Campagne de contre-saison à Nariou: le manque d’eau, le véritable souci

Le nouveau périmètre irrigué de Nariou peine à être exploité à cause du manque d’eau.

Nariou, une localité de la commune rurale de Sabou, dans la province du Boulkiemdé, a bénéficié d’un nouvel aménagement devant permettre de booster la production agricole de contre-saison. La construction d’un autre forage pour suppléer celui existant, semble cependant rencontrer des difficultés à cause de son faible débit. Résultat, des parcelles aménagées peinent à être mises en valeur par manque d’eau.

A Nariou dans la commune rurale de Sabou, la campagne sèche bat son plein. Deux bas-fonds ont été aménagés au profit des populations. Ils grouillent de monde, en cette matinée du 13 février 2024. Situés de part et d’autre de la route nationale 1, ces sites de production sont exploités à fond par des producteurs qui semblent épouser la vision des autorités à atteindre l’autosuffisance alimentaire au Burkina Faso, à l’horizon 2025. Dans le premier site de 1,25 ha, la culture-vedette est l’oignon.

Le bas-fond a été aménagé en 2013 par le Projet riz pluvial (PRP) au profit des femmes pour la culture du riz. Puis après, un projet chinois est venu construire un forage afin de leur permettre de travailler en campagne sèche. Les champs ont une bonne physionomie. La fraîcheur et l’humidité qui se dégagent du lieu attestent de la bonne santé des cultures. L’irrigation se fait à l’aide d’un forage à gros débit alimenté par des plaques solaires. Avec un débit de 5 m3, cet ouvrage hydraulique fonctionne tous les jours pour satisfaire les besoins en eau des maraîchers.

Aguèra Kaboré produit l’oignon dans sa petite parelle de 0,10 ha. Elle s’emploie à arroser son champ. C’est dans le maraîchage qu’elle gagne sa pitance quotidienne. Cette activité lucrative occupe une bonne partie des femmes du village. A côté de la parcelle de Mme Kaboré, une autre productrice apporte des soins à son champ d’oignon. Elle, c’est Adjara Zongo. Le maraîchage est sa principale activité en saison sèche.

Pour elle, l’activité nourrit bien son homme. Si certaines s’activent à arroser leurs cultures avec l’eau du robinet connecté au forage, d’autres femmes par contre s’adonnent à des corvées d’eau pour entretenir leurs champs. Cette eau, elles vont la chercher dans un bouli aménagé à quelques mètres du jardin. Adja Kaboré est habituée à cette corvée. Le visage trempé de sueur, elle vient de décharger ses bidons accrochés entre la selle et le guidon et d’autres sur le porte-bagage de son vélo.

C’est le prix à payer pour maintenir vertes les feuilles de ses cultures. D’autres transportent l’eau sur la tête dans des bidons de 20 litres et des plats. Rationalisation de l’eau du forage oblige, ce n’est pas tous les jours qu’elles en ont accès. Répartis en plusieurs groupes, les maraîchers irriguent leurs champs à tour de rôle, selon un programme bien établi. Mais certaines cultures ne supportant pas la canicule ne tardent pas à se faner avant que le tour du propriétaire arrive. D’où le recours sans cesse au bouli comme une alternative au manque d’eau pour sauver les plantes.

« Ce n’est pas tous les jours que j’ai accès à l’eau du forage. C’est pourquoi, je vais puiser l’eau du bouli pour arroser mon champ », se justifie Adja Kaboré. Azara Tiendrébéogo est la présidente de la coopérative Sougrinoma, une structure mise en place par les femmes dans le cadre de la production de riz en campagne humide sur le même site. Mme Tiendrébéogo avoue qu’elle n’a pas une autre occupation en saison sèche en dehors du maraîchage. Et la culture de l’oignon est sa favorite.

Pour Mme Tiendrébéogo, les exploitants ont le cœur à l’ouvrage mais le manque d’eau freine leur élan. La rationalisation de l’eau permet à tout le monde d’en bénéficier mais, déplore-t-elle, ce n’est pas suffisant. Certaines de ses camarades sont donc obligées d’aller la chercher hors du jardin. De plus, assure Aguèra Kaboré, la
pression de l’eau diminue lorsque le soleil baisse en intensité. La présidente de la coopérative exhorte les autorités à voler à leur secours en élargissant le bouli. Ou à défaut, en construisant d’autres forages à gros débit qui leur permettront d’assurer une autonomie en eau dans ce périmètre aménagé.

Des parcelles inexploitées par manque d’eau

Ces bassins de stockage d’eau devant permettre d’arroser les cultures sont toujours vides.

De l’autre côté du goudron, on rencontre un nouvel aménagement. Il couvre une superficie de 4 ha. Des parcelles de production fraîchement dégagées attendent d’être exploitées. Le tout, couronné par la réalisation d’un nouveau forage à gros débit, auquel s’ajoutent 24 bassins de stockage d’eau. Dans le principe de ce projet, le forage doit approvisionner les bassins en eau avant que les producteurs ne la prélèvent pour arroser leurs cultures. L’idée est certes noble mais ces bassins sont toujours vides.

Toute chose qui retarde le démarrage des activités dans ce site de production. La raison principale est que le débit d’eau trouvé dans ce forage est très faible et ne permet pas de faire fonctionner convenablement ce système d’irrigation. Un deuxième forage a été perforé mais le résultat est resté inchangé. En dépit de ces échecs répétés, l’entreprise n’a pas baissé les bras. A quelques encablures du site, on aperçoit son matériel. A ce qu’il se dit, les recherches se poursuivent toujours sur le site dans l’espoir de réaliser un forage avec un bon débit.

En attendant qu’une solution appropriée soit trouvée, des producteurs essaient, avec des moyens du bord, d’exploiter leurs parcelles. Avec l’eau des puits, certains arrivent tant bien que mal à arroser leurs cultures. Salam Tiendrébéogo est le président des producteurs de ce nouveau site aménagé. C’est avec un pincement au cœur qu’il nous raconte le calvaire que vivent les producteurs de Nariou. « Nous nous réjouissons de ce que des journalistes soient venus toucher du doigt les réalités que nous vivons.

Notre seul souci, c’est le manque d’eau », se lamente-t-il. Les agents d’agriculture se sentent impuissants face à cette triste réalité. Ibrahim Tamboura est le chef de l’Unité d’appui technique (UAT) de Sabou. Il dit compatir à la douleur des producteurs dont la plupart, faute d’occupation, se tournent actuellement les pouces. « En vérité, nous avons souvent honte de nous rendre sur ce site, parce que c’est nous qui avons mis la pression aux producteurs, dans le cadre de la mise en œuvre de l’Offensive agropastorale et halieutique et ce n’est pas agréable de les voir dans cet état », soutient-il.

Grâce aux efforts des producteurs, le site a pu être sécurisé avec un grillage. « On voit que la volonté y est, c’est la disponibilité de l’eau qui pose problème », déplore le chef UAT de Sabou. Il précise, en outre, que les producteurs risquent de subir d’importantes pertes si leurs pépinières ne sont pas repiquées.
« Ils ont acheté les semences et se retrouvent dans une situation difficile », souligne-t-il. L’agent d’agriculture félicite néanmoins les producteurs pour leur résilience. Pour lui, c’est la preuve qu’ils sont véritablement engagés, prêts à répondre à l’appel des autorités. « Malgré le manque d’eau, vous voyez que beaucoup font des efforts pour entretenir leurs champs en puisant l’eau des puits », indique-t-il.

La campagne sèche n’évolue pas au même rythme à Nariou. Au niveau de l’ancien site, les maraîchers s’apprêtent à récolter. Dans le nouveau périmètre aménagé en revanche, le retard semble consommé. Mais toujours est-il que rien n’est perdu d’avance. « Si le problème d’eau se décante, ils se mettront à la tâche. Nos producteurs sont toujours prêts », assure Ibrahim Tamboura. La commune de Sabou entend relever les défis de l’autosuffisance alimentaire à travers sa contribution à l’offensive agropastorale et halieutique lancée par le ministère en charge de l’agriculture. Selon le chef de service départemental en charge de l’agriculture de Sabou, Djibril Tienin, la production maraîchère enregistre une centaine d’hectares dans sa commune.

A cela s’ajoutent une cinquantaine d’hectares de maïs, 6 ha de pomme de terre et 6 ha de blé. « A ce stade, nous sommes satisfaits de l’évolution des cultures. Dans l’ensemble, elles se présentent très bien », se réjouit-il. En termes d’appui en intrants, il explique que la commune a reçu plus de 100 tonnes (t) d’engrais NPK et 50 t d’urée. Aux préoccupations des producteurs, le Directeur régional (DR) en charge de l’agriculture du Centre-Ouest, Edouard Ilboudo, dit prêter une oreille attentive. Il relève qu’un forage de 16 m3 avait été prévu dans le nouvel aménagement de Nariou.

Faute d’avoir obtenu ce débit, il est question de construire un deuxième forage de sorte que les deux débits cumulés puissent atteindre celui projeté. Après une première tentative infructueuse, l’entreprise s’attelle avec l’appui d’un géophysicien, à effectuer des recherches devant déboucher sur la construction d’un deuxième forage avec un débit qui, cumulé au premier, couvre le besoin de 16 m3. Le vœu pieux de tous les acteurs est que ces goulots d’étranglement soient vite levés afin de donner la chance aux maraîchers de montrer de quoi ils sont capables.

Ouamtinga Michel ILBOUDO
omichel20@gmail.com