Gestion des déchets à Banfora: un combat pour un cadre sain

Pour le moment, la décharge finale se fait dans la nature.

Banfora, chef-lieu de la région des Tannounyan, est constamment arrosé par des pluies en ce mois de juillet 2025. Sous ce ciel gris, un autre combat se livre : celui contre les ordures. Les autorités municipales et la population se sont engagées à assainir la ville. Ensemble, elles luttent pour un environnement propre, sain et accueillant. Carrefour africain plonge au cœur de cette bataille où le changement prend forme, lentement mais sûrement.

Banfora, chef-lieu de la région de Tannounyan, en plein hivernage. La saison des pluies crée des flaques d’eau sur les routes cabossées de la ville. La circulation est parfois difficile. Le jour se lève. L’air est frais. Les populations sortent de leurs demeures. Les services s’ouvrent, les commerces aussi. Les motos ronronnent. Des scènes vivantes se déroulent au marché central, bruyant et coloré. Les vendeurs crient à tue-tête pour attirer les clients. Ces derniers marchandent.

Ce lieu de commerce est également un carrefour de production de tout type de déchets. Dans les parcelles nues et les routes secondaires, les hautes herbes camouflent souvent des ordures. Des dépotoirs à ciel ouvert, on en trouve quelquefois. Jusqu’à présent, le combat contre l’insalubrité est de longue haleine. En parcourant la ville, la réalité frappe nos regards. Une décharge clandestine gît dans une parcelle vide. Biema Tou, directeur des services techniques municipaux, arpente chaque jour la ville et fait le même constat.

Biema Tou, agent de la mairie de Banfora, insiste : « la propreté de la ville est une priorité collective ».

« Les parcelles nues constituent un gros souci pour la commune », déclare-t-il, dépité. « On y jette tout : ordures, animaux morts, boues de vidange », explique-t-il. Les réserves administratives et autres espaces publics ont été nettoyés, signale M. Tou. Les agrobusiness men y ont joué un rôle. « On a évacué beaucoup de tas d’immondices.

Mais comment ? A travers les agrobusiness men. Ils ont demandé que ces déchets soient envoyés dans leurs champs. En contrepartie, ils paient le carburant. C’est le partenariat gagnant-gagnant, même si on ne gère pas les déchets dans les normes », estime Biema Tou. Son équipe note, observe et agit mais le chemin est long et semé d’embûches.

Des tas d’ordures devant des domiciles

A un jet de pierres de là, une scène similaire se présente. Un tas d’immondices traine devant une cour. Une habitante y jette fraîchement ses ordures. Une pratique courante. Pour autant, l’espoir germe. La mairie a échafaudé un plan stratégique, ambitieux. Au cœur de ce dispositif, se trouve la gestion intégrée des déchets, une véritable machine en marche.

Des déchets valorisés en compost par la JAD de la Comoé.

La brigade verte, la brigade ouvrière et les services de pré-collecte travaillent tous de concert. L’objectif est clair : éradiquer les tas sauvages, éliminer les odeurs et rendre Banfora vivable. Déjà, des résultats commencent à se faire sentir. Des dépotoirs ont disparu, fruits des efforts consentis. Une prise de conscience s’installe au sein de la population. Certains habitants, soucieux de vivre dans un environnement sain, s’abonnent auprès des pré-collecteurs.

C’est le cas chez Fatimata Soma, habitante au quartier Bounouna. Elle a décidé de s’abonner à un service de ramassage.
« Il n’y a plus de jets sauvages », dit-elle avec fierté. Ses déchets sont désormais placés dans une poubelle. Un agent passe deux fois par semaine avec un tricycle pour les ramasser et les diriger vers un centre de tri. « C’est simple et efficace », ajoute-t-elle. Adjaratou Soulama est du même quartier. Elle a fait le même choix.

« Je suis satisfaite à 100% », lance-t-elle, avec conviction. En dépit de ces progrès, des défis persistent. Les pannes fréquentes des tricycles, les cas de maladies (collecteurs et animaux), les évènements imprévisibles et l’état défectueux des routes, compliquent la tâche aux agents de pré-collecte. Alors, Fatimata Soma patiente et stocke ses déchets, sans les jeter.

« Nous demandons des alternatives » supplie-t-elle. Adjaratou Soulama abonde dans le même sens. Elle aussi doit gérer les imprévus. En cas de panne de moto de collecte par exemple, elle utilise des sacs temporaires. « Tous devraient s’abonner », conseille-t-elle, convaincue que la propreté est l’affaire de tous. Tagassini Koné est animatrice à l’association Natura. Elle gère avec tact, les cas de force majeure. Elle appelle les abonnés ou se déplace chez eux pour les rassurer. Derrière cette lutte se cachent également des héros invisibles.

Siaka Sagnon exhorte les producteurs à acheter son compost pour fertiliser leurs champs.

Lydie Somé, présidente de l’association Natura, est une pionnière dans ce domaine. Créée en 2003, son association compte 25 membres, principalement des femmes. Seulement deux hommes parmi ce personnel féminin, s’occupent, eux, de la conduite des tricycles. Mme Somé veille scrupuleusement à la santé de ses employés en s’assurant qu’ils disposent de l’équipement nécessaire : bottes, gants, cache-nez et gilets.

« Nous devons minimiser les risques », affirme-t-elle. Malgré ces précautions, les blessures arrivent parfois et l’association prend en charge les frais médicaux. Cette association applique des critères stricts pour protéger ses membres : aucune femme enceinte ou allaitante ne peut participer aux activités. « Elles reviennent après le sevrage de leurs enfants », précise Lydie Somé, soulignant l’organisation méticuleuse de l’association. Des fiches techniques mensuelles sont remplies pour suivre les quantités collectées et la mairie est au courant de tout.

Celle-ci offre également du matériel de travail comme des râteaux. « Grâce à cette organisation, nous savons combien de tonnes de déchets sont collectées par an », conclut Mme Somé. Plus loin, la Jeunesse associative pour le développement (JAD) de la Comoé s’active dans les secteurs 5 et 7. Pour les membres de cette structure, les déchets représentent un véritable gagne-pain. Le personnel est majoritairement composé de jeunes. Siaka Sagnon qui gère le compostage indique : « nous nous battons malgré le peu
d’abonnés ».

Lydie Somé, présidente de l’association Natura, est la pionnière dans la pré-collecte des déchets à Banfora.

Les sociétés de pré-collecte proposent un tarif de 1 000 F CFA par mois par ménage. Pour certains, c’est cher. Alors, les ménages démunis paient un forfait à 500 F CFA. « Nous voulons éviter les jets sauvages », ajoute M. Sagnon. Fougoussi Héma, un abonné depuis dix ans, approuve. « La collaboration est bonne, il n’y a jamais de conflits entre nous », indique-t-il. Ce citoyen modèle insiste sur l’importance de s’abonner pour préserver la santé de la communauté. Cependant, les chiffres ne sont pas rassurants. Banfora compte environ 13 000 ménages potentiels, selon M. Tou, avec une population d’environ 160 000 habitants. Le directeur des services techniques municipaux soupire face à cette réalité. «

Notre objectif est d’atteindre 40% d’abonnés d’ici 2030 contre 16% actuellement », relève-t-il. Les brigades de collecte incitent les citoyens à trier leurs déchets. Des points de collecte sont installés partout en ville. On note toujours des réticences. Lassina Gninmin, un agent de la société sucrière de la Comoé (SN-SOSUCO) à la retraite, évoque le manque de moyens et avoue jeter encore ses ordures dans la nature.

Mais, il promet de s’abonner bientôt. Les autorités continuent de travailler, renforçant la sensibilisation. La police de l’hygiène publique, une nouvelle initiative pluridisciplinaire, a vu le jour. Elle regroupe des membres de la mairie, de l’environnement, des polices nationale et municipale, de la gendarmerie, de la santé et de l’élevage. Ces agents ont prêté serment et sont désormais en action. Ils n’hésitent pas à sévir contre les pollueurs, imposant des sanctions et amendes.

Le compost produit par la JAD de la Comoé est testé dans ce champ
de patate et de maïs.

« La propreté de la ville est une priorité collective », insiste Biema Tou. Les tâches sont bien réparties : les sociétés de pré-collecte ramassent les déchets chez les abonnés, la brigade ouvrière nettoie les espaces publics et la brigade verte transporte les ordures vers les centres d’enfouissement. La mairie intensifie ses efforts pour assainir la ville. Elle veut convaincre les plus sceptiques.

La valorisation, un enjeu crucial

Collecter les ordures est une chose, les valoriser en est une autre. Ce maillon de la chaîne constitue un enjeu majeur. Les déchets ne sont pas uniquement une source de pollution mais aussi une opportunité. Parmi les sociétés de collecte, seule la JAD de la Comoé s’en sort dans ce domaine. Siaka Sagnon et ses camarades transforment les déchets en compost. Dans un bassin couvert de bâches, pourrissent des ordures de tous genres.

Le processus de fabrication dure environ deux semaines. Le produit fini est testé sur place. A côté se dresse un champ de maïs et de patate douce. Il prospère grâce au compost. Siaka Sagnon assure que ce produit a été utilisé pour fertiliser le sol et sa qualité est reconnue. « Un producteur d’une autre région a passé une commande de 50 tonnes après avoir réalisé des analyses qui ont montré la qualité du produit », informe-t-il.

Ce centre de tri construit par la mairie avec l’appui d’un partenaire va insuffler une nouvelle dynamique dans la gestion des déchets.

Le sac de 50 kg de compost est vendu à 3 000 F CFA. « Le produit a été certifié mais ils ont moins de commandes », reconnait Biema Tou. Siaka Sagnon exhorte les producteurs de la région à manifester un intérêt pour ce fertilisant biologique qui a montré ses preuves. Cela permettra aussi à sa structure, poursuit-il, de lancer une production à grande échelle. D’autres matériaux, comme les plastiques, peuvent être recyclés et les métaux vendus. Mme Somé songe à transformer ces plastiques en objets utilitaires.

Tout est une question de moyens, selon ses dires. D’ailleurs, elle envisage de réaliser ce projet avec les autres structures de collecte. « Nous envisageons une valorisation commune, confiant la gestion à une équipe regroupant toutes les structures de collecte. Cela nous permettra de trier, de produire du compost et même transformer le plastique en objets utilitaires », affirme-t-elle.

La mairie a bénéficié d’un appui du Projet d’amélioration de la gouvernance dans 19 villes moyennes du Burkina, pour construire un centre de tri. Il est constitué d’une décharge finale avec deux alvéoles et un bassin de décantation. La réception a été faite par la commune. Cependant, dévoile M. Tou, toutes les conditions ne sont pas encore réunies pour sa mise en service. Et pour cause ? Il manque le volet assainissement. « Il n’y a pas de toilettes, ni eau courante », soutient-il.

Fatimata Soma, abonnée des services de pré-collecte, ne jette plus ses déchets dans la nature.

« En principe, si le système est bien mené, ce qui est valorisable, on le fait, ce qui ne l’est pas est envoyé dans la décharge finale », atteste-t-il. Le vœu le plus cher de Mme Somé est que ce centre soit mis rapidement en service pour leur permettre de valoriser les déchets. Dans sa propre structure, les compétences ne manquent pas. Des femmes ont été formées à la fabrication du compost à partir des ordures collectées.

Un atout qu’elle pourra exploiter à tout moment si la collaboration avec les autres structures n’aboutit pas. « Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, mais ensemble, nous pouvons améliorer la situation », pense-t-elle. Banfora pourrait briller dans le domaine de l’économie circulaire mais à une condition : éduquer, former et investir massivement dans la gestion des déchets.

Lassina Gninmin, un agent de la SOSUCO à la retraite, dit jeter ses ordures dans la nature par faute de moyens.

Actuellement, les déchets sont déversés dans la nature. La décharge finale est située à quelques mètres seulement du centre de tri nouvellement construit. La nature en souffre. Là où sont déposés les déchets, la verdure est absente. Les bouteilles et les sachets entravent les végétaux de pousser. Un producteur agricole tente sa chance en semant sur la décharge publique. Mais les plants sont tapis au sol.

La gestion des déchets à Banfora est un défi collectif. Les habitants, les autorités et les associations doivent continuer à travailler ensemble. La sensibilisation et la valorisation des déchets sont des clés essentielles pour un avenir durable. Le combat continu avec détermination pour une ville plus propre et agréable à vivre.

Ouamtinga Michel ILBOUDO
omichel20@gmail.com


 

Banfora doté de 25 tricycles

Dans le cadre de l’assainissement, la commune de Banfora a bénéficié d’un soutien de taille. Il s’agit de celui du Président du Faso, Ibrahim Traoré. A travers l’initiative présidentielle, la commune a eu 25 tricycles pour faciliter le ramassage des ordures. La commune a également reçu cent brigadiers, engagés dans les travaux d’assainissement de la ville. Curage des caniveaux, nettoyage des lieux publics, entre autres, sont leurs domaines d’intervention. La commune dispose d’une tractopelle et d’une benne pour enlever les ordures. Leur capacité est d’environ huit voyages par jour. A en croire Biema Tou, le transport des déchets ne pose pas problème. Le plus gros souci, ce sont les moyens financiers.

O.M.I.