Présidentielle sénégalaise : vers une élection ouverte et inclusive

Une victoire d’Amadou Ba, le dauphin intronisé par Macky Sall n’est pas gagné d’avance.

20 candidats seront autorisés à concourir à la prochaine présidentielle au Sénégal, après l’arrêt définitif de la liste des prétendants à la magistrature suprême, par le Conseil constitutionnel. Malgré l’absence de Ousmane Sonko et Karim Wade de cette liste, cette élection devrait être tout de même la plus inclusive et la plus ouverte de l’histoire politique du Sénégal.

Au finish, 20 candidats sont autorisés à prendre part à la présidentielle du 25 février prochain, après le lifting du Conseil constitutionnel et après l’étape cruciale des parrainages. Outre l’absence sur la liste des candidats de Ousmane Sonko, du fait de ses nombreux ennuis judiciaires, celle de Karim Wade, fils et ancien ministre de Abdoulaye Wade, ne passe pas inaperçue. L’intéressé est écarté car sa candidature a été jugée « irrecevable » à cause de sa double nationalité française et sénégalaise, selon le Conseil constitutionnel.

Des 20 « heureux élus », des poids lourds de la politique sénégalaise et les plus connus vont certainement retenir l’attention. Il en est ainsi du candidat de la majorité présidentielle, l’actuel premier ministre Amadou Ba, l’ancien maire de Dakar, Khalifa Sall et l’ancien premier ministre de Abdoulaye Wade, Idrissa Seck. Si l’on peut penser que le candidat de la majorité part avec la faveur des pronostics, à vue d’œil, la réalité est tout autre. Rien n’indique en effet que tout le camp présidentiel fera bloc derrière lui. D’autres candidats issus de cette même majorité sont également candidats à l’instar de l’ex-Premier ministre, Abdallah Dionne et Ali Ngouille Ndiaye, ex-ministre de l’Agriculture, qui refusent de s’aligner derrière le candidat désigné.

Macky Sall avait dû porter son choix sur son premier ministre parmi la dizaine de candidats déclaré dans son camp après qu’il a renoncé à briguer un troisième mandat en juillet dernier, objet de tensions ces dernières années dans la vie politique sénégalaise. Amadou Ba avait en effet pour lui son expérience : chef du gouvernement depuis septembre 2022, ministre des Affaires étrangères jusqu’en 2020. Auparavant, il a joué les premiers rôles pour mettre en œuvre le plan Sénégal Emergent du président, en sa qualité de ministre de l’Economie et des Finances de 2013 à 2019.

Quelle attitude au second tour ?

En cas de deuxième tour favorisant le candidat de la majorité, ses deux camarades dissidents lui apporteront leur soutien ? Une perspective envisageable dans la mesure où un tel soutien peut valoir des straspontins ministériels en cas de victoire d’Amadou Ba. Ou alors n’ayant pas digéré le fait de n’avoir pas été choisis, ils pourraient appeler à voter pour un concurrent de l’opposition. Ayant raté l’élection présidentielle de 2019, parce que condamné par la justice pour détournement de Fonds publics alors qu’il était maire de Dakar, Khalifa Sall doit penser que son heure a sonné.

L’intéressé de 68 ans jouit d’une expérience politique avérée (député, ministre et maire de Dakar pendant de longues années). En plus de bénéficier du soutien de l’actuel maire de Dakar, Barthélemy Dias, le Parti socialiste (PS), formation politique dont il est issu est doté d’une assise nationale même s’il a quelque peu perdu de son aura ces dernières années. Déjà candidat à la présidentielle à trois reprises (2007, 2012 et 2019), Idrissa Seck tentera encore sa chance cette année. L’ancien premier ministre de Abdoulaye Wade et jusqu’à tout récemment président du Conseil économique et social sous Macky Sall, s’active désormais à bâtir une grande coalition autour de sa candidature pour se donner plus de chance de remporter.

Mais les électeurs sénégalais n’ont sans doute pas oublié ses ruptures et ses allers-retours entre le pouvoir et l’opposition sous les deux présidents sous lesquels il a servi. A ces candidats bénéficiant d’une certaine assise, s’ajoutent d’autres aux profils variés dont deux femmes. Rose Wardini, gynécologue et actrice de la société civile, et l’entrepreneure Anta Babacar Ngom. Fait notable, même les candidats recalés ont des représentants à l’image du candidat de l’ex-PASTEF, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, présenté comme candidat de substitution d’Ousmane Sonko et qui tout comme son mentor se trouve en prison pour outrage à magistrat et pour diffamation. L’élection présidentielle de 2024 au Sénégal est la plus ouverte, au vu du nombre de candidats.

A titre de comparaison, ils n’étaient que 5 à prendre part à la course à la présidence en 2019, alors que la loi sur les parrainages était déjà en vigueur. La raison principale est que le président sortant ne se présente pas, ce qui est un fait inédit dans l’histoire politique du Sénégal. Or, le candidat sortant jouit traditionnellement de moyens beaucoup plus importants à travers une administration politisée. A l’heure actuelle et en attendant le début officiel de la campagne présidentielle, il est bien difficile de parier sur un potentiel vainqueur. Au Sénégal, les élections se déroulent toujours à travers de grandes coalitions et il faudra compter sur le jeu des alliances surtout en cas de second tour. A coup sûr, cette élection sera fortement scrutée, même en l’absence de candidats de taille.

Gabriel SAMA