Quand je pense à l’avenir des tous ces mômes de cinq ou six ans dans notre jungle, je me demande ce qu’on leur laissera demain, dans dix ou 20 ans. On ne lègue pas à sa progéniture une case sans toiture, une cour sans clôture. On ne confie pas ses brebis aux fauves au pelage mauve. Quand je vois cette ribambelle de mioches s’ébattre en chantant sans souci, dans la poussière de l’enfance éphémère, je pleure en silence pour leur naïveté ; pour tout ce qui leur échappe ; je me morfonds et fonds en larme pour tout ce qu’ils ne savent pas aujourd’hui ; pour tout ce qu’ils ne doivent pas savoir pour le moment. Ils ne savent pas ce que c’est qu’une escarmouche, de surcroît une guerre ; ils ne savent pas que le semblable n’est pas une copie de soi, mais un perpétuel inconnu au faciès ondoyant ; ils ne savent pas que l’être humain est un long chemin sans issue. Leur innocence ne sait pas qu’entre le loup et l’homme, il y a seulement une queue de trop. Le reste n’est que similitudes et turpitudes. Soyons des miroirs de contemplation pour nos enfants. Soyons de bons exemples.
Quand j’observe cette jeunesse insouciante dont l’âge est un prétexte, une excuse qui accuse, je récuse le rôle qu’est le nôtre. Quand j’entends cette jeunesse qui perdure dans les voluptés d’une puberté illimitée, je suis dépité. Quand je vois cette relève de mauvais élèves qui peine à s’élever au-dessus de ses propres bévues ; ces fers de lance en bois qui tournent le pouce dans les vapes des drogues en vogue et de l’alcool dans la cour de l’école, j’ai envie de serrer les cols du parent tolérant. Il ne suffit pas de payer la scolarité et les fournitures ; il ne suffit pas de lui donner à manger à satiété matin, midi et soir ; il ne suffit pas de lui acheter la moto de ses caprices, d’assurer son argent de poche ; il faut savoir le bon rôle de père, de mère ; il faut assumer ses responsabilités parentales. Il n’y a rien de pire qu’une jeunesse qui se caresse dans le sens d’une paresse en détresse en se mirant dans des selfies qui font fi des défis de sa vie, ça suffit ! Pour cette jeunesse inutile, je crie au futile et je donne un coup de pied dans le grand vide qui me hante. Notre avenir repose sur des murs en dur qui se fissurent sans fondation. Il faut faire de la jeunesse le fer de lance de l’espoir et non le lit de complaisance des déboires. Il faut aussi rappeler à la jeunesse que ce n’est pas en affrontant les aînés et les doyens qu’on aura les moyens de faire mieux qu’eux. L’effronté qui se croit gaillard en multipliant ses écarts à l’égard du « vieillard » oublie que la vérité n’exclut pas le respect. La vieillesse est une résultante de la jeunesse.
Quand je regarde le sage donneur de leçons se faire prendre à l’hameçon de sa propre ligne de conduite, je me mords les lèvres pour retenir les larmes de l’honneur qui coule. Je doute de la barbe blanche qui éblouit le menton sans éclairer la tête atteinte du tournis. La transmission du témoin entre générations est de plus en plus un leurre ; en chemin, le plus grand ne tient plus le petit par la main ; il le repousse vers l’arrière pour clopiner seul en tête de peloton. Mais la vie est un marathon qui se dispute avec le souffle. L’ambition n’a pas d’âge ; le devoir des aînés est de partager les fruits des années mûres avec les puînés. Parce que chaque génération à l’obligation de céder à la postérité le meilleur de ses possibilités. Au-delà des intérêts égoïstes, chaque classe d’âge a une passe à faire, une mission à remplir. Et le rôle des doyens n’est pas de trembloter au gouvernail, mais d’initier la jeunesse à la relève. A un certain âge, il faut savoir tourner la page et laisser d’autres écrire l’histoire ; il faut savoir quitter, partir et laisser sa place à ceux qui remplacent. On peut bien réussir en faisant cavalier seul, mieux, c’est avec les autres que l’on progresse vraiment.
Clément ZONGO
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