Pisciculture à Soum: bientôt des cages flottantes dans le barrage

Pour le moment, c’est la pêche traditionnelle qui est pratiquée à Soum.

La pratique de la pisciculture n’est pas encore effective à Soum, malgré son important barrage d’une capacité de 155 millions de m3 d’eau. De nos jours, c’est la pêche traditionnelle qui a le vent en poupe dans la localité. Mais la tendance est en passe de s’inverser avec la mise en œuvre des activités de l’offensive agropastorale et halieutique où il est prévu la pisciculture en cages flottantes dans ce lac artificiel.

Le barrage de Soum, dans la commune de Nanoro, région du Centre-Ouest, impressionne. Son plan d’eau qui s’étend à perte de vue ne peut laisser indifférents les visiteurs. Aux dires du Directeur régional (DR) de l’Agriculture, des Ressources animales et halieutiques du Centre-Ouest, Edouard Ilboudo, l’infrastructure hydraulique a une capacité de stockage de plus de 150 millions de mètres cubes d’eau. Une véritable aubaine pour la région et partant, le Burkina Faso tout entier, selon lui.

Outre le périmètre aménagé de plus de 1 000 hectares qu’il permettra d’irriguer pour la production rizicole et maraîchère, le barrage offre aussi d’énormes opportunités en termes de pisciculture et de pêche traditionnelle. Ce matin du 14 février 2024, aucun pêcheur n’est en activité autour du barrage. Mais le représentant de ce secteur, Baoyigsom Guigmdé, n’est pas loin. Dans les eaux profondes d’un des bassins de stockage, creusés dans le périmètre irrigué, il espère une bonne prise de poisson.

De toutes ses forces, il déploie son filet de pêche dans l’eau et tire. Il multiplie l’opération plusieurs fois. La moisson est maigre. Quelques carpes qui n’ont pas pu s’échapper entre les mailles du filet se débattent en vain. M. Guigmdé ne s’avoue pas vaincu et change de stratégie. Il saisit sa pirogue et vogue jusqu’au milieu de la retenue d’eau. Il effectue les mêmes lancées avec son filet mais peine perdue, le poisson reste introuvable. Alors que c’est dans ce bassin qu’il espérait se tirer à bon compte. A l’entendre, si les pêcheurs ont déserté actuellement le barrage, c’est parce que les poissons sont nichés au fond de l’eau.

La rareté du poisson dans le barrage

Le porte-parole des pêcheurs de Soum, Baoyigsom Guigmdé :
« la pisciculture vaut mieux que la pêche traditionnelle ».

« Il y a des périodes de bonnes prises. En février par exemple, il est difficile d’avoir beaucoup de poissons, parce que l’eau est fraîche et le vent fort. Ce qui fait que le poisson ne remonte pas à la surface de l’eau », explique le pêcheur.
A Soum, le barrage a été réalisé depuis plus de dix ans. Malgré tout, la pisciculture n’est pas encore ancrée dans les habitudes des populations bénéficiaires. Pour l’instant, c’est la pêche traditionnelle qui a pignon sur rue. A en croire M. Guigmdé, le porte-parole des pêcheurs de Soum, l’activité nourrit bien son homme.

Il estime ses prises à 20 kg parfois, ou même plus au moment opportun. « Grâce à la pêche, j’ai acheté une moto et je m’occupe de ma famille », déclare-t-il. Avant l’aménagement du périmètre irrigué, avance-t-il, la pêche constituait la principale occupation de nombre de personnes à Soum. Le ministère en charge des ressources halieutiques a aussi contribué à développer cette activité à travers l’empoissonnement du barrage. Ainsi, des alevins de carpes, puis de silures ont été lâchés dans les eaux. Les sujets adultes capturés plus tard par les pêcheurs sont, soit vendus frais à 500 F CFA le kilo pour les carpes et 1000 F CFA pour les silures, soit fumés avant d’être mis sur le marché.
Pour le moment, les pêcheurs de Soum peinent à s’organiser.

Plusieurs tentatives de créer une association ou une coopérative se sont soldées par des échecs, aux dires de leur porte-parole. Pourtant, ils étaient bien partis, à son avis. « On avait réussi à créer une association mais les responsables sont tous partis et le groupe s’est disloqué », fait-il savoir. Actuellement, ils sont une dizaine de membres qui tentent tant bien que mal de ressusciter la structure mais les activités vont au ralenti. Avec l’aménagement du périmètre irrigué depuis 2021, beaucoup se sont convertis dans la production rizicole. Baoyigsom Guigmdé dit être partagé désormais entre le barrage et sa parcelle de riz d’un demi-hectare sur la plaine.

Toutefois, l’espoir est permis pour les pêcheurs de Soum. Dans le cadre de l’offensive agropastorale et halieutique 2023-2025, le ministère en charge des ressources halieutiques compte les accompagner afin de promouvoir la filière poisson dans la localité. Dorénavant, ils vont délaisser la pêche traditionnelle au profit de la pisciculture moderne. Cette bonne nouvelle est déjà parvenue aux acteurs de la pêche qui l’ont bien accueillie.

Le désir de se lancer dans la pisciculture

Parfois la moisson n’est pas à la hauteur des attentes des pêcheurs.

« On nous a dit que le Burkina Faso importe le poisson à hauteur de huit milliards F CFA par an. Nous constatons que nous perdons beaucoup d’argent. Donc, nous saluons l’offensive et adhérons entièrement à l’initiative », indique le porte-parole des pêcheurs de Soum. Ses compères et lui se disent prêts à se lancer dans la pisciculture, pour peu qu’ils aient les équipements nécessaires. Puisque des formations dans le domaine, ils en ont déjà reçu plusieurs fois. M. Guigmdé semble déjà aguerri au regard de son expérience. « En 2017, j’ai été à Dédougou pour des formations en pisciculture et en 2019 à Bérégadougou, sans oublier celles de Koudougou », relate-t-il.

C’est pourquoi, il trépigne d’impatience de voir ce projet se concrétiser au grand bonheur de tous les pêcheurs de Soum. Mais son souhait le plus ardent est de travailler avec les cages flottantes. D’ailleurs, c’est ce modèle de pisciculture qui est prévu pour être pratiqué à Soum et non les bassins, selon les confidences du DR Edouard Ilboudo. A l’entendre, la direction générale des Ressources halieutiques a déjà fait des évaluations sur le terrain et le projet, qui est en bonne voie, va démarrer incessamment. Il est vrai que la pisciculture n’est pas encore opérationnelle à Soum mais M. Ilboudo tient à préciser que ce volet avait été bel et bien pris en compte dans le projet. Il en veut pour preuve les comptoirs de vente de poisson qui sont déjà construits sur le site.

Si ce projet d’élevage de poisson venait à se concrétiser, estiment les acteurs, les objectifs de l’offensive agropastorale et halieutique seront atteints. Cela va aussi permettre de mieux les organiser et de les soulager des péripéties de la pêche traditionnelle. En plus de la rareté du poisson dans le barrage, Baoyigsom Guigmdé signale que le matériel de pêche coûte cher. Pour les filets, il annonce que leurs prix varient de 10 000 à 25 000 F CFA, voire plus, et pour une pirogue de qualité, il faut débourser au minimum 100 000 F CFA. Des motifs qui encouragent nombre de pêcheurs à opter pour l’aquaculture.

Mady KABRE
dykabre@yahoo.fr