Editorial: Inquiétudes face aux pesticides

Au Burkina Faso, l’usage des pesticides est très ancré dans les pratiques agricoles. Ils sont rares, les producteurs qui n’y font pas recours. Le secteur du coton est réputé être en première ligne car avec 5% seulement des surfaces cultivées, il ingurgite 90% du total des pesticides utilisés. En 2010, l’usage des pesticides connaissait déjà un taux de croissance de 11% par an tandis qu’entre 2010 et 2016, les quantités de pesticides liquides importés ont été multipliées par 13. Bien que des données plus récentes manquent, tout porte à croire que la tendance globale continue sur cette lancée.

Selon les pourfendeurs de l’agriculture chimique, cette méthode permet de produire suffisamment pour satisfaire les besoins alimentaires de plus en plus croissants. De plus, ils soutiennent que les pesticides rendent les travaux champêtres rapides et moins pénibles. Pourtant, il est démontré que les dangers liés à l’usage des pesticides sont nombreux. Mal informés, les producteurs exposent l’homme, les animaux et l’environnement à d’importants risques de contamination.

En effet, le taux de dépassement du dosage recommandé est de 56%, selon des études qui ont concerné des producteurs de légumes. En conséquence, environ 30% des puits en zone agricole contiennent une eau impropre à la consommation et 36% des légumes cultivés présentent des taux de pesticides au-dessus des normes sanitaires. Ainsi, les populations qui consomment ces produits, en particulier les enfants, sont exposées à des cancérogènes potentiellement dangereux.

Alors que le pays fait un usage modeste des pesticides, comparé à d’autres, 70 à 80% de ses agriculteurs affirment ressentir des troubles de santé pendant et après les avoir appliqués. Au Burkina Faso, des cas d’intoxication aigüe, due à l’usage des pesticides ont été estimés à plus de 29% dans les deux grands centres hospitaliers universitaires, entre 2006 et 2007 (absence de chiffres plus récents). En outre, dans notre pays, on estime à environ 4,2 milliards F CFA de perte pour l’économie et la population, liée à la mauvaise gestion des produits chimiques, surtout dans le secteur agricole.

Sur le plan environnemental, en plus de la pollution des eaux, on note, entre autres, la disparition progressive de certaines espèces d’herbes, la diminution de la population de certains insectes tels que les abeilles (entrainant ainsi un impact sur la production du miel) et l’appauvrissement progressif des sols. En dépit de ces nombreux problèmes que causent les pesticides, l’on constate qu’il est difficile d’arrêter leur usage. Et ce pour plusieurs raisons.

Parmi elles, il y a l’omniprésence du spectre de l’insécurité alimentaire, les difficultés qu’éprouve l’État dans la régulation de la commercialisation et de l’usage des pesticides, la dépendance des agriculteurs aux pesticides et le manque de réelle alternative agricole face à la forte demande. Mais, ce n’est pas pour autant que nous devons rester les bras croisés. Il faut trouver les voies et moyens pouvant permettre de limiter les effets néfastes des pesticides.

Par exemple, on peut y contribuer efficacement en intensifiant les campagnes de sensibilisation sur les risques liés à l’usage des pesticides, en renforçant les capacités des acteurs, notamment en les formant sur l’utilisation des produits et les méthodes alternatives, en effectuant des contrôles réguliers sur l’origine et la qualité des produits importés et disponibles sur le marché et en encourageant la recherche sur les bio-pesticides tout en vulgarisant l’usage de ceux qui ont déjà été mis sur pieds. En tout état de cause, il faut agir car sans mesures fortes et courageuses, l’avenir de l’homme et de son environnement sera toujours menacé par les produits phytosanitaires.

Daniel ZONGO

danielzong62@yahoo.fr