Diarradougou, localité située à la périphérie de Bobo-Dioulasso, abrite un champ-pilote de banane plantain. Créée en 2017 par la productrice Sylvie Kassongo, cette plantation est une preuve irréfutable que le bananier plantain réussit bien au Burkina Faso. Organisés autour de la Fédération banane, les promoteurs ont décidé de se lancer dans une production à grande échelle. Pour ce faire, le ministre en charge de l’agriculture a promis de leur offrir 300 ha, répartis entre les sites de Samendéni, Matourkou et Bagré.
Dans son domaine de sept hectares (ha) situé à Diarradougou, à la périphérie-ouest de Bobo-Dioulasso, région des Hauts-Bassins, Sylvie Kassongo produit toutes sortes de cultures dont la banane plantain. Dans sa plantation de 0,25 ha, les bananiers arborent un feuillage vert en ce mois de mars 2024. Grâce à un système d’irrigation bien maîtrisé, la plantation ne connait pas de stress hydrique. A écouter la productrice, l’aventure a commencé en 2017 avec 80 pieds (rejets) de bananiers importés de la Côte d’Ivoire. Avec l’aide des chercheurs de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA) et des techniciens d’agriculture, Mme Kassongo crée la surprise. Sa plantation a émerveillé de nombreux visiteurs. L’appétit venant en mangeant, la recherche met à sa disposition trois variétés. Il s’agit de la Big Ebanga, la Fhia et la Pitha 3. Elle multiplie les plants et agrandit sa plantation. Ainsi, elle met en place trois hectares de bananeraie.
L’écoulement, un autre combat

Pour la fertilisation de son sol, elle a jeté son dévolu sur la fumure organique avant de compléter par l’engrais chimique. La plantation étant bien entretenue, les résultats ont été au rendez-vous. En termes de rendement, Mme Kassongo dit avoir battu le record. Car avec la Big Ebanga, elle obtient un rendement de 40t/ha, au lieu de 35t/ha comme c’est le cas en Côte d’Ivoire. Sur chacune des deux autres variétés, elle obtient un rendement qui varie entre 50 et 55t/ha. De cette fructueuse récolte, Mme Kassongo n’en a pas profité seule. Elle a organisé dans l’enceinte de sa ferme, une séance de dégustation des mets à base de banane plantain produite au Burkina. Repas appétissants que d’aucuns n’ont pas manqué d’apprécier, confie-t-elle, tout sourire.
Le consommateur bobolais a l’habitude d’acheter le tas de quatre aloco (banane plantain mûre) autour de 200 F CFA. C’est lorsque Mme Kassongo a entamé la vente de sa production que ses déboires avec les clients ont commencé. En effet, elle vendait le régime de la Big Ebanga à 4 000 F CFA et celui des deux autres variétés à 6 000 F CFA. Les clients crient à la cherté de l’aloco local. Ils ont plutôt exigé qu’il soit vendu au même prix que celui de Côte d’Ivoire. Une proposition que Mme Kassongo a balayée du revers de la main. Elle estime que la production locale engendre des charges plus importantes.
« On a dépensé beaucoup d’argent dans l’entretien de notre plantation. On ne peut donc pas se permettre de brader notre production de la sorte », soutient-elle. Sylvie Kassongo ne cache pas ses craintes, vu que l’écoulement pose déjà problème. Qu’en sera-t-il en cas de production à grande échelle ? s’interroge-t-elle. En fait, les acteurs sont déjà dans cette dynamique. Même si le ministre en charge de l’agriculture a essayé de les rassurer en disant que la vente ne sera pas un souci, Mme Kassongo reste sceptique.
Mieux, elle a préféré prendre les devants en réduisant la superficie de sa plantation. De trois hectares au départ, elle n’exploite que 0,25 ha de nos jours, une production destinée exclusivement à la multiplication. Organisés autour de la Fédération banane qui regroupe plus de 2 000 membres, les acteurs de la filière sont déterminés à relever le défi de la production nationale.
300 hectares pour la banane plantain

Dans la dynamique de la production à grande échelle, ils peuvent compter sur l’Etat. Dans cette optique, le ministre en charge de l’agriculture, le commandant Ismaël Sombié, a promis de leur offrir 300 hectares, répartis entre les sites de Samendéni, Matourkou et Bagré. Une promesse accueillie avec beaucoup d’enthousiasme par Sylvie Kassongo et ses camarades qui plaident pour une augmentation de ces superficies à 1000 ha. « 100 ha, c’est peu. Avec cette superficie, je n’ai même pas besoin d’un ouvrier », assure-t-elle. Fille d’un grand planteur de banane douce en Côte d’Ivoire, Sylvie Kassongo est rentrée au Burkina Faso par les liens du mariage.
Titulaire du Certificat d’études primaires (CEP) avec un niveau de la classe de 4e, sa passion pour l’agriculture l’a conduit à embrasser ce métier contre la volonté de son époux. Celui-ci souhaitait qu’elle poursuive les études ou passe le concours de la santé, « Garçons et filles de salle », mais elle est restée inflexible à son choix. De plus, se rappelle-t-elle, l’entourage a tenté de mettre des bâtons dans ses roues. « Des hommes sont venus m’insulter dans ma ferme, sous le prétexte que le travail que je fais n’est pas celui des femmes. Mais je trouvais qu’ils perdaient leur temps.
Au début, j’ai échoué et ils étaient tous contents. J’ai persévéré et voilà que j’ai réussi », raconte-t-elle, toute joyeuse. Lauréate du concours mondial de l’agriculture au Canada, elle a décroché de nombreux prix dont le balo d’or en 2020 au Burkina Faso, constitué d’un trophée et d’une récompense de 15 millions F CFA dont elle n’a pas encore reçu. Son vœu le plus cher est que l’Etat prenne en compte les promoteurs de la banane plantain dans l’aménagement des terres agricoles.
Ouamtinga Michel ILBOUDO
omichel20@gmail.com
