Editorial: le blé de l’espoir

Du blé produit à grande échelle au Burkina. Jusque-là, cela paraissait illusoire, puisque les premières tentatives de production intervenues entre 1975 et 1980 se sont soldées par un échec. Par la suite, au début des années 2000, la Vallée du Sourou produisait bel et bien du blé à Di et à Dangoumana. Cette culture se substituait alors à celles du mil et du maïs afin de répondre à l’accroissement de la consommation du pain dans la capitale Ouagadougou surtout, tout en réduisant quelque peu le poids des importations.

Le 11 mars 2005 à Niassan (province du Sourou), à l’occasion d’un séminaire sur le lancement de la culture du blé au Sourou, le ministre de l’Agriculture de l’époque, Salifou Diallo, lançait : « C’est le meilleur pain que j’aie jamais mangé. C’est le pain de l’espoir, de la colère et de la révolte ». Et puis, silence radio !

Il a fallu la crise russo-ukrainienne, tous deux des pays exportateurs de blé, pour que les pays africains et singulièrement le Burkina Faso se réveille. Désormais et à titre d’exemple, à Savili (5ha) et à Tanghin-Wobdo (0,3ha), dans le Centre-Ouest (Koudougou), le Burkina Faso cultive du blé.

C’est aussi le cas de plusieurs autres localités du pays comme Bagré dans le Centre-Est et Samendéni dans les Hauts-Bassins. 20 ans après donc, la filière blé figure en bonne place de la liste des huit filières prioritaires (riz, maïs, pomme de terre, blé, poisson, bétail-viande, volaille et mangue) identifiées par l’Offensive agropastorale et halieutique 2023-2025 pour assurer l’autosuffisance alimentaire au Burkina Faso.

Au-delà des initiatives privées, l’offensive entend réhabiliter pour ce faire, 1 500 ha de périmètres irrigués à Samendéni et 100 autres à Bagré. Déjà, les variétés Achtar et Kanz ont été mises en multiplication dans les stations de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA) de Farako-Bâ, à Bobo-Dioulasso, pour les semences de pré-base et auprès des producteurs semenciers pour les semences de base.

Dans un pays où le pain est devenu un aliment de base, produire la matière première sur place est simplement un impératif. En lançant la production de cette spéculation à grande échelle en saison froide qui correspond à la fin de la campagne humide au Burkina, le gouvernement contribuera à réduire la dépendance de notre pays de l’importation du blé et de la farine de blé, et du même coup, combler le déficit céréalier, sinon, compléter la production humide. L’engouement du monde rural étant palpable, il reste à rendre disponibles les semences et à vulgariser l’itinéraire technique de production pour éviter des débauches inutiles d’énergie et des pertes de ressources et de temps.

Pour leur part, les producteurs de blé gagneraient à s’organiser en créant une filière pour mieux professionnaliser le secteur (vente des récoltes) et porter leurs préoccupations auprès des autorités en charge de l’agriculture. Enfin, les opérateurs économiques doivent être impliqués dans le secteur à travers la mise à leur disposition des terres, en vue d’une production industrielle et surtout de la transformation du blé en farine par les minoteries, à destination des boulangeries, principales demandeuses du blé, pour la fabrication du pain.

En tous les cas, l’espoir est grand avec cette reprise de la production du blé, surtout que la recherche y a été associée pour mettre à la disposition des producteurs, des semences adaptées à nos conditions climatiques. Au fil des ans, les productions pourront progressivement croitre et réduire ainsi les importations de cette céréale qui pourrait également alimenter les cantines scolaires, les maisons d’arrêt et de correction et la « soupe » des écoles, centres et groupements de formation et d’instruction des Forces de défense et de sécurité.

Jean Marie TOE
jmt16j@gmail.com