Valorisation des espèces locales: l’huile de raisin et de chenille, une trouvaille de la recherche

Du raisin africain, il est possible d’extraire une huile de bonne qualité.

Le Forum national de la recherche scientifique et des innovations technologiques (FRSIT) donne l’opportunité aux chercheurs de promouvoir les résultats de leurs travaux en vue d’en faire un moteur de développement. L’équipe aliment et biomolécule de l’université Joseph-Ki-Zerbo a pris part à la 14e édition qui s’est tenue, du 24 au 28 octobre 2023, à Ouagadougou. Zoom sur quelques résultats de recherches, notamment sur le raisin africain, la chenille de karité, le niébé, le Combretum et des variétés de riz.

biomolécule logée au Laboratoire de biologie moléculaire, d’épidémiologie et de surveillance des bactéries et virus transmis par les aliments (LABESTA) de l’université Joseph-Ki-Zerbo de Ouagadougou mène des recherches sur des plantes locales. Dirigée par le Pr Nestor Bassolé, elle a, en effet, présenté les résultats de ses recherches sur le raisin africain, la chenille de karité, le Combretum et des variétés de riz, à la 14e édition du Forum national de la recherche scientifique et des innovations technologiques (FRSIT).

Le raisin africain est une espèce locale oléagineuse présente sur tout le territoire national. Il est plein de qualités. Selon le Pr Bassolé, la pulpe, l’amande et l’enveloppe de la plante sont toutes exploitables. Les tourteaux contiennent toute la série des acides aminés, en minéraux et en vitamines. Pour le doctorant en 2e année, Bokenan Sanon, le raisin africain n’est pas suffisamment exploité. « Toutes ses parties sont valorisables.

La peau a une composition similaire à celle de la pulpe qui est consommée. Elle contient des antioxydants plus que la pulpe, nécessaire contre le vieillissement de la peau », explique le chercheur. On peut faire des jus, des confitures avec la pulpe. Quant à l’amande, elle contient, foi du doctorant, 60% d’huile. Ce qui lui vaut d’être au-dessus de toutes des espèces oléagineuses comme l’arachide, le sésame, le coton.

« Elle résiste à la chaleur, car elle peut être chauffée en continu à 120°C pendant 52 heures sans être dégradée. Donc cette huile peut être utilisée pour la friture au regard de sa résistance à la chaleur », indique M. Sanon. Il a, en outre, confié que de nouvelles molécules en ont été isolées pour la première fois.

Il s’agit d’anti inflammatoire et d’anti oxydante. Ces molécules ont fait l’objet d’un brevet à l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI). « Le potentiel existe pour transformer la plante afin d’avoir une huile de qualité (comme l’huile d’olive) à moindre coût sur le marché. On gagnerait à prendre en compte ces résultats, surtout quand on parle de développement endogène », déclare Nestor Bassolé.

Le niébé

L’équipe aliment et biomolécule a également travaillé sur des insectes comestibles dont la chenille de karité. « Nous avons extrait l’huile de la chenille. Elle contient environ 20% d’huile. Sa particularité est qu’elle est riche en acides gras essentiels tels que les omega 3 (20%) et omega (8%) », dit Bokenan Sanon. A l’entendre, ce sont des éléments qui composent l’huile d’olive et du tournesol.

Il pense que cette découverte peut permettre d’utiliser l’huile de chenille comme huile de table. Au tourteau de la chenille, les chercheurs de l’université Joseph-Ki-Zerbo ont trouvé une richesse en protéines, en acides aminés essentiels et en oligoéléments tels que les minéraux recherchés pour les enfants, les femmes enceintes et les personnes âgées. Le tourteau pourrait être utilisé pour fortifier les farines infantiles.

L’équipe a par ailleurs trouvé les mêmes teneurs (protéines, minéraux, acides aminés) dans le criquet. Le niébé a retenu l’attention de l’équipe. Judicaël Thomas Willy, assistant du Pr Bassolé, donne les conclusions de la recherche. Selon lui, il existe plus de 30 variétés de niébé, considéré comme « viande des pauvres ». L’étude a porté sur les paramètres optimaux de friture de beignet à base de quatre variétés de niébé dont deux améliorées de couleur blanche et deux locales de couleur noire et de couleur rouge.

L’étude s’est réalisée à partir d’une enquête auprès de 54 productrices de beignets de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso. « L’enquête a montré que ces dames préfèrent les niébés blancs. Le temps de trempage est de plus huit heures et à des températures très élevées (100 degrés). Une pratique déconseillée au regard des composés dangereux qui peuvent en résulter et impacter sur la qualité nutritionnelle des beignets », prévient M. Willy.

Celui-ci informe qu’après l’enquête, l’aptitude des différentes variétés à la friture des beignets a été étudiée au laboratoire. « On a constaté que les variétés locales de niébé (noir et rouge) sont plus aptes à la friture des beignets si on part de leur composition biochimique. Par contre les variétés de couleur blanche présentent moins de pertes avec la technologie utilisée. C’est ainsi que les chercheurs recommandent les variétés améliorées de couleur blanche pour la friture des beignets après un trempage maximum de deux heures à l’eau tiède.

Le Combretum

Le Combretum micranthum, communément appelé Kinkéliba, a fait l’objet de recherche par l’équipe. On le trouve en Afrique de l’Ouest, dans les pays sahéliens, notamment au Burkina Faso. Ses feuilles sont utilisées pour leurs vertus anti-inflammatoires et antibactériennes pour soigner le paludisme, le diabète…. Au-delà de ces propriétés, Pr Bassolé et ses disciples ont trouvé en lui d’autres utilités.

En effet, selon Marie Justine Traoré, les graines du combretum contiennent une grande teneur en matières grasses. Son indice de saponification est élevé. Ce qui a permis de fabriquer des savons à partir de deux formulations. La première porte sur l’association de l’huile du combretum au beurre de karité. Pour faire une deuxième formulation, on y a ajouté du beurre de karité et de l’huile de palme. Aux dires de Justine Traoré, en première année de thèse, tous les savons ainsi formulés moussent bien.

Avec cette découverte, l’huile du kinkéliba, qui est comestible, pourrait remplacer l’huile de coton ou de palme dans la composition du savon. On pourrait ainsi économiser des devises dans l’importation de ces matières premières. Des travaux de l’équipe aliment et biomolécule, on peut retenir, à en croire le chef, l’obtention de 11 variétés de riz. Parmi lesquels le Massa malo, le riz légèrement sucré (indiqué pour ceux qui fournissent des efforts physiques), le riz recommandé pour les diabétiques (l’index glycémique est faible).

Sans oublier les variétés de riz à gros ou à long grain avec des rendements entre 9 et 11 tonnes à l’hectare. Pr Bassolé reste convaincu que l’’exploitation de ces études peut être une panacée pour un développement endogène. La 14e édition du FIRSIT a eu lieu du 24 au 28 octobre 2023 à Ouagadougou au sein du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO).

« Défis humanitaires en Afrique : contribution de la recherche scientifique et de l’innovation pour des solutions durables » a été le thème retenu. Le FIRSIT est co-organisé par le et le du Burkina Faso. Il donne l’opportunité aux chercheurs de promouvoir leurs résultats de recherche et de les valoriser en vue d’en faire un véritable moteur de développement. C’est une manifestation scientifique qui rassemble des chercheurs, des enseignants-chercheurs, des inventeurs, des innovateurs, des étudiants et des acteurs du développement.

Habibata WARA