Un règne sans partage sur la terre

C’est peu de le dire. La femme est l’un des bras valides de l’agriculture burkinabè, sinon la main-d’œuvre gratuite, en milieu rural surtout. Aux côtés du chef de ménage et des autres membres, elle contribue de manière substantielle à toutes les étapes de la production agricole, des semis à la récolte.

Membre à part entière de sa famille, la femme peine cependant à disposer de superficie cultivable pour pratiquer l’agriculture à des fins personnelles. La raison est toute trouvée : elle est une « étrangère », selon la conception des choses dans la plupart des communautés. L’accès des femmes à la terre reste en effet problématique sous nos cieux, du fait des coutumes, même si par endroit, ces croyances et pratiques sont plus flexibles à leur égard, « concédant » parfois, un droit de succession de mère à fille, comme à l’Ouest du Burkina Faso.

Pire, cette succession ne concerne que les bas-fonds et pas les terres hautes. N’empêche que le constat général qui se dégage c’est que même si la femme a accès à la terre, il lui est difficile voire impossible d’en avoir la propriété. La seule parade trouvée pour contourner ce « règne coutumier sans partage » a donc été la loi 034 sur le Foncier rural (2009) qui veut que l’Etat prenne « toutes les mesures nécessaires pour favoriser l’accès équitable de l’ensemble des acteurs ruraux aux terres rurales, sans distinction d’origine ethnique, de sexe, de religion, de nationalité et d’appartenance politique ».

Cette loi « donne » ainsi aux femmes, au moins 30% des périmètres aménagé par l’Etat pour favoriser leur autonomisation économique ainsi que celle des jeunes et surtout l’égalité des genres. Quoi que fort appréciables, ces efforts du gouvernement et de ses partenaires demeurent insuffisants au regard de la place de la femme dans le développement socioéconomique de notre pays. Et pour cause, l’autre moitié du ciel, pilier de la famille ne saurait se contenter de lopin de terre pour produire uniquement les condiments nécessaires à alimenter sa cuisine, alors qu’il pèse sur elle, une grande partie des charges de la famille.

Encore que même si elle y a accès, elle n’en a aucun contrôle, aucun droit de propriété. Les baux emphytéotiques de terres rurales (conclu entre bailleur et locataire pour une durée de 18 à 99 ans) et autres carnets d’attribution de parcelles aménagées ne donnant pas de garantie suffisante pour qu’elle ne soit pas expropriée au gré des intérêts et désidératas des hommes et des coutumes. Il convient donc de mettre l’accent sur la sensibilisation en vue d’un changement de mentalité et d’une évolution des conceptions pour s’adapter aux réalités du moment.carrefour

En sus, un équipement conséquent des femmes en outils modernes de production leur permettrait d’améliorer sensiblement leurs rendements sur les petites superficies auxquelles elles ont eu la chance d’accéder. Enfin, l’Etat doit aller au bout de ses efforts en prenant « toutes les mesures nécessaires pour favoriser la reconnaissance et la protection des droits de propriété, de jouissance, de possessions foncières et des droits d’usages de l’ensemble des acteurs sur les terres rurales », comme le stipule l’article 7 de la loi 034 portant régime du Foncier rural. C’est à ce prix que la femme pourra jouir de son droit à accéder à la terre, un outil essentiel de production.

Jean-Marie TOE