Port du Faso dan fani dans les écoles: tout le monde ne semble pas prêt pour cette rentrée

Le pagne tissé, Faso dan fani est confectionné en majorité par des femmes.

Le 9 août 2023, le gouvernement a pris une mesure portant institution, cette année, de la tenue scolaire en Faso dan fani (FDF), un tissu fabriqué par des artisans nationaux à partir du coton produit au Burkina Faso. La mesure non contraignante s’appliquera dans des établissements post-primaires et secondaires dans quatre villes dont Ouagadougou. Constat dans quelques établissements de la capitale.

« Consommons ce que nous produisons ». Ce célèbre slogan du leader de la Révolution démocratique et populaire (RDP), capitaine Thomas Sankara, est plus que d’actualité. Les autorités de la Transition actuelle veulent le rendre opérationnel dans le domaine du coton. Le Burkina Faso étant le 2e producteur en Afrique de l’Ouest après le Bénin avec 405 790 tonnes pour la campagne 2022-2023.

C’est dans cette optique qu’elles ont pris une mesure portant institution de la tenue scolaire en Faso dan fani (FDF), à partir de cette année. Le FDF est un tissu communément appelé pagne tissé, issu de la transformation du coton produit sur le sol burkinabè. La fabrication du pagne tissé est la chasse gardée des femmes, appelées tisseuses. La mise en œuvre de ladite mesure se fera de manière progressive, flexible et non contraignante sur une période de quatre années scolaires.

« Il ne s’agit pas d’une camisole de force» que le gouvernement veut imposer, avertit le ministre de l’Education nationale, de l’alphabétisation et de la Promotion des langues nationales, André Joseph Ouédraogo. La phase pilote débutera à la rentrée scolaire 2023-2024 avec les élèves du post-primaire et du secondaire tant du public que du privé de Bobo-Dioulasso, de Koudougou, de Sabou et de Ouagadougou. La tenue sera portée chaque lundi, jour dédié à la montée des couleurs dans les structures éducatives. Pour le ministre, ce choix renforce le sentiment d’identité nationale et vise à inculquer les valeurs patriotiques et civiques aux apprenants.

A son avis, cette mesure va aussi cultiver chez les élèves, la discipline, le vivre ensemble et le sentiment d’appartenance à une communauté éducative. Au regard de ces avantages, le ministre invite les différents acteurs à adhérer à l’initiative et à accompagner le processus d’opérationnalisation. Le choix des motifs et des couleurs est laissé à l’appréciation des chefs d’établissements.

Mesure flexible

Les élèves des établissements post-primaire et secondaire sont invités
à porter des tenues FDF le lundi lors de la montée des couleurs.

Le ministre Ouédraogo a insisté sur le caractère non contraignant de la mesure. « Notre ambition est de rentre l’école accessible à tous les enfants sans discrimination. C’est pourquoi, tout en mettant l’accent sur la sensibilisation, nous veillerons à ce que le port de la tenue en FDF ne soit en aucun cas un frein à l’accès à l’éducation », insiste-t-il.

A l’écouter, aucun élève ne sera exclu de l’école du fait du non-respect de la mesure. Son application se veut être l’aboutissement d’un processus de concertation participatif. Pour mieux faire passer ce message, le ministère en charge de l’éducation nationale a initié une série de rencontres de sensibilisation et d’information avec les différents acteurs dans les zones de pilotage que sont Koudougou (28 août), Sabou (29 août), Bobo-Dioulasso (31 août) et Ouagadougou (6 septembre).

Ces échanges ont eu pour but de mettre tous les acteurs au même niveau de compréhension, de lever les zones d’ombre afin d’obtenir leur totale adhésion. Et c’est pourquoi les différentes parties prenantes ont été sensibilisées sur les notions essentielles de ladite mesure : la flexibilité, la liberté accordée aux établissements, le caractère non contraignant et la progressivité. La flexibilité réside simplement dans le choix de la couleur et du motif du tissu (le fil et le tissu doivent être burkinabè).

Aussi, le choix du modèle de couture de la tenue est laissé à l’initiative des établissements. Toutefois, la tenue scolaire préconisée est la demi-saison dont la chemise ou la camisole est en Faso dan fani, accompagnée d’un pantalon ou d’une jupe décente. Le caractère non contraignant réside dans le fait qu’aucun apprenant ne devrait être renvoyé le lundi (jour choisi pour le port du FDF) parce qu’il n’aurait pas porté cette tenue.

A Koudougou, le ministre Ouédraogo est revenu sur cet aspect : « Le gouvernement a placé cette mesure sous le signe de la liberté. Rien ne sera imposé parce que nous savons que cette mesure doit être acceptée de manière libre et consensuelle ». Quant à la progressivité, la mesure commence avec quatre villes pour au finish être appliquée dans tout le pays d’ici à quatre années scolaires.

La mise en œuvre

Le ministre Joseph André Ouédraogo : « aucun élève ne sera exclu de l’école du fait du non-respect de la mesure».

Pour le moment, dans les établissements de Ouagadougou où nous avons fait un tour, l’heure est aux concertations. Ainsi, au lycée municipal de Kilwin ce 14 septembre, l’heure est à l’attente de la tenue du conseil de gestion de l’école d’abord, aux dires de l’intendante Zarata Ouédraogo. Pour le moment, les parents et les élèves viennent à l’information. Mme Ouédraogo pense que la mesure est louable et qu’elle reflète nos valeurs.

Compte tenu de la vie chère et des moyens limités des parents, elle souhaite que l’Etat subventionne la confection des pagnes afin qu’ils soient à la portée de tous les élèves. Au collège Notre Dame de Kologh Naaba, la mesure est bien accueillie et est en passe d’être une réalité à la rentrée. A entendre la directrice, Sœur Edith Sawadogo, les préparatifs vont bon train. « Nous avons organisé une rencontre avec des membres de l’administration, des enseignants, des parents d’élèves et des élèves.

De commun accord, un motif a été choisi », confie-t-elle. La consigne a été donnée aux parents de prendre le motif et de faire coudre eux-mêmes pour leurs filles. Les chemises en FDF seront accompagnées d’une jupe ou d’un pantalon actuel. Car, selon la directrice, il est difficile pour cette rentrée de trouver un seul fournisseur pour confectionner plus de 1000 tenues. Elle insiste également sur l’accessibilité de la tenue.

Dans cet établissement, les élèves qui sont prêtes viendront avec leur nouvelle tenue chaque lundi, jour de la montée des couleurs. Par contre, celles qui ne le seront pas peuvent porter un FDF ordinaire. Sœur Edith dit souhaiter que les parents et les élèves adhérent à l’idée. Jean Balma, président de l’association des parents d’élèves dudit lycée, indique, pour sa part, que le port du FDF comme tenue d’école est adopté à l’issue d’une rencontre avec tous les acteurs impliqués dans la gestion de l’école.

A leur niveau, ils souhaitent que le pagne choisi soit vendu à un coût abordable. Le directeur du collège privé Omar Ben khatar (sis à Tampouy), Djibril Kaboré, loue également la mesure qui consiste à promouvoir les valeurs nationales. « Nous sommes toujours dans l’attente de la faisabilité à notre niveau. Il se peut que cette année, on continue avec la tenue actuelle en attendant de se conformer », affirme-t-il. M. Kaboré dirige un établissement mixte d’enseignement général et d’éducation islamique.

Il recrute les garçons et les filles qu’ils soient musulmans ou non. La tenue actuelle est un pantalon en kaki et une chemise blanche pour les garçons et une robe kaki et un voile blanc pour les filles. Les élèves apprécient positivement la mesure. C’est le cas de Cyrielle Naré, élève en classe de 1re D au collège Notre Dame de Kologh Naaba. « La tenue scolaire en FDF est une invite à consommer notre matière première, le coton.

C’est un moyen d’accroitre l’économie nationale », dit-elle. Sa camarade, Marielle Dakio, en Terminale D, est du même avis. Toutes deux ont surtout insisté sur la qualité du tissu qui leur sera proposé. Mathias Nabaloum est un parent d‘élèves conquis par le concept qui, pour lui, revêt double avantage. « Cette mesure va revaloriser notre Faso dan fani qui est local et permettre à nos artisans d’avoir quelque chose.

Cela renforce notre identité », annonce-t-il. M. Nabaloum insiste sur la disponibilité du pagne et des couleurs. Quant à la qualité, il se dit confiant. A l’écouter, il suffit de donner

Selon la directrice du collège Notre Dame de Kologh Naaba, Sœur Edith Sawadogo, le motif de la tenue en FDF a déjà été choisi.

assez de moyens (matériels performants) à ceux qui feront le travail. Ils pourront proposer des pagnes légers, adaptés au climat. La présidente de la fédération nationale des tisseuses du Burkina Faso, Pauline Bafiogo, rassure que pour être sûr d’avoir la bonne qualité, les responsables d’établissements sont invités à prendre attache avec elles.

Au passage, elle tient à témoigner sa reconnaissance au gouvernement. A l’écouter, ce sont tous ceux qui sont impliqués dans la chaine de production des pagnes qui se réjouissent. Des cotonculteurs jusqu’aux tisseuses. Sur la mise en œuvre de la mesure, la fédération a déjà échangé avec les autorités, des chefs d’établissements, des parents d’élèves… « La commune de Ouagadougou a souhaité uniformiser le motif de pagne dans son espace.

Nous avons fait des efforts pour maintenir le prix à 4 500 F CFA au lieu de 6 000 ou 7 000 F CFA », fait savoir la présidente. Celle-ci invite les établissements soucieux de proposer des tissus de bonne facture à leurs élèves à contacter la fédération nationale des tisseuses. Il faut rappeler qu’un décret présidentiel signé, le 2 juin 2023, priorise le port du Faso dan fani, du Koko Dunda et des autres tissus traditionnels lors des grandes cérémonies ou manifestations d’envergure nationale et internationale.

Habibata WARA