Editorial: les eaux de surface aux abonnés absents

Pays à dominance agricole, le Burkina Faso et ses partenaires au développement mettent en œuvre, depuis des décennies, des politiques nationales pour l’atteinte de la souveraineté alimentaire. Construction de barrages, désensablement de cours d’eau, aménagement de retenues d’eau et de périmètres irrigués, petite irrigation villageoise, … tout y passe et à coût de milliards F CFA. Mais jusque-là, les résultats ne sont pas au rendez-vous. En plus des différentes politiques sectorielles en cours, le gouvernement de la Transition a récemment engagé l’Offensive agropastorale et halieutique 2023-2025.

Toutes ces initiatives ne peuvent aboutir que si les producteurs disposent de ressources hydrauliques suffisantes, en plus de l’accès aux intrants et autres matériels de production. Pour une campagne humide qui n’excède pas généralement trois mois dans notre pays, avec des disparités dans la répartition spatiale et temporelle des pluies, la mobilisation des eaux de surface s’impose donc comme une nécessité absolue.

En effet, même dans certaines régions où la pluviométrie vacille entre 800 et 1200 m3 par an comme les Cascades, les exploitants agricoles peinent à disposer d’eau suffisante, surtout en saison sèche pour s’adonner convenablement aux cultures de contre-saison. Par conséquent, même les périmètres aménagés manquent parfois d’eau du fait de la pression qu’exerce une diversité d’acteurs obligés de se retourner tous vers les mêmes retenues d’eau. Maraîchers, pêcheurs, éleveurs, riziculteurs et parfois l’ONEA, la SONABEL (barrage hydroélectrique, stations de pompage …), la SOSUCO et bien d’autres usagers se disputent la ressource, avec à la clé des tensions qui aboutissent parfois à des crises ouvertes.

Cela impose donc des actions urgentes et à plusieurs niveaux. D’abord, la construction de retenues d’eau de grande capacité pour stocker les eaux de surface et éviter qu’elles s’écoulent vers les pays voisins alors que le besoin national est abyssal. Ensuite, le désensablement des barrages et autres retenues d’eau permettra d’augmenter les capacités des points d’eau existants.

A cela, il faut ajouter la sensibilisation des populations à la bonne gestion des ressources, notamment le respect des bandes de servitude, la protection des berges par des haies vives et l’interdiction de l’orpaillage (mercure) et de l’usage excessif des herbicides et pesticides qui contaminent les eaux. Il faut enfin outiller davantage les Comités locaux de l’eau (CLE) et les doter de moyens suffisants pour mener à bien leur mission. A côté de cet aspect agricole, le volet halieutique et pastoral doit être pris en compte.

En effet, au même titre que le maraichage et la riziculture, la pêche, la pisciculture et l’élevage ont besoin de ressources d’eau suffisante. Au regard de l’insuffisance de l’eau, les conflits sont récurrents entre ces acteurs, d’où la nécessité d’aménager des zones piscicoles, mais aussi des boulis et autres puits à grand diamètre dans les zones pastorales. L’Offensive agropastorale et halieutique qui a connu un début de mise en œuvre prometteur continue de susciter l’espoir chez les acteurs du monde agricole qui croient, dur comme fer, au début du solutionnement définitif de leurs difficultés qu’ils trainent depuis des lustres. Il reste à croiser les doigts et espérer que les fruits tiendront les promesses des fleurs au grand bonheur des laborieuses populations qui n’attendent que cela pour s’épanouir. L’eau c’est la vie et cela n’est plus à démontrer.

Jean Marie TOE

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