Dans bien de régions au Burkina Faso, on le voit souvent sur les branches de nombre d’arbres à travers les champs et forêts. La plupart du temps, l’on se soucie peu de sa présence ou on ignore parfois l’effet qu’il produit sur ses hôtes. Pourtant, son impact sur les espèces qui l’hébergent est épouvantable. Lui, c’est le Tapinanthus ou gui, une plante parasite qui attaque et tue à petit feu les arbres dont le karité. Face à cette situation, les défenseurs de l’environnement ont engagé une lutte farouche contre ce ravageur silencieux mais le combat semble loin d’être gagné. Constat dans les provinces de la Sissili et du Ziro où on enregistre d’importants peuplements de karité.
Dans la ferme agropastorale de Yacouba Barry, située à Zorro, à la périphérie-est de Léo, province de la Sissili (région du Centre-Ouest), plusieurs espèces ligneuses se disputent l’espace. Parmi celles-ci, le karité ou Vitellaria paradoxa (nom scientifique) est le plus représentatif. Difficile pour l’agropasteur de déterminer avec exactitude leur nombre, tellement on en trouve sur toute l’étendue du champ de trois hectares (ha). Seulement, reconnait-il, ces arbres qu’il a soigneusement protégés depuis plus de 30 ans constituent une richesse énorme pour sa famille, par les fruits, les amandes et le bois qu’ils lui procurent. Au pied de l’un des arbres au houppier volumineux, de petits ruminants se reposent sous une ombre épaisse. Là-haut, des oiseaux perchés dans les feuillages sont occupés à picorer les quelques fruits mûrs du karité.
A vue d’œil, rien n’indique que les feuillages abondants que l’arbre arbore ne lui appartiennent pas tous. En effet, presque la moitié du houppier est constituée d’une autre espèce végétale qui est venue se fixer au karité. Comme si on l’avait greffée, cette plante, aux feuilles vertes et aux fleurs parfois rougeâtres, a l’air de bien s’épanouir sur plusieurs branches de son hôte. Le karité, lui, semble s’accommoder de cette situation. Pourtant, il en souffre énormément. Cette plante est un parasite du karité, connu sous le nom de Tapinanthus ou gui (Welba, en langue mooré).
Selon Dr Kadidia Semdé, attachée de recherche en biologie et écologie végétales au Département environnement et forêts de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA), le Tapinanthus est une plante parasite qui pousse sur les branches de très nombreux arbres de familles variées et parfois sur les troncs d’arbres des régions intertropicales d’Afrique. Elle signale qu’il en existe trois types au Burkina Faso, que sont le Tapinanthus dodoneifolius, le Tapinanthus globiferus et le Tapinanthus ophiodes.
Sept sur dix karités parasités dans la Sissili

Dans la ferme de Yacouba Barry, la soixantaine révolue, il est difficile de trouver un pied de karité qui n’est pas attaqué par le « Sowto », Tapinanthus en fulfuldé. Une petite randonnée permet de se rendre à l’évidence. A l’entendre, d’autres espèces ligneuses, à l’image du néré (Parkia biglobosa), sont aussi touchées dans son champ mais l’infestation est encore plus prononcée au niveau du karité. Chez ses voisins, on vit le même problème.
« Cette plante parasite nuit à la santé du karité et à sa productivité. Soit, elle dessèche ses branches, soit, elle la tue complètement », raconte avec amertume M. Barry. Face à un tel phénomène qui est en train de détruire progressivement ses arbres, il avoue son impuissance. A la question de savoir si l’agropasteur ne procède pas à la taille sanitaire pour préserver ses karités, celui-ci reste stupéfait. « Comme la coupe du karité est interdite, personnellement, je n’élague pas les branches qui portent le Tapinanthus, de peur d’être interpellé par les forestiers », déclare Yacouba Barry. Le seul avantage qu’il dit tirer du gui est son utilisation comme du fourrage pour ses petits ruminants.
Un peu plus loin, au sud de Léo, le constat est le même dans le champ de production agricole de Anas Yago : la présence du Tapinanthus sur les arbres, notamment le karité. Il soutient n’avoir pas non plus de remède efficace contre ce ravageur silencieux du karité, appelé « Taan kourou », dans sa langue, le nuni. Agriculteur possédant une ferme de 25 ha, il indique que ce parasite est en train de « coloniser » presque tous les karités présents dans son domaine d’exploitation.
Sur dix pieds, estime-t-il, huit ou neuf sont infestés. Il renchérit qu’il y a des arbres, surtout les plus vieux, dont toutes les branches sont parasitées. « Quand l’arbre à karité est beaucoup attaqué, certaines branches dessèchent et meurent. L’autre inconvénient est qu’il ne produit plus assez ou pas du tout », révèle Anas Yago. Chez lui, il y a au moins une méthode de lutte pratiquée qui est l’élagage des branches atteintes. Une technique apprise des parents qui s’y adonnaient pour sauver certains arbres, selon lui. Malgré tout, le mal persiste, déplore le fermier qui reconnait que c’est une lutte de longue haleine.
Le Directeur provincial (DP) des Eaux et forêts de la Sissili, Karim Yéyé, indique que l’existence du Tapinanthus est remarquable dans sa zone, comme d’ailleurs dans d’autres régions du pays. « Dans les forêts et les champs où se trouvent des pieds de karité, on constate que la majorité est attaquée par ce parasite », affirme-t-il. M. Yéyé précise que le degré d’infestation varie d’une zone à l’autre, en fonction du peuplement de karité. Il cite le cas par exemple de certains champs où la totalité des pieds de karité sont porteurs du gui. Mais d’une manière générale, il relève que sept sur dix karités sont parasités dans la Sissili.
Les peuplements de karité menacés
Cette situation affecte énormément la survie de l’arbre ainsi que ses rendements en fruits. « Le Tapinanthus est une espèce chlorophyllienne qui se nourrit de la sève. Il partage cette sève nourricière avec la plante hôte. Quand il devient abondant sur un pied d’arbre, il l’asphyxie et l’espèce n’arrive plus à se développer convenablement. Cela fait baisser sa productivité et provoque parfois sa mort », explique l’inspecteur des eaux et forêts. Face à ce parasite, Karim Yéyé conseille de tailler les branches atteintes.

Mais là aussi, prévient-il, il faut s’assurer d’avoir tout mutilé. « Si on coupe les espèces Tapinanthus et on oublie une ou deux dans l’arbre, plus tard, elles vont se propager encore », martèle M. Yéyé. Néanmoins, il se réjouit de savoir que les actions de sensibilisation menées par son service à l’endroit des populations commencent à porter fruit. Car, à l’entendre, beaucoup de producteurs, ayant pris conscience du phénomène, coupent systématiquement le gui dès qu’il apparait sur les jeunes pieds de karité.
La province de la Sissili n’est pas la seule à être touchée par le Tapinanthus. Celle du Ziro qui regorge de nombreuses forêts avec des parcs à karité, n’est pas non plus en reste. Aux dires du DP des Eaux et forêts, Hamadé Traoré, la présence du gui menace sérieusement les peuplements de karité dans le Ziro. Il en veut pour preuve, la baisse de productivité du Vitellaria paradoxa et des mortalités enregistrées çà et là sur l’espèce. M. Traoré atteste que les trois espèces de Tapinanthus sont représentées dans la province et peuvent se retrouver à la fois sur un même pied de karité. « Il est difficile de voir un peuplement de karité qui n’est pas affecté dans le Ziro », soutient-il, avant de désigner les oiseaux, le vent ou même l’homme comme étant les vecteurs de transmission des plantes parasites.
Boubou Nama dit Abou est pépiniériste et tradipraticien basé à Sapouy. A la lisière des habitats, il possède une ferme de trois hectares dans laquelle plusieurs espèces végétales dont le karité et le néré se côtoient. Malgré la taille sanitaire pratiquée sur certains arbres, le Vitellaria paradoxa et le Parkia biglobosa portent toujours le gui. Certains karités en ont fait les frais. Par-ci, par-là, on aperçoit des souches d’arbres morts.
Abou reconnait que ces arbres ont péri par faute d’entretien. Mais, grâce aux sensibilisations des forestiers, il mène désormais une lutte âpre contre le Tapinanthus qui tue à petit feu ses hôtes. Cependant, pour y arriver, il faut fournir beaucoup d’effort physique. « Il y a des branches infestées qui sont situées à une certaine hauteur qu’on a du mal à atteindre pour couper », fait remarquer M. Nama, pour montrer à quel point la lutte n’est pas toujours aisée. En tant que pépiniériste, il s’évertue aussi à remplacer au fur et à mesure les arbres morts dans son champ par de jeunes pieds.
D’une manière générale, confie Dr Kadidia Semdé, la situation du Tapinanthus est préoccupante au Burkina Faso, surtout pour les espèces ligneuses à usages multiples comme le karité et le néré. « Selon une étude nationale, 95 % de la population du karité sont infestés par ces parasites et 27 % des arbres touchés risquent de mourir à court terme », dévoile la phytopathologiste.
La taille sanitaire, seul remède

« le gui affecte la productivité du karité à tel point que
nous n’arrivons plus à satisfaire nos commandes ».
La fédération Nununa, structure spécialisée dans la fabrication du beurre de karité et basée à Léo, est dans la même dynamique de combat contre le gui depuis 2001. Elle possède actuellement 11 parcs à karité logés dans des forêts protégées ou classées du Ziro et de la Sissili et dans lesquels elle collecte ses noix. A ce niveau également, le Tapinanthus s’illustre par sa présence sur le Vittelaria paradoxa. « Dans nos parcs à karité, beaucoup d’arbres sont attaqués par le gui, surtout les vieux karités qui ont plus de 30 ans », atteste la présidente de la fédération Nununa, Abibata Salia. Elle estime que sur dix pieds, plus de la moitié sont porteurs du parasite. La conséquence, selon elle, est que les quantités de noix de karité récoltées par an par sa fédération baissent au fil du temps.
« Nous produisions par an plus de 300 tonnes de beurre, mais nous ne pouvons plus atteindre cette quantité à cause du manque de noix », précise-t-elle. Abibata Salia impute cette contreperformance au parasite du karité, aux aléas du changement climatique et aux actions anthropiques néfastes. Elle déplore par exemple le cas du parc à karité situé entre Sapouy et Dianzoè qui a été dévasté par des individus pour des activités agricoles. Un tour dans ce parc permet de se rendre compte que le Tapinanthus n’est pas le seul ravageur du Karité. Plusieurs espèces d’arbres vaincues par les coups de machette et les flammes, s’offrent au regard. Sur les quelques karités épargnés, le gui est bien présent.
Dans les parcs à karité de Nununa, informe Abdoul Walib Biyen, chargé de filière de la Fédération, des comités de gestion veillent à la protection des arbres. Dès qu’ils constatent que les parasites sont en train de prendre de l’ampleur, ils procèdent à la taille sanitaire, en collaboration avec les services des eaux et forêts.
Les mêmes inquiétudes sont partagées au niveau de la coopérative Névéléa (progression, en nuni) basée à Sapouy. Evoluant dans la transformation et la commercialisation des produits forestiers non ligneux, elle n’arrive plus à honorer ses commandes, faute de matières premières. « Avant, on pouvait livrer 300 tonnes d’amandes de karité par an, mais actuellement, nous sommes à 88 tonnes. Nous n’arrivons plus à satisfaire notre clientèle », déclare la présidente de la coopérative, Angelina Nama. Selon elle, les attaques parasitaires sont en partie responsables de cette chute de productivité du karité.
C’est pourquoi, sa structure s’est engagée, depuis plusieurs années, dans un combat sans merci contre les plantes parasites. « Les forestiers nous ont appris comment entretenir les arbres et tailler les branches touchées par le gui. Et nous appliquons ces techniques dans nos deux parcs à karité », se félicite Mme Nama. Pour leur part, les forestiers indiquent que, pour l’instant, la méthode de lutte indiquée contre le Tapinanthus est celle mécanique. Il suffit d’élaguer les branches atteintes. « C’est comme un cancer gangréné qu’il faut couper », laisse entendre le DP Hamadé Traoré.
Des vertus, tout de même

Malgré son caractère nuisible, le Tapinanthus est une plante qui a son utilité. Pour ses vertus médicinales, des praticiens de la pharmacopée l’utilisent pour des soins de santé. En tant que tradipraticien, Boubou Nama affirme l’associer à d’autres plantes pour soigner des maladies. A l’en croire, le gui intervient également dans la composition de produits pour acquérir la prospérité, la chance ou pour conjurer le mauvais sort. Le DP Traoré confirme que sur le plan médicinal, certains Tapinanthus sont prisés parce qu’ils se font rares. C’est le cas, selon lui, du gui des agrumes, notamment celui du citronnier.
« Quand j’étais dans la zone de Orodara, des gens commandaient le Tapinanthus du citronnier depuis Ouagadougou. On peut aller fouiller tout un verger d’agrumes sans le voir. Si fait que ces plantes parasites sont jalousement gardées par les propriétaires des vergers », témoigne M. Traoré. Ses propos sont confirmés par Anas Yago qui possède un citronnier parasité dans sa ferme. Il explique que c’est l’engouement des gens autour du gui de son citronnier qui lui a fait savoir que c’est de l’or. « D’autres même viennent en cachette pour prélever. J’aurai appris que ce Tapinanthus peut sauver des vies, car il contribue à soigner des cas d’empoisonnement et à endiguer des attaques mystiques », révèle M. Yago. En plus de servir à la fabrication du compost, le Tapinanthus, aux dires des forestiers, participe à la diversité biologique.
Mady KABRE
dykabre@yahoo.fr
Pénurie de beurre à Léo
De nos jours, le beurre de karité est très prisé des Burkinabè. Il intervient dans la cuisine, la cosmétique, la pharmacopée, etc. Mais parfois, il reste introuvable sur le marché. Plusieurs facteurs concourent à sa disparition progressive, notamment la coupe abusive du karité, les effets du changement climatique et les attaques parasitaires. Lors de notre passage à la fédération Nununa, le 12 juin 2025, à Léo, l’unité de transformation du beurre était à l’arrêt, les portes hermétiquement closes. Idem pour leur boutique de vente de beurre et autres produits de beauté. Il ressort que la matière première, à savoir les amandes de karité, manque actuellement. Des clientes venues acheter du beurre étaient obligées de repartir bredouilles, l’air affligé. Selon les responsables de Nununa, tous les jours, on assiste à un ballet incessant des clients à leur siège pour demander le beurre bio. Malheureusement, aucun gramme de beurre n’est disponible. Au marché de Léo également, il est difficile d’en trouver, surtout le bon.
M.K.
Un parc à karité dévasté à Sapouy
Il est l’un des parcs à karité dans lesquels les femmes de la fédération Nununa collectent les noix pour la production du beurre bio. De nos jours, le parc de Dianzoè, situé à environ 5 kilomètres de Sapouy, n’est plus que l’ombre de lui-même. Niché dans le Chantier d’aménagement forestier (CAF), il a été, en partie, détruit par des individus qui avaient commencé à défricher la forêt pour des activités agricoles. L’intervention du ministère en charge de l’environnement a permis d’arrêter le massacre. Sur le terrain, le constat est désolant. Plusieurs arbres dont le karité abattus et d’autres brûlés. C’est avec amertume que les femmes de Nununa ont appris la nouvelle. Ce parc est appelé à être déclassé, parce qu’il ne répond plus aux normes de production bio. Selon la présidente de la Fédération, Abibata Salia, le parc détruit peut être restauré par une plantation de jeunes pieds de karité. Pour peu qu’on mette fin aux activités agricoles dans la forêt.
M.K.
Dr Kadidia Semdé, phytopathologiste à l’INERA
« La lutte mécanique reste aujourd’hui la méthode la plus efficace contre le Tapinanthus »

Dr Kadidia Semdé est attachée de recherche en biologie et écologie végétales au département Environnement et forêts de l’Institut de l’environnement et de recherches agricoles (INERA). Dans les lignes qui suivent, elle apporte des éclaircissements sur le Tapinanthus, ce parasite des arbres, l’ampleur du phénomène au Burkina, son impact sur les plantes hôtes ainsi que les méthodes de lutte.
Carrefour africain (C.A.) : Qu’est-ce que le Tapinanthus ?
Kadidia Semdé (K.S.) : Le Tapinanthus est une plante parasite (un gui) qui pousse sur les branches de très nombreux arbres de familles variées et parfois sur les troncs d’arbres des régions intertropicales d’Afrique où elle forme des touffes. Il appartient à la famille des Loranthacées. C’est une plante vivace parasite à rameaux ramifiés et cassants, caractérisée par des feuilles opposées, subopposées ou alternes, vertes, brillantes, largement ovales, arrondies ou légèrement cordées à la base, obtuses au sommet. Ses fleurs sont en fascicules axillaires dressés, rouge vif à la partie supérieure, avec des fruits petits qui sont des baies sphériques vertes puis rouges à maturité.
Le Tapinanthus ne peut pas vivre seul sans sa plante hôte. Puisque c’est un hémiparasite épiphyte, ce qui signifie qu’il pousse sur les branches d’un arbre hôte et dépend de lui pour l’eau et les sels minéraux.
C.A. : Quelle est l’ampleur de cette plante parasite au Burkina Faso ?
K.S. : L’ampleur du Tapinanthus au Burkina Faso est préoccupante, surtout pour les espèces ligneuses à usages multiples comme le karité (Vitellaria paradoxa) et le néré (Parkia biglobosa). Selon une étude nationale, 95 % de la population du karité sont infestés par ces parasites et 27 % des arbres touchés risquent de mourir à court terme. Ils entrainent des conséquences négatives sur la vie de la population du karité. En effet, ils fragilisent la plante, ralentissent sa croissance, entrainent son vieillissement, altèrent la qualité de son bois, réduisent la production de ses fruits, l’exposent à d’autres agents pathogènes et peuvent même entrainer sa mort.
Au Burkina Faso, les arbres seraient infestés par trois types de Tapinanthus que sont Tapinanthus dodoneifolius, Tapinanthus globiferus et Tapinanthus ophiodes. L’espèce Tapinanthus dodoneifolius est apparue comme la plus fréquente et la plus nuisible pour les plantes.
C.A. : Parmi les arbres parasités par le Tapinanthus, le karité semble le plus touché. Qu’est-ce qui explique cela ?
K.S. : Le karité est le plus touché pour plusieurs raisons. Il est un arbre courant et les oiseaux y déposent facilement les graines du gui. Rarement le karité est élagué et le parasite a le temps de se propager. Il vit longtemps et cela en fait une cible idéale sur plusieurs années. Il y a aussi sa structure et sa physiologie. En effet, le karité possède une écorce relativement fine avec des branches bien exposées, ce qui facilite l’implantation des graines de Tapinanthus transportées par les oiseaux. En outre, certaines études révèlent une affinité particulière entre le karité et le Tapinanthus dodoneifolius, l’espèce la plus fréquente.
C.A. : Qu’est-ce qui est à l’origine de la propagation du Tapinanthus ?
K.S. : Les oiseaux sont les principaux agents disséminateurs du Tapinanthus dans les parcs arborés comme ceux du karité. Des espèces comme le barbu à front jaune, les tourterelles, les étourneaux ou encore le pigeon de Guinée consomment les baies du gui. En digérant la pulpe, ils rejettent les graines collantes sur les branches d’arbres voisins, où elles germent en moins de 48 heures. Les graines du Tapinanthus ont une capacité de germination rapide, parfois en moins de deux jours. Cela leur permet de coloniser rapidement de nouvelles branches. L’absence d’élagage régulier et de surveillance des arbres comme le karité favorise aussi l’installation durable du parasite. Une fois bien implanté, il devient difficile à éradiquer sans l’intervention humaine. En plus, le Tapinanthus est ubiquiste, c’est-à-dire qu’il s’adapte aussi bien aux forêts qu’aux savanes, et peut survivre dans des conditions climatiques variées. Certaines régions arides ou très boisées, où les arbres hôtes sont peu nombreux ou régulièrement entretenus, présentent des taux d’infestation très faibles. Par exemple, les zones sahéliennes du nord du Burkina Faso, où le karité est naturellement rare, sont moins touchées.
C.A. : Peut-on lutter contre le Tapinanthus ?
K.S. : Oui, il y a des méthodes de lutte comme celles mécanique, biologique ou chimique. Cependant, jusqu’à nos jours, c’est la lutte mécanique (coupe et taille sanitaire) qui est utilisée contre le Tapinanthus. La lutte chimique est un sujet délicat. Il n’existe pas encore de méthode chimique fiable, sélective et sans risque pour les arbres hôtes comme le karité. Le gui étant un parasite vasculaire, il est profondément enraciné dans les tissus de l’arbre. Les herbicides systémiques risquent donc de tuer ou affaiblir aussi le karité, ce qui rend leur usage très risqué. A ce jour, aucun produit phytosanitaire n’est officiellement homologué au Burkina Faso pour lutter spécifiquement contre ce parasite sur les arbres fruitiers ou forestiers. Quelques essais ont été menés en station, notamment à Saria, avec des injections de produits dans les touffes de gui, mais les résultats sont peu concluants et non reproductibles à grande échelle. L’usage de produits chimiques dans des parcs agroforestiers pose des risques pour la biodiversité, les sols et la santé des productrices qui récoltent les fruits à main nue.
La lutte mécanique reste aujourd’hui la méthode la plus efficace et la plus sûre. Toutefois, des recherches sont en cours pour explorer des alternatives comme des extraits de plantes à effet inhibiteur ou des méthodes biologiques (champignons ou insectes spécifiques).
C.A. : Le gui a-t-il un côté bénéfique ?
K.S. : Le Tapinanthus, malgré sa réputation de parasite destructeur, présente aussi quelques utilités écologiques et médicinales intéressantes. Dans plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, certaines espèces de Tapinanthus dodoneifolius sont utilisées en médecine traditionnelle pour traiter l’hypertension, soulager les douleurs articulaires ou soigner les infections cutanées, les plaies, etc. Les feuilles et les tiges sont souvent préparées en décoction ou en cataplasme. Des études ont même identifié des composés bioactifs aux propriétés antioxydantes et antimicrobiennes. Le gui joue aussi un rôle écologique. Les baies sont une source de nourriture pour les oiseaux, notamment les espèces frugivores. Ces oiseaux participent à la pollinisation et à la dissémination d’autres plantes utiles, jouant ainsi un rôle dans l’équilibre des écosystèmes.
Entretien réalisé par Mady KABRE
