Pisciculture en cages flottantes: une technique innovante pour booster les rendements

La pisciculture en cages flottantes est une méthode bénéfique pour les éleveurs de poissons.

Le gouvernement burkinabè s’est donné pour objectif de développer le secteur aquacole par la production de 100 mille tonnes de poisson par an. Cette ambition passe nécessairement par des techniques innovantes à l’instar de l’élevage en cages flottantes. Sur les berges du barrage de Ziou, commune située dans la province du Nahouri, région du Centre-Sud, l’exemple d’un jeune pisciculteur, Richard Badi, force l’admiration.

Du poisson frais à profusion, comme s’il en pleuvait, dans la commune de Ziou, région du Centre-Sud. Nous sommes, jeudi 15 février 2024, sur les berges du barrage de Ziou, localité située à une soixantaine de kilomètres (km) de Pô, chef-lieu de la province du Nahouri.

Un jeune, la trentaine bien sonnée, y exerce la pisciculture en cages flottantes. Il s’agit de Richard Badi, 35 ans. Au nombre de ceux qui répondent à l’appel du ministère en charge de l’agriculture à travers l’offensive agropastorale et halieutique, fait partie ce pionnier de la nouvelle technologie dans le domaine aquacole.

Juriste de formation, sa vocation pour la pisciculture remonte depuis sa tendre enfance puisque, fils d’un pêcheur. C’est en 2019 qu’il se lance dans l’élevage du poisson avant d’adopter une nouvelle technique innovante dont la pisciculture en cages flottantes.

Ce système implique l’élevage des poissons dans une enceinte, à travers laquelle est maintenue une libre circulation de l’eau. Elle consiste à installer des cages flottantes dans un cours d’eau déjà existant (barrage, fleuve…). Ces cages sont construites à partir de nappe très proche du filet placé bien au-dessus du fond du barrage.

Selon Richard Badi, par ailleurs promoteur de Kaïros (temps favorable en latin) agoaquacole, plusieurs méthodes s’offrent aux pisciculteurs, notamment l’élevage en bassins, en enclos, en bacs hors-sol, en étangs, etc.

Mais, fait-il savoir, la technique de la cage flottante est la meilleure pour développer avec aisance cette activité. A proximité du barrage se trouve une unité chargée de produire les alevins.

Ils sont nourris à cet endroit, pendant un temps, avant d’être envoyés dans les cages de pré-grossissement au niveau du barrage. Un mois après, ils sont par la suite amenés dans les cages de grossissement où ils passeront en moyenne cinq mois pour espérer se métamorphoser en poisson de 500 grammes (g), un poids apprécié par les clients.

«Concernant les cages de grossissement, nous disposons de neuf cages flottantes de 50 m3 l’unité. Chaque compartiment a une capacité de production par cycle de cinq tonnes de poisson», souligne le jeune pisciculteur.

50 millions F CFA de chiffres d’affaires par an

L’une des difficultés de la pisciculture en cages flottantes …

La pisciculture en cages flottantes est moins pénible, avec un cycle court et une forte densité, lance-t-il. A l’écouter, avec ses installations, il peut produire annuellement plus de 100 tonnes (t) de poisson s’il bénéficie d’un soutien. « A l’étape actuelle, nous ne dépassons pas les 15 t », révèle le promoteur de Kaïros agoaquacole qui réalise un chiffre d’affaires de 50 millions F CFA par an.

Selon lui, avec les autres types d’élevage, il est difficile de produire 150 poissons au mètre cube (m3). « Or, la cage flottante permet d’atteindre 200 poissons au m3 », relate-t-il. Des poissons, de toute sorte, peuvent être élevés avec cette technique.

Mais, précise-t-il, pour l’instant ce sont les silures et les carpes qui sont produits pour la maitrise de leur reproduction et alimentation. L’autre avantage de la pisciculture en cages flottantes est que le poisson croit en milieu naturel, parce que l’eau se renouvelle constamment et à chaque instant.

Ce qui n’est pas le cas pour les autres types d’élevage qui exigent un oxygénateur pour préserver la température de l’eau, un terrain, un forage, une clôture… Tout cela mis ensemble, dit-il, demande un budget conséquent pour un débutant. Pour lui, cette forme de pisciculture permettra de faire face efficacement à la pénurie de poissons si le gouvernement s’y investit davantage.

Dans le cadre de l’offensive agropastorale et halieutique 2023-2025, le gouvernement prévoit de produire 100 000 t de poisson par an, afin de couvrir des besoins de consommation nationale. Des actions sont donc orientées vers la mise en place de 20 600 cages flottantes pour la pisciculture.

Le Directeur régional de l’Agriculture, des Ressources animales et halieutiques (DRARH) du Centre-Sud, Amos Congo, indique que la duplication de cette technologie va permettre de booster la production du poisson non seulement dans sa région mais aussi dans d’autres zones.

« Nous avons un appui au niveau de la station piscicole du Bazèga qui permet de produire des alevins pour empoissonner les cours d’eau. Il y a également la réhabilitation du barrage de Bion et la construction de bassins piscicoles pour augmenter la capacité de production des alevins et de poissons consommables », informe Amos Congo, tout en saluant la clairvoyance des « plus hautes autorités ».

De son point de vue, la pisciculture à l’aide des cages flottantes pratiquée à Ziou est une première expérience au Burkina Faso. « Il fait des merveilles dans la localité. Beaucoup de gens viennent s’en inspirer parce qu’ils ne savaient pas que c’était faisable », loue le DRARH du Centre-Sud.

Le pisciculteur, Richard Badi, qui déplore l’inexploitation des cours d’eau dit écouler facilement son produit sur le marché grâce à sa qualité. « On peut valoriser les cours d’eau en adoptant l’élevage en cages flottantes. Nous avons des demandes de clients fidèles que l’on n’arrive pas à satisfaire », affirme le jeune pêcheur. Bernadette Toé est agente dans une société à Ouagadougou. Fidèle consommatrice du poisson fourni par le pisciculteur, elle apprécie positivement. « J’achète pour le ménage. Le goût de son poisson n’a rien à voir avec ce que l’on paye sur le marché.

Le prix du kg à 2 500 F CFA est acceptable, surtout pour du poisson d’eau douche », laisse-t-elle entendre. A l’image de celle-ci, Nadège Sawadogo, gérante de restaurant dans la capitale, est également une cliente. Elle se fait ravitailler en gros pour son restaurant. Elle témoigne avoir eu la chance de rencontrer ce pêcheur par l’intermédiaire d’une connaissance.

« Quand j’ai lancé la commande pour la première fois, c’était vraiment très bien. Mes clients apprécient très bien le goût. Si j’achète 40 kg, ça ne couvre plus la semaine », atteste la restauratrice qui se fait approvisionner régulièrement.

Favoriser l’accès à l’aliment pour poisson

…est l’accès à l’aliment pour poisson.

L’élevage du poisson en cages flottantes regorge des avantages. Mais au Burkina Faso, l’une des contraintes à la pisciculture est l’accès à l’aliment pour poisson qui coûte cher. Selon le jeune entrepreneur, le sac de 20 kg se vend à 17 000 F CFA. Ce qui n’est pas négligeable, à ses dires. « Nous avons réussi à faire de bonnes
installations.

Si l’Etat nous accompagne dans ce sens, nous pouvons produire des centaines de tonnes de poisson », promet-il. Par ailleurs, il apprécie la vision du gouvernement dans le cadre de l’offensive mais, cette stratégie doit tenir compte de certains paramètres. Il s’agit, souligne-t-il, de travailler à mettre à la disposition des pisciculteurs, des alevins de souches performantes pour les promoteurs, de favoriser l’accès à l’aliment pour poisson, de disposer d’une bonne communication…

Très ingénieux, le jeune pisciculteur a d’autres astuces plus utiles qu’il entend mettre en œuvre pour améliorer son système de pisciculture. Il envisage, à cet effet, de mettre en place une écloserie moderne de référence de tilapia et de silure, pour produire plus d’alevins pour les promoteurs qui le désirent.

« Mon rêve est de renforcer la capacité de production. En plus de la commercialisation, nous comptons également aller vers la transformation », projette-t-il.
Dans le cadre de l’offensive, selon le directeur régional en charge des ressources halieutiques du Centre-Sud, sa région est bénéficiaire d’un appui en aliment pour poisson.
Il reconnait que la demande est faible. « Mais, une part a été réservée au promoteur. Il a eu 2,5 t pour développer son activité », informe le DRARH.

Aly SAWADOGO