Relance de la filière avicole: un nouvel espoir pour les acteurs

L'aviculture est un secteur d'opportunités financières et d'emplois, selon les acteurs.

La politique gouvernementale en matière d’agriculture et d’élevage baptisée « Offensive agropastorale et halieutique 2023-2025 » a retenu la volaille au nombre des filières à promouvoir pour assurer, à son terme, la souveraineté alimentaire et nutritionnelle du Burkina Faso. Pour les acteurs du domaine confrontés à des difficultés tous azimuts dont les maladies aviaires, cette initiative des autorités de la Transition insuffle un vent d’espoir dans une activité à fort potentiel entrepreneurial mais jusque-là relativement peu soutenue.

Esther Ouédraogo a de la peine à dissimuler sa joie à l’évocation des actions en vue dans le cadre de l’offensive agropastorale et halieutique 2023-2025. Sous l’ombre de son citronnier aux piquants hérissés et aux feuilles verdoyantes, dans un quartier périphérique de la ville de Kombissiri, dans la province du Bazèga, un léger sourire contenu échappe du coin des lèvres de cette mère de famille, productrice de volaille.

Jusqu’à cette matinée du lundi 13 novembre 2023, elle avoue n’avoir pas encore entendu parler de cette politique triennale gouvernementale pilotée par le ministère de l’Agriculture, des Ressources animales et halieutiques et qui entend enclencher la transformation structurelle du secteur agro-sylvo-pastoral en misant sur les filières riz, maïs, pomme de terre, blé, poisson, bétail-viande, volaille et mangue et ce, à l’effet d’assurer la souveraineté alimentaire et nutritionnelle du pays. Mais pour elle, savoir que le gouvernement s’est résolu, par le bais de cette ‘’offensive’’ à investir en trois ans plus de 40 milliards F CFA dans la filière volaille est déjà un motif tangible de satisfaction.

Sa joie, avoue-t-elle, découle surtout des interventions prévues, notamment l’appui à 200 aviculteurs modernes affectés par la grippe aviaire. Esther Ouédraogo explique que si aujourd’hui, on ne compte seulement que 400 têtes dans son poulailler amélioré, c’est en partie dû à des difficultés financières qu’elle rencontre pour relancer son activité après l’épisode malheureux de la grippe aviaire ayant décimé la volaille dans la localité en 2021. « Cela a été une année de perte pour nous. Le matin, tu trouves au moins 30 ou 50 poulets morts », raconte-t-elle, dépitée, sur sa mésaventure.

« Ce sera un soulagement »

Pour le jeune entrepreneur Ibrahim Zoungrana, l’aviculture est une activité rentable, pour peu que l’on arrive à surmonter les difficultés.

Aujourd’hui encore, dame Ouédraogo assure que la volonté d’agrandir son poulailler l’anime. Sauf que les moyens financiers lui font défaut. « Si le gouvernement arrive à faire ce qu’il a prévu vraiment, ce sera un soulagement pour nous », insiste-t-elle. A Kombissiri, Esther Ouédraogo n’est pas seule à voir une heureuse perspective avec l’offensive agropastorale. Pour l’étudiant Ibrahim Zoungrana qui a raccroché après la licence en 2021 pour entreprendre dans l’activité avicole, l’initiative est une aubaine. Bénéficiant de son niveau d’instruction relativement poussé, il évolue particulièrement dans la commercialisation d’aliments pour volaille et bétail et la vente de poussins et de poulets. Depuis trois ans, il dit tirer son épingle du jeu.

« L’élevage, c’est vraiment un domaine où on peut très bien réussir », soutient le jeune entrepreneur. Toutefois, il prévient que l’activité est aussi semée d’embuches dont la plus importante se situe au niveau de la commercialisation. « Il est souvent difficile d’avoir des propositions d’achat à de bons prix. Certaines personnes même proposent des achats à crédit et cela n’est pas à notre avantage.

Pourtant si tes poulets ne sortent pas, tu dépenses davantage en les nourrissant et plus le temps passe, plus ta marge de bénéfice se réduit », explique Ibrahim Zoungrana. L’offensive agropastorale ayant prévu dans son volet commercialisation en ce qui concerne la volaille une réorganisation du domaine pour faciliter l’absorption des productions, pour le jeune éleveur, le programme tombe à pic pour les aider à surmonter cette épreuve.

De nombreuses attentes

La productrice de volaille, Esther Ouédraogo, se réjouit de l’initiative de l’offensive agropastorale.

Alassane Ouédraogo, un autre aviculteur de Kombissiri, nourrit, lui aussi, plusieurs attentes vis-à-vis de l’offensive agropastorale. Il explique que jusque-là, le secteur n’est pas suffisamment accompagné, laissant les aviculteurs face à plusieurs contraintes. A titre illustratif, il cite, outre les difficultés liées à la commercialisation, la cherté et l’insuffisance d’aliments et de produits vétérinaires ainsi que la mauvaise qualité des poussins qu’ils acquièrent souvent.

« Pour les poussins par exemple, si tu as la malchance de tomber sur un mauvais produit, toute ton acquisition peut partir et tu te retrouves à tout recommencer », confie-t-il. A une centaine de kilomètres environ de Kombissiri, précisément à Pô, dans la province du Nahouri, des producteurs de volaille embouchent, eux aussi, la même trompette. Moukahila Koubadari, propriétaire d’une ferme intégrale à Kapoubouga à proximité de Pô, vient de tenter sans succès auprès des services techniques locaux de se procurer un antibiotique pour sa volaille.

« Vous avez vu tout de suite, par exemple, on m’a dit que le produit n’est pas disponible. C’est comme cela presque toujours et je dois passer la commande depuis Kombissiri ou Ouagadougou. Pour les aliments aussi, c’est pareil », relate-t-il, à propos des difficultés qu’il éprouve, au quotidien, dans son métier. Céline Bakogo, elle, a vécu récemment une mésaventure avec une commande de poussins.

« Après un mois seulement, ils sont tous morts et j’étais obligée de refaire une nouvelle commande. Vous voyez que si vous n’avez pas d’appui ni de moyens, c’est difficile d’être continuellement dans cette activité », se défend-elle. Elle raconte aussi que depuis l’avènement de la grippe aviaire en 2021, elle est l’une des rares femmes de leur groupement féminin d’avicultrices à oser encore de grosses commandes de plus de 500 poussins.

« Certaines personnes n’ont même pas pu reprendre leurs activités jusqu’à présent », se lamente Mme Bakogo, sur le désarroi dans lequel plusieurs aviculteurs du Nahouri ont été plongés après le malheureux épisode de la grippe aviaire.

Pour Saïbou Kaouolobou, président de l’union provinciale des coopératives des éleveurs de la volaille locale du Nahouri et président de l’union nationale des éleveurs de la volaille locale du Burkina, excepté les aléas liés aux maladies aviaires, les difficultés au niveau de l’aviculture dans la province se résument au fait qu’il n’existe pas d’unité locale de production d’aliments, de couvoir ou d’une ferme locale de sélection et de croisement offrant de meilleurs poussins aux producteurs.

Il pointe aussi l’importation frauduleuse de poulets surgelés par le Ghana voisin qui menace le marché et l’insuffisance de formations et de sessions de recyclage au bénéfice des acteurs.

De perspectives heureuses

Saïbou Kaouolobou, président de l’union provinciale des coopératives des éleveurs de la volaille locale du Nahouri : « Nous accueillons très bien l’offensive agropastorale et nous souhaitons qu’elle puisse aboutir ».

Pourtant, note-t-il, le Nahouri est une province d’élevage par excellence allant du contemplatif à la production intensive dans des fermes modernes. Et si dans d’autres localités, l’écoulement revêt certaines difficultés, à Pô et dans la province du Nahouri en général, elles se posent moins, selon lui. « Ici, la vente de la volaille se passe bien. Nous avons même une foire de la volaille locale du Nahouri qui sera à sa IXe édition cette année et cet évènement permet aussi aux producteurs d’écouler leurs produits », insiste M. Kaouolobou.

Sur la problématique des intrants soulevée, le directeur régional de l’Agriculture, des Ressources animales et halieutiques du Centre-Sud, Amos Congo, laisse entendre que l’offensive agropastorale serait d’un grand soulagement pour les aviculteurs du Nahouri, du Bazèga et du reste du pays. Pour ce qui concerne les produits vétérinaires par exemple, il explique qu’il est prévu dans le cadre de l’offensive, l’installation d’une Centrale d’achat des médicaments vétérinaires (CAMVET) à l’image de la Centrale d’approvisionnement des matériels agricoles.

« La CAMVET va fonctionner comme la CAMEG, c’est-à-dire que l’on va commander les produits pharmaceutiques en quantité en lien avec les secteurs d’élevage et les vétérinaires privés installés dans les communes pourront s’y approvisionner », confie M. Congo. Il note, à ce sujet également, qu’il est prévu la couverture de tout le territoire national par la CAMVET et pour ce faire, des représentations existeront au niveau régional pour desservir les officines vétérinaires locales et rendre ainsi les médicaments disponibles à temps, aussi bien en qualité qu’en quantité.

D’autres attentes des aviculteurs trouveront aussi leurs réponses à travers des actions prévues allant de l’appui technique et les formations à l’accompagnement en kits d’aviculture. « Une innovation majeure également avec le programme, est qu’il sera installé cinq grands éleveurs par commune à travers le pays qui seront équipés, formés et accompagnés pour qu’ils puissent développer leurs activités et être des cas d’école pour d’autres jeunes, d’autres femmes ou d’autres personnes qui voudront se lancer dans l’activité », souligne Amos Congo. Pour le cas spécifique des aliments, il précise qu’il est aussi prévu l’installation, dans les régions, d’unités de transformation d’aliments pour volaille au bénéfice des aviculteurs.

Pour une opérationnalisation efficiente

Céline Bakogo souhaite que la province soit dotée d’une unité de transformation d’aliments pour réduire les coûts des produits.

« Au niveau de la commercialisation, la chaine de valeur du poulet étant diversifiée, le problème ne se posera pas. Il reste seulement à travailler à créer un maillon solide entre les acteurs pour ne pas créer une rupture au niveau de l’offre ou de la demande », soutient le directeur régional en charge des ressources animales du Centre-Sud. Pour une opérationnalisation efficiente de l’offensive, Amos Congo souhaite que les producteurs soient réceptifs aux conseils et aux indications des techniciens.

« C’est également d’être ouvert à l’innovation, accepter de s’ouvrir à d’autres personnes qui viendront s’inspirer de leur expérience et enfin accepter de suivre les directives que les autorités viendraient à donner pour que l’activité avicole se développe comme il se doit », fait-il savoir. Pour le président de l’union provinciale des coopératives des éleveurs de la volaille locale du Nahouri, l’offensive agropastorale est « une initiative très cohérente avec les réalités et les besoins des aviculteurs ».

C’est pourquoi, soutient-il, elle sera très bien accueillie dans leur milieu. « Notre ancien président Thomas Sankara disait qu’on ne peut mobiliser les gens qu’autour de leurs intérêts. Ici nous avons nos intérêts en jeu, donc nous allons nous approprier le programme et prier pour que la paix revienne dans notre pays et que cet ambitieux programme puisse aboutir au profit du développement de l’économie nationale », soutient Saïbou Kaouolobou.

Mamady ZANGO

mzango18@gmail.com