Présidentielle en RDC: l’opposition n’a pas fait le poids

Le président Félix Tshisekedi est sorti largement vainqueur de la présidentielle face à une opposition divisée.

Favorisé par une opposition divisée, le président sortant, Félix Antoine Tshisekedi a remporté la présidentielle en République démocratique du Congo, avec 74,34% des voix exprimées. Il devra à présent relever de nombreux défis pour ce second mandat, dans cet immense pays aux grandes richesses, miné par des conflits à répétition.

De façon générale en Afrique, l’opposition s’est toujours présentée en ordre dispersé face aux échéances électorales cruciales comme l’élection présidentielle. Celle qui s’est tenue le 20 décembre dernier en République démocratique du Congo n’a pas dérogé à la règle. Des poids lourds de la politique congolaise, à l’image de Moïse Katumbi,(18,08%) et Martin Fayulu,(5,33%), arrivés respectivement deuxième et troisième de cette présidentielle, n’ont pas pu taire leurs égos pour envisager l’union.

Dans cette liste d’opposants candidats qui se sont présentés en rang dispersé, difficile de ne pas s’attarder sur la candidature du célèbre docteur Denis Mukwégué , prix Nobel 2018 pour son combat contre les violences sexuelles exercées sur des femmes en tant qu’arme de guerre et pour ses services exceptionnels à l’endroit des survivantes de viols. A l’annonce de la candidature de celui qui « répare les femmes », on pouvait légitimement se poser la question de savoir ce qu’il cherchait dans cette « galère ».

Car une grande partie des Congolais l’avait hissé sur un piédestal pour son grand dévouement dans la région du Sud-Kivu, au service des survivantes des violences sexuelles, ces femmes dévastées dans leur chair par des criminels de guerre. Le docteur Mukwege a conquis le respect de l’Afrique et du monde. Car, il est auréolé de prestigieuses distinctions dont le prix Nobel de la paix qui l’a définitivement placé au-dessus de la mêlée. Tout au plus, il aurait dû simplement demeurer une conscience morale ou un faiseur de roi en usant de son aura. Son score de 0,22% à cette présidentielle vient conforter la position de ceux qui ont douté de sa capacité à faire bonne figure dans une compétition électorale d’une telle envergure.

Voix émiettées

Pour revenir à l’opposition congolaise dans son ensemble, on peut estimer que s’étant lancée en ordre dispersé à la conquête du pouvoir, elle a émietté ses voix et compromis ses chances de succès dans un scrutin à tour unique. Conséquence, la multiplication des candidats de l’opposition n’a eu comme effet logique, l’affaiblissement de celle-ci au profit du président sortant.

Félix Tshisekedi cumule une longue expérience de lutte politique et fut pendant longtemps un cadre de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti dirigé alors par son père Etienne Tshisekedi qui fut un ancien Premier ministre du président Mobutu. Aussitôt libéré de l’étau du Front commun pour le Congo (FCC)) de Joseph Kabila avec qui il avait signé un accord pour constituer la majorité parlementaire et gouverner ensemble, Tshisekedi a ratissé large, recrutant les grandes figures politiques parmi lesquelles Jean-Pierre Bemba, Vital Kamerhe et de nombreux transfuges du FCC, réunis sous la bannière politique de l’Union sacrée de la nation.

L’implication de ces acteurs dans sa campagne lui a servi de maillage territorial serré et de point d’ancrage sociologique dans différentes régions du pays. Ensuite, jouant sur la fibre patriotique en dénonçant l’agression de la RDC par le Rwanda au travers des groupes armés, Tshisekedi s’est attiré davantage de sympathie et d’adhésion des Congolais, malgré  le bilan jugé mitigé de son premier mandat.

On estime que le président Tshisekedi a placé le peuple devant un choix entre l’amélioration des acquis, comme par exemple la construction des hôpitaux et des routes, la gratuité de l’enseignement primaire, la mise en route de la couverture santé universelle, etc., et la pénible tâche de reprendre tout à partir du néant. A travers les résultats de ce vote, il a désormais une réponse.

Défi sécuritaire

Le président réélu a prêté serment le 20 janvier dernier devant un parterre de chefs d’Etat africains. La victoire acquise, celui qui entame son second mandat à la tête de l’Etat devra faire face à de nombreux défis. Des inégalités hommes-femmes à la lutte contre la corruption, en passant par le vivre-ensemble et les chantiers routiers, Félix Tshisekedi a du pain sur la planche. En effet, sur le plan infrastructurel, la RDC qui fait 2,3 millions de kilomètres carrés ne compte que 3000 kilomètres de routes bitumées selon les chiffres les plus récents du ministère des Travaux publics.

Le reste des 158 mille kilomètres de routes étant en terre. Sur le plan économique, la RDC regorge d’énormes ressources naturelles. Elle détient entre autres, plus de la moitié des réserves mondiales de cobalt, un minerai essentiel à la fabrication des téléphones portables et des batteries de voiture, ainsi qu’un potentiel hydroélectrique unique en Afrique. Malgré cet immense potentiel, l’économie est en berne et peine à décoller.

Il est surtout attendu sur le plan sécuritaire. Les violences ont toujours cours à l’est du pays depuis une décennie. Et dans la région du Nord-Kivu, les affrontements entre l’armée congolaise et les rebelles du M23, accusés par le pouvoir congolais d’être soutenus par le Rwanda voisin, ont repris après une accalmie. Les différentes initiatives sous régionales pour le retour à la paix n’ont pas encore porté de fruits et il va falloir travailler aussi à aplanir les tensions diplomatiques entre voisins, notamment le Rwanda. Sur le plan interne l’un des défis demeure le maintien d’un climat apaisé au sein de la classe politique. Par le passé, plusieurs manifestations de l’opposition ont été violemment dispersées par la police à Kinshasa, avant et après les élections. Pour l’heure, il n’en est rien. Même si l’opposition a contesté les résultats et évoqué un simulacre d’élection.

Gabriel SAMA