Production de la pomme de terre: le Centre-Ouest emboîte le pas au Nord

La pomme de terre est presque à maturité à Tanghin-Wobdo.

Jadis considérée comme la chasse gardée de la région du Nord, la pomme de terre est de nos jours cultivée au Centre-Ouest. Dans le cadre de l’offensive agropastorale et halieutique, le ministère en charge de l’agriculture a fourni des semenceaux aux producteurs. Avec l’appui des encadreurs agricoles, des champs de pomme de terre ont vu le jour à Tanghin-Wobdo, localité située dans la commune rurale de Sabou.

Tanghin-Wobdo, un village de la commune rurale de Sabou, dans la province du Boulkiemdé, situé sur la route nationale 1. A un jet de pierre de là, non loin des concessions, se trouve un périmètre irrigué. La verdure renvoie à une campagne humide. Plusieurs cultures se disputent l’espace. Le maïs est l’unique culture en hauteur. A ses pieds, fleurissent une multitude de cultures maraîchères.

La grosse surprise est la présence de la pomme de terre en ces lieux. Une culture encore peu connue au Centre-Ouest. Le site a une superficie de 13,5 ha. Et il reste une portion de plus de 40 ha à aménager. En cette matinée de ce mardi 13 février 2024, les rayons solaires annoncent une journée caniculaire. Les maraîchers n’en ont cure. La plupart d’entre eux sont déjà à pied d’œuvre dans leurs parcelles. Les uns s’activent à arroser leurs cultures, les autres s’échinent à récolter. Un producteur de pomme de terre avance à pas cadencés. Lui, c’est Salam Zoungrana. Il est le président de la coopérative Relwendé qui regroupe 170 producteurs. Pour découvrir la pomme de terre, rien ne vaut une visite dans son champ. Ce n’est pas un vaste espace. Juste un demi-hectare.

Lassané Zoungrana affirme que la production de la pomme de terre est une bonne affaire.

Le tubercule est visible à certains endroits. Il est presque à maturité. Salam Zoungrana est dans cette activité depuis 2020. C’est dire que vu l’expérience acquise au cours des quatre années, la production de la pomme de terre n’a plus de secret pour lui. L’itinéraire technique de production, il l’a apprise auprès des agents d’agriculture. Le chef de service départemental en charge de l’agriculture de Sabou, Djibril Tienin et ses collaborateurs étaient au départ, tous des novices en la matière. Mais au fil des ans, les choses ont changé. Positivement bien sûr.

Selon M. Tienin, les agents d’agriculture se référaient chaque fois aux documents pour encadrer les producteurs de pomme de terre. Puis après, ils ont eu un renforcement de capacités qui leur a permis de mieux maitriser les techniques de production avant de former à leur tour, les producteurs. Aujourd’hui, la production de la pomme de terre est bien maîtrisée dans ce village. En témoigne le champ de Lassané Zoungrana, autre producteur de la localité, qui force l’admiration.

Pour la présente campagne de contre-saison, il a fait un demi-hectare. « La terre est adaptée à cette culture, donc il n’y a pas de raison que nous ne réussissions pas sa production dans notre région », atteste Lassané Zoungrana. Quinquagénaire et père de 15 enfants, il trouve que la production de pomme de terre est rentable. A Tanghin-Wobdo, cette activité n’est qu’à ses débuts. Mais déjà, ce sont au total 6 ha qui ont été emblavés. Galvanisés par la forte demande, les uns et les autres se donnent à fond, convaincus qu’ils n’auront aucune difficulté à écouler leurs productions.

Mieux, ils disent être incapables de satisfaire les besoins de leurs clients. « Si vous étiez venus au moment de la récolte, ce n’était pas évident que nous puissions dégager un temps à pareil moment pour échanger avec vous, tellement les clients se bousculent », lance Lassané Zoungrana. Awa Ouédraogo est la secrétaire générale de la coopérative Relwendé. Un bébé au dos, elle donne les raisons de leur engagement à produire ce tubercule qui était la spécialité de la région du Nord du Burkina Faso.

Awa Ouédraogo, secrétaire à la coopérative Rélwendé, affirme que la production de la pomme de terre est rentable.

« La culture principale ici, c’est le maïs. Mais nous avons jugé bon d’introduire dans notre village la pomme de terre qui est beaucoup prisée des populations et facile à écouler sur le marché», note-t-elle. Le président de la coopérative Relwendé se frottera les mains après la vente de sa production. En faisant ses calculs, il compte engranger au minimum un million FCFA de recettes. « La production de la pomme de terre est rentable plus que toute autre culture », reconnait-il. Parlant toujours des avantages liés à la production de la pomme de terre, les acteurs évoquent son écoulement rapide.

Lassané Zoungrana dit avoir décidé d’en produire au motif que la pomme de terre fait l’objet d’une forte demande sur le marché national. Salam Zoungrana est du même avis.« Je me suis rendu compte qu’elle est très recherchée sur le marché. Sa production pourrait nous procurer des revenus à la vente», relève-t-il.

Ceci étant, les exploitants comptent saisir les opportunités que leur offre cette nouvelle culture afin d’acquérir leur autonomie financière et participer du même coup à la souveraineté alimentaire au Burkina Faso. « La production de la pomme de terre contribue à ma réussite. J’ai construit des villas et acheté une moto grâce aux revenus tirés de mon travail dans ce site », se félicite Salam Zoungrana. Et Lassané Zoungrana de renchérir : « Les revenus générés par la vente de nos différentes productions nous aident à subvenir à nos besoins ».

Difficile de trouver les semences

Tanghin-Wobdo semble avoir ouvert la voie à une production beaucoup plus importante de la pomme de terre au Centre-Ouest dans les prochaines années. Mais encore faut-il que certaines contraintes soient levées le plus vite possible. L’une d’elles porte sur l’indisponibilité de la semence, sans oublier son coût qui n’est pas à la portée de toutes les bourses. Une situation qui ne laisse pas indifférent le Directeur régional (DR) en charge de l’agriculture du Centre-Ouest, Edouard Ilboudo.

« La semence n’est pas disponible et coûte cher », déplore-t-il. Des propos corroborés par le producteur Salam Zoungrana qui a eu toutes les peines à s’en procurer. Le chef de service départemental de l’Agriculture, des Ressources animales et halieutiques de Sabou, Djibril Tienin, affiche sa satisfaction de voir cette culture émerger au Centre-Ouest. « Cette année, nous avons eu une importante quantité de semenceaux de pomme de terre produits par nos producteurs », dit-il.

Salam Zoungrana, président de la coopérative Relwendé, plaide pour la disponibilité et l’accès de tous à la semence.

La distribution de semenceaux subventionnés aux producteurs entre en droite ligne de la politique gouvernementale à travers la mise en œuvre de l’offensive agropastorale et halieutique initiée par le ministère en charge de l’agriculture. En dépit de cette aide publique, l’accès à la semence reste toujours un hic. Salam Zoungrana dit avoir acheté le kit constitué principalement d’un sac de 100 kg de semenceaux à 27 000 FCFA. Or, poursuit-il, la quantité recommandée est de 20 sacs de 100 kg par hectare, soit environ deux tonnes de semenceaux qui se chiffrent à 1080 000 FCFA.

Pire, la facture est davantage plus élevée lorsque le producteur doit s’en approvisionner auprès des commerçants. Djibril Tienin va plus loin en disant que sur le marché, le même kit de 27 000 FCFA est vendu à 35 000 FCFA, portant du même coup à la hausse les dépenses en semenceaux à 1 400 000 FCFA par hectare. Toutefois, le chef de
service départemental en charge de l’agriculture de Sabou rappelle que l’Etat a déjà consenti d’énormes sacrifices afin de répondre aux besoins des producteurs de pomme de terre. Au-delà de la question cruciale des semences, force est de constater que d’autres soucis et pas des moindres subsistent.

A notre passage àTanghin-Wobdo, le barrage sur lequel l’eau est prélevée pour arroser les champs était à son plus bas niveau. Une préoccupation que ne tarderont pas à soulever nos interlocuteurs lors des échanges. Comme alternative, un forage à gros débit a été construit à l’intérieur du site en vue de soutenir le barrage mais impossible de satisfaire les producteurs. A entendre les acteurs, le tarissement précoce du barrage du fait de son ensablement ne permet plus de produire trois fois dans l’année. Une réhabilitation de l’ouvrage s’impose.

Djibril Tienin abonde dans le même sens, en précisant que le dossier est en bonne voie. Toutefois, il conseille aux producteurs de commencer tôt. « Vous voyez que la pomme de terre est déjà à maturité. C’est parce que les producteurs se sont remis rapidement au travail après les récoltes de la campagne humide », souligne-t-il. Salam Zoungrana reste nostalgique de la belle époque où ils produisaient trois fois de suite dans l’année. Aujourd’hui, la donne a changé.

« La seule alternative qui nous reste est de semer à partir du mois d’octobre. C’est le seul moyen de nous assurer qu’au plus tard en fin février, nos cultures seront matures et prêtes pour la récolte », indique Lassané Zoungrana. Lui aussi exhorte les autorités à les aider à réhabiliter l’ouvrage hydraulique. Ou à défaut, persiste-t-il, réaliser d’autres forages capables de prendre le relai en cas d’assèchement total du barrage.

Ouamtinga Michel ILBOUDO
omichel20@gmail.com