construction d’une Prison de haute sécurité (PHS) liée à la future Cour pénale sahélienne et des Droits de l’homme (CPS-DH).
En attendant l’opérationnalisation de ces instances de justice « aesiennes », les organismes juridictionnels ou non sur le plan international seront saisis pour les personnes impliquées dans des actions de terrorisme, de financement de terrorisme et d’apologie du terrorisme. De toute évidence, l’AES s’emploie à l’uniformisation du droit dans ses Etats membres et au renforcement de la coopération judiciaire dans son espace, tout en envoyant un message clair au reste du monde. Le Burkina Faso, le Mali et le Niger n’entendent plus s’accommoder de certaines juridictions sous-régionales ou internationales, taxées d’impartialité ou d’être à la solde des puissances occidentales. Le cas de la Cour pénale internationale (CPI) revient fréquemment à l’esprit. Elle a beau s’en défendre, cette juridiction internationale basée à la Haye aux Pays-Bas est accusée régulièrement d’impartialité, en ce qu’elle est essentiellement focus sur l’Afrique.
Dans le cas de la crise postélectorale de 2010-2011 en Côte d’Ivoire, qui a provoqué 3 000 morts, alors que l’ancien Président Laurent Gbagbo et son ministre de la Jeunesse d’alors, Charles Blé Goudé, ont été acquittés, après un long séjour dans les geôles de la CPI, des individus doivent pourtant porter la responsabilité des milliers de morts et il va falloir les trouver pour rendre justice aux victimes et à leurs proches. Il ne faut pas se voiler la face : le système judiciaire international n’échappe pas aux pressions politiques. L’AES, qui en a pleinement conscience, mène son combat pour la souveraineté à ce niveau aussi, tout comme dans d’autres domaines où elle a déjà des acquis.
Kader Patrick KARANTAO