D’origine camerounaise, Nathalie Yamb est connue à travers le monde pour son combat en faveur de l’émancipation des peuples opprimés et contre la domination et l’exploitation. Panafricaniste engagée, la « Dame Sotchi » comme on la surnomme décorée au pays des Hommes intègres lors de l’inauguration du Mausolée Thomas-Sankara, est l’invité de la rédaction de Sidwaya. Reçue dans nos locaux, le mardi 20 mai 2025, elle a abordé, durant plus d’une heure et demi, son combat, la perfidie de l’impérialisme, la lutte de Thomas Sankara, la création de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) et le terrorisme au Sahel.
Sidwaya (S) : Qui est Nathalie Yamb ?
Nathalie Yamb (N.Y.) : Pour répondre à votre question, il faut qu’on sache de quel côté de la rivière on se dresse. Côté Afrique, je ne suis que quelqu’une qui se bat pour l’émancipation de l’Afrique et des Africains pour l’autodétermination, notre dignité, notre souveraineté, pour le progrès afin que les Africains s’enrichissent et non pas les autres. Je suis une personne qui se bat pour faire sortir l’Afrique du marasme dans lequel on la maintient depuis très longtemps.
S. : Pouvez-vous nous parler de vos
origines ?
N.Y. : Ma maman est Suissesse. Mon papa est Camerounais. Je suis née en Suisse en 1969. On y a vécu 8 ans et on est parti au Cameroun d’où mes parents ne sont plus jamais repartis. Donc, ils sont toujours là-bas, ils sont toujours mariés. J’ai ensuite quitté le Cameroun quand j’avais 18 ans pour mes études. Je voulais initialement aller étudier l’interprétariat à Genève en Suisse. J’ai raté un vol et ma vie a pris un autre tournant. J’ai fini par étudier les sciences politiques et communication en Allemagne. Ce sont là, mes origines familiales. Mais, je me considère comme appartenant à l’Afrique toute entière. J’ai beaucoup voyagé de par les différents jobs que j’ai pu occuper et je me suis toujours sentie partout chez moi.
S : Qu’en-t-il de votre parcours profes- sionnel ?
N.Y. : Quand j’ai fini mes études, j’ai travaillé d’abord dans les médias en Allemagne. Enceinte, j’ai décidé de venir accoucher en Afrique parce que moi, je suis venue au monde en Suisse. On n’a pas le choix quand on arrive dans le monde. Mais j’ai décidé que mon fils verrait le jour en Afrique. On a des traditions chez moi, dans ma tribu, où on enterre le placenta. Je voulais enterrer le placenta de mon enfant ici en Afrique. Donc, je suis revenue et je ne suis plus repartie jusqu’en 2019 où on m’a, de façon forcée, expulsée d’Afrique. Mais, entre-temps, mon père m’avait interdite de travailler dans les médias parce qu’il disait qu’avec la bouche et la plume que j’ai, je vais finir très tôt en prison, alors qu’eux, ils n’auront pas les moyens de me faire sortir. Donc, je me suis orientée vers la filière communication – publicité. A mon retour, après mon accouchement, j’ai travaillé quelques années dans ce domaine. Ensuite, j’ai travaillé dans le parapétrolier et j’ai été embauchée dans une toute autre filière comme directrice des ressources humaines d’une société qui s’appelle MERSC.

De là, j’ai été expatriée vers le Nigeria, toujours en tant que directrice des ressources humaines de la filiale de MERSC qui gère les ports et qui s’appelle APMT. Après, j’ai été débauchée par MTN, une société de téléphonie mobile sud-africaine, qui m’a envoyée en Côte d’Ivoire pour être directrice des ressources humaines et de la communication. Au bout de deux ans, j’ai été promue directrice des ressources humaines de la zone Afrique de l’Ouest, Afrique centrale, qui couvrait les pays comme le Nigeria, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Bénin. C’est de là qu’en 2015, je me suis lancé à plein temps dans le combat de l’émancipation de l’Afrique et de l’éveil des consciences. J’ai l’habitude de dire que je me suis entrainée à changer les cultures et les mentalités à l’intérieur du monde entrepreneurial, et quand j’étais prête, je me suis donnée le challenge d’aller maintenant sur un plan plus large.
S : Vous avez été expulsée de la Côte d’Ivoire en 2019. Comment cela est-il arrivé
et comment avez-vous ressenti cette expulsion ?
N.Y. : J’ai pris le chemin de nos aïeux, des esclaves qu’on venait chercher de force ici. C’est un peu ce que j’ai ressenti quand on m’a mise dans l’avion. Quand j’ai quitté MTN au Ghana, je suis revenue en Côte d’Ivoire et j’ai décidé de me lancer dans le combat politique, mais surtout dans le combat d’émancipation. A l’époque, je croyais encore qu’on pouvait passer par le chemin politique pour le faire et j’ai aidé le professeur Mamadou Koulibaly à créer un parti politique dénommé Liberté et démocratie pour la république (LIDER), dont on se moquait en disant que ce n’était pas un parti, mais une école, une université parce qu’on mettait beaucoup l’accent sur la formation, les projets idéologiques aux militants.
Mais, cela nous semblait plus important qu’autre chose. Et quand on a créé ce parti politique, j’ai commencé à devenir vocable. J’étais très impliquée dans la formation, j’étais aussi dans la communication. J’étais la conseillère exécutive du professeur Koulibaly et donc je n’étais pas vue d’un bon œil par le pouvoir en place à Abidjan. Mais, ils m’ont tolérée, on va dire, pendant quelques années. Lorsque j’ai été invitée à prendre la parole au sommet Russie-Afrique à Sotchi, en 2019, on avait tous sept minutes pour parler. Moi, j’ai touché du doigt les trois problèmes qui me semblaient être les piliers de la domination française ou de la soumission africaine, à savoir la présence des bases militaires françaises, la mainmise diplomatique ou l’aliénation, la tutelle diplomatique dont on fait l’objet et puis le Franc CFA. Et ce discours, dans ce contexte, sur une scène internationale, a très visiblement déplu aussi bien aux autorités ivoiriennes qu’aux autorités françaises. J’ai été accostée par un membre de l’ambassade de France dès la fin de mon intervention où il disait que je ne pouvais pas seulement accuser la France. Je lui ai dit que je n’avais pas accusé la France seulement, mais la France et ses laquais africains. C’est un discours que je portais depuis tellement longtemps. Je l’ai porté en Côte d’Ivoire et ailleurs. Pour moi, c’était du Business as usual (ndlr, les affaires comme d’habitude). C’est après que je me suis rendue compte que ce n’était pas que cela. C’est parce que je portais ce discours ailleurs qu’on m’a invitée à prendre la parole à Sotchi.
Quand je suis arrivée à Abidjan, je vois comment les gens commencent à m’interpeller. Déjà à l’aéroport, vous savez d’habitude, quand j’allais quelque part avec le professeur Koulibaly, c’est moi qui prenais les photos au point que c’était donc très rare d’avoir des photos de moi. Mais , quand on arrive à l’aéroport d’Abidjan, subitement on me dit, c’est vous la dame de Sotchi ? Je n’avais pas vu que cela avait fait le tour parce que je n’étais pas connectée depuis ce temps. Donc, on demandait même au professeur Koulibaly de nous prendre en photo, eux et moi. C’est là où je me suis dit qu’il y a peut-être un truc qui va arriver et que ça va peut-être causer quelques changements dans ma vie. Mais, je ne savais pas l’ampleur que cela allait prendre ni la forme. Puis, je l’ai découvert deux mois plus tard quand un jour j’avais une réunion au parti. Il se trouvait que j’avais été invitée par l’équivalent du Conseil économique et social de la Russie pour venir parler de la réforme foncière et alimentaire, agraire de LIDER. J’étais donc allée déposer mon passeport camerounais à l’ambassade de Russie pour un visa. Je sors de là et j’avais rendez-vous à 14h au parti. Ce n’était pas très loin mais je n’avais pas vraiment envie d’y aller. J’appelle le professeur, je lui dis : bon vraiment prof, est-ce que tu ne peux pas faire le rendez-vous seul ? Je vais aller faire d’autres trucs. Il dit qu’il n’y a pas de problème. J’appelle une copine pour lui demander ce qu’elle voulait, parce que j’allais faire quelques courses. Elle me dit, des biscuits au chocolat noir. Je n’avais jamais acheté des chocolats mais ça m’a sauvé. Donc, le fait que j’aille acheter les chocolats a fait que je ne suis pas allée au parti. Quand le professeur Koulibaly a fini sa réunion, à peine il est parti, six voitures de police sont arrivées en disant : où est Nathalie Yamb ? On est venu la chercher. Je reçois un coup de fil de quelqu’un qui murmure : la police est là. J’ai dit mais parle fort, qu’est-ce qu’il y a ? Il répond que la police est là et elle me cherche. J’ai demandé : moi ? Qu’est-ce qu’il se passe ? J’ai appelé le professeur Koulibaly pour lui dire que le siège m’a appelé pour me dire que la police est là-bas pour m’arrêter. Il est reparti au siège pour leur demander de quoi il s’agissait. Comme ils ne veulent rien dire, il leur dit que le siège est une propriété privée et qu’ils devaient venir avec une convocation officielle. Donc, ils sont partis et sont revenus après 30 minutes pour déposer une convocation afin que je vienne répondre trois jours plus tard. Dès que la convocation a été réceptionnée, les gens du parti l’ont mise sur les réseaux sociaux. Le vendredi est un très mauvais jour. Il faut toujours esquiver le vendredi. C’était vendredi, donc j’ai compris que ce n’est pas bon. Le lundi matin, je me suis rendue à la préfecture de police où ils m’ont arrêtée immédiatement. Ils m’ont interrogée pendant 11 à 12 heures et le soir, ils m’ont dit qu’ils m’amenaient au ministère de l’Intérieur. Mon avocat a voulu rentrer dans la voiture, ils ont refusé et lui ont dit de les suivre avec sa voiture. Dès qu’ils ont démarré, comme il y avait des gens qui manifestaient devant l’entrée, ils ont pris une autre sortie. J’ai constaté qu’on m’amenait à l’aéroport. C’était le 2 décembre, je n’avais que mon boubou, mes tapettes et mon sac. C’est comme ça qu’ils m’ont expulsée sans papier, sans bagages, sans médicaments, sans rien. Ils m’ont informée que j’étais expulsée vers Genève en Suisse. J’ai dit que je ne vais pas à Genève, je ne connais personne à Genève. J’ai quitté la Suisse, quand j’avais 8 ans. Et puis de toute façon, ma mère est du côté allemand de la Suisse mais les trois sœurs de ma mère sont du côté allemand, on n’est pas du côté francophone. Donc, j’ai dit que je ne vais pas à Genève. Ils ont attendu que tout le monde embarque pour me faire mon check-in. J’ai refusé et la dame du comptoir Air France me connaissait parce que je voyageais souvent dans mes fonctions a dit que le passager refuse d’embarquer et puis, elle leur tend les papiers. Ainsi, ils ont commencé à me supplier.
Je leur ai dit que s’ils veulent m’expulser de la Côte d’Ivoire, de me laisser à la frontière du Ghana et que s’ils sont trop fâchés de m’envoyer au Cameroun, mais pas en Suisse surtout pas en hiver. Mais, ils disent qu’ils vont me prendre en charge à Genève. J’ai dit : vous, vous m’amenez d’ici sans même mes médicaments que je dois prendre tous les jours. Vous ne me laissez pas prendre mes habits, mes papiers, mes diplômes, mes dossiers, mon argent, rien. Et puis vous, vous allez vous occuper de moi là-bas. Donc, finalement, j’ai dit : si vous voulez m’emmener en Suisse par tous les moyens, que ce soit Zurich, au moins là, je sais que j’ai mes tatas. Donc, c’est ainsi j’ai été arrachée à mon écosystème et envoyée de force dans un endroit où je ne voulais jamais aller.
S : Qu’avez-vous ressenti ?
N.Y. : Je crois que ce que j’ai ressenti devait être ce que nos aïeux ressentaient quand on venait les chercher de force. Honnêtement ! J’ai fait le choix de venir m’installer en Afrique, de passer des étapes importantes en Afrique. J’allais en vacances en Suisse peut-être une semaine, chaque année avec mon fils, pour qu’il connaisse ses cousins mais je n’ai jamais envisagé de m’établir en Suisse. A 50 ans, vous êtes indépendante depuis tellement longtemps, vous avez votre vie, vous vous retrouvez à dépendre des gens. Ouattara (ndlr, le président ivoirien) a fait bloquer mon compte bancaire pendant six mois, alors que je n’avais qu’un seul compte bancaire. C’était rude, c’était rude. Je me suis posé la question si je devais revenir immédiatement, parce que je discutais avec le professeur Koulibaly et Jerry Rawlings du Ghana, qui m’ont formée politiquement. Le Président Rawlings m’a dit : tu sais, tout ce qui arrive n’est pas grave. Peut-être que de là-bas, tu vas pouvoir porter la voix, le combat parce que le combat n’était pas encore arrivé en Suisse et en Europe. Parce que dans leurs médias, ils ne s’intéressent pas aux thématiques que nous portons. Par contre, une citoyenne suisse expulsée d’Afrique vers l’Europe, puisque j’ai la double nationalité, ils n’avaient pas vu ça. Donc, cela a fait la Une des journaux, les gens se posaient des questions. J’ai donc décidé de rester un moment. Puisqu’ils ont voulu me casser en m’enlevant de l’Afrique, j’ai décidé de les casser en partant de là où ils m’avaient mis.
S : Donc la douleur est toujours vivace ?
N.Y. : Vous savez, il y a quelques jours, avant que je vienne au Burkina, ma mère au Cameroun me disait : tu as quand même eu beaucoup de chance. Je l’ai regardée et je lui ai dit : comment tu peux dire ça ? Ils ont brisé ma vie quand même à un certain moment. J’avais quitté MTN, j’avais créé un cabinet, j’avais des clients. Je gagnais ma vie, tout cela c’est fini. Il y avait des gens qui travaillaient avec moi, j’avais une vie privée, tout est terminé. Et elle me dit : mais regarde comment tu as rebondi. J’ai réfléchi à ça et je me suis dit que peut-être que c’est de la chance. Peut-être, mais il y a des douleurs qu’on ne pourra pas m’enlever. J’ai ma meilleure amie qui souffrait d’un cancer en Côte d’Ivoire qui est morte. Et je n’ai pas pu aller l’enterrer, alors que je l’ai accompagnée. De plus, j’avais tout mon cercle à Abidjan. Ce n’est pas simple. Mais, une porte se ferme, d’autres s’ouvrent. Et puis, on n’est pas dans la lutte pour se plaindre, on prend les chemins, on essaye de trouver la voie, la mission et on avance. Aujourd’hui, ce sont eux qui pleurent plus que moi, donc ça va.
S : Parlant de l’émancipation de l’Afrique, vous êtes présente à Ouagadougou pour l’inauguration du Mausolée Thomas-Sankara. Que représente Thomas Sankara pour vous ?
N.Y. : Thomas Sankara, c’est une inspiration, c’est l’incarnation d’un combat d’idées qui m’anime et qu’il a porté avant moi, que d’autres ont porté avant lui, mais il avait cette chose spéciale qui a fait que dans sa façon d’être, dans sa simplicité, dans son accessibilité, il nous a marqués. Thomas Sankara est mort quand je venais à peine d’avoir mon BAC, en 1987. On ne le connaissait à l’époque, au Cameroun, qu’à travers les articles des journaux, la radio, la télé. C’était quelque chose d’assez récent encore, il n’y avait pas internet. Donc, on a appris à mieux connaitre Sankara après son assassinat. Pendant qu’il était vivant, à notre âge, on ne suivait pas trop ce qui se passait et plus le temps a passé, plus on s’est rendu compte qu’il avait tout très tôt. Tous ceux qui sont toujours en avance sont souvent très seuls et la solitude est utilisée comme une arme pour éradiquer ceux qui portent des idées. Je suis donc très ravie, honorée qu’aujourd’hui l’Etat et les populations du Burkina Faso et du monde rendent honneur à cette figure qui m’inspire souvent. Vous savez, on a quand même eu la chance d’avoir des discours enregistrés. Quand on les écoute aujourd’hui, on se dit qu’il est avec nous, il est en train de parler des choses qui nous arrivent. Il avait déjà esquissé les solutions, il avait touché du doigt les problèmes qui nous touchent. Que ce soit la dette, la souveraineté, la condition des femmes, l’écologie, il avait tout sur son temps. Il avait une vision globale. S’il y avait eu internet à l’époque, peut-être que le message serait mieux diffusé, peut-être qu’il aurait été moins seul. Donc, Thomas Sankara, c’est une idée, c’est une icône, c’est la meilleure incarnation de notre combat et de nos aspirations.
S : Quelle est la portée du Mausolée de Thomas Sankara qui vient d’être inauguré, selon vous ?
N.Y. : Je pense que le Mausolée et tout l’ensemble du projet est indispensable. C’est indispensable parce que ce n’est pas seulement un lieu de réhabilitation ou d’honneur ou encore de reconnaissance. C’est aussi un lieu de formation, d’apprentissage et de vision. C’est notre façon de ne pas laisser les autres écrire notre histoire, définir nos héros. C’est une façon de prendre en main le narratif de notre destinée. On peut penser que ce genre de projet est superfétatoire, qu’on a dépensé de l’argent pour rien, parce que de toute façon, il y a des livres, mais non. Il faut que nous apprenions à célébrer les gens qui sont tombés au champ d’honneur, pour nous, en portant des idées qu’ils n’ont pas pu concrétiser parce qu’on les a fauchés sur leur chemin, mais dont nous avons repris le flambeau. Ce sera un lieu où il y aura des archives, des salles de réunion, des salles de conférence, des endroits de projection, de grands espaces au dehors pour les étudiants. L’idée c’est de mettre du wifi partout pour que les gens puissent venir s’asseoir et se régénérer, se focaliser, se concentrer, méditer. Pour moi, c’est aussi un outil extrêmement puissant pour mettre du baume au cœur des familles. On parle beaucoup de Thomas Sankara, mais ils étaient 13. Il y avait 12 autres personnes qu’on doit aussi apprendre à connaitre. Donc, ça met du baume au cœur. C’est vrai qu’au sein de la famille Sankara, il y a eu des tiraillements, mais avec le Président Rawlings et le professeur Koulibaly, on a essayé de faire des médiations ici et là. Quand je suis venue au Burkina en 2017 et que j’ai parlé au stade, j’ai dit que Thomas Sankara n’appartient plus, ni à une famille, ni même à un pays. Il nous appartient à tous. Donc, à un moment donné, il faut savoir lâcher quelqu’un qui, c’est vrai, était votre époux, votre frère, votre père, votre cousin, mais, il appartient au monde. Vous n’avez plus la main sur ce qu’on doit faire. Moi, personnellement, je trouve que l’Etat nous a mis à disposition ce site-là qui est très symbolique. Là où on l’a tué, on est en train de laver, d’essuyer la honte, la violence qui a été diffusée sur place en 1987 et on en fait un lieu de célébration, d’apprentissage, de formation, de pérennisation des idées qu’on a voulues éradiquer mais qui continuent. C’est hyper important pour moi et cela me donne même la chair de poule quand j’en parle.
S : Quel appel avez-vous à lancer à l’endroit de l’Afrique et le reste du monde pour la réussite de ce projet ?
N.Y. : J’appelle tout le monde à contribuer de différentes façons. Quand nous étions venus en 2017, nous avions lancé une collecte de fonds. Je pense qu’il faut relancer ce genre d’action parce que nous sommes à une étape concrète qui a été atteinte. La première fois que la statue a été dévoilée, ce n’était pas conforme. Il a fallu la reprendre et après la statue, nous avons maintenant le mausolée. Les choses avancent. L’architecte l’a dit, le projet ne se fera pas aussi rapidement. Il faudra à chaque étape, nous mobiliser à travers des contributions financières, des contributions médiatiques pour faire connaître le projet. J’invite tous les Africains d’ici et d’ailleurs à faire le déplacement et à payer leur ticket pour visiter le mausolée. Nous avons vu des mausolées ailleurs dans le monde, surtout en Afrique, qui sont délaissés. Ce mausolée doit être entretenu car il est non seulement un outil puissant pour notre combat, mais aussi une source de revenus pour l’Etat du Burkina. Ce lieu va devenir une attraction, comme la tour Eiffel, le panthéon. Les gens vont venir, et vous avez la chance aujourd’hui d’avoir à la tête du pays quelqu’un qui développe un statut de Rockstar et qui est même connu au tréfonds des États-Unis où des gens parlent du Burkina Faso, Ibrahim Traoré. Ils ont de l’argent pour venir au Burkina et visiter le mémorial. J’appelle donc tout le monde a vraiment soutenir le mausolée.
S : Vous avez été décorée Chevalier de l’ordre de l’Etalon, alors qu’ailleurs vous êtes réprimée. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
N.Y. : Cela représente la réalité du combat dans lequel nous sommes. Il y a ceux qui se battent pour sortir d’un carcan et puis, il y a les relais du carcan. Tout le monde n’a pas encore compris que ce combat, nous ne le faisons pas pour nous. Ce combat est pour nos enfants et ceux qui vont naitre. Nous sommes dans un monde qui est encore formaté par les autres. Nous essayons de le remodeler, de reconstruire. Nous avons une chance de créer la première génération de Burkinabè ou d’Africains qui viendra avec un narratif complètement reformaté, réécrit par nous-mêmes. Aujourd’hui, nous sommes dans la division historique. J’ai été expulsée en 2019 de la Côte d’Ivoire. Les mêmes qui m’ont expulsée sont ceux qui aujourd’hui continuent de donner des bases militaires aux Français et aux Américains chez eux, pour continuer de se projeter, pour déstabiliser le Burkina Faso et l’AES. L’essentiel c’est de s’assurer que ceux qui nous expulsent soient la minorité et ceux qui nous décorent soit la majorité.
S : Les fake-news vous avaient déjà nommée ministre d’Etat au Burkina Faso. Comment vous interprétez cela ?
N.Y. : C’est tellement gros. Vous vous demandez quel est le but recherché, parce que cela parait ridicule. En cherchant, j’ai compris le but qui était recherché. Il s’agit de toujours diviser pour régner. Aujourd’hui, il y a des gens qui sont au front, qui se sacrifient beaucoup. La situation est difficile pour les soldats, leurs familles et les populations, même dans l’espace AES. Et quand on fait cette sorte de fake news, le message c’est de dire : vous voyez ? Nous nous souffrons ici et ceux qui viennent du dehors sont décorés. J’ai même vu que les fakes news disaient que j’avais un salaire mensuel de 5 millions F CFA, une villa, huit gardes du corps et cinq voitures. L’objectif est d’exacerber la rancœur, de créer des divisions et aussi de détourner l’attention de ce qui était l’essentiel. L’essentiel, c’était l’inauguration du Mausolée Thomas-Sankara. J’ai d’abord laissé comme ça et après, je me suis dit qu’il faut quand même réagir sinon ça va continuer. C’est surtout la nuisance, le fait qu’on ne se focalise pas sur l’essentiel. Il y avait la riposte des FDS qui se faisait et qui amenait du succès et l’inauguration du mausolée. Il y a vraiment d’autres sujets.
S : Peut-on dire que les fake news sont utilisés comme une arme ?
N.Y. : C’est une arme. C’est vraiment la communication. Lorsque j’ai été reçue par le chef de l’Etat, il a vraiment insisté là-dessus. Je ne cesse de le dire. La communication et l’information sont des armes de guerre. Il y a les missiles, les drones, les chars, les kalash. Mais, il y a la communication et l’information. Vous pouvez démobiliser les gens dans un pays juste à travers la façon dont les nouvelles leur arrivent. Il est important de se doter d’instruments crédibles, fiables et puissants pour gérer ce domaine de la guerre. Il y a la guerre militaire, la guerre économique, la guerre informationnelle et communicationnelle. C’est un outil de propagande. Il ne faut pas qu’on ait honte de le dire. Il faut que nous fassions notre propre propagande, parce qu’eux, ils font leur propagande. RFI, c’est la propagande française. TV5, c’est la propagande occidentale. France 24, c’est un instrument de propagande qui a pour tutelle le Quai d’Orsay. Nous ne devons pas nous gêner, nous allons dire notre vérité. Nous allons analyser une situation sous notre prisme. Peut-être que nous n’avons pas raison. Peut-être que dans certaines analyses, nous pouvons nous tromper. Nous sommes des humains. Nous ne devons pas nous gêner de faire savoir notre point de vue. Nous allons célébrer nos victoires. Nous allons avoir un narratif qui va permettre aux populations de rester mobilisées, de ne pas se dire que tout est perdu. Le Président est très conscient de cela. Je pense qu’ici au Burkina, il y a beaucoup de choses qui se font. L’AES est un triptyque aujourd’hui. Et je crois qu’il y a une nécessité de faire que tout soit au
même niveau en termes de guerre communicationnelle et informationnelle. Les médias étrangers occidentaux ont un rôle fondamental à jouer. C’est par là que toute l’intoxication passe. Les fameuses personnes qui nous expulsent, qui se battent contre les intérêts de leur pays, ont été intoxiquées. Elles ont été intoxiquées d’abord par l’école. Nous sortons tous d’un système où on nous a appris ce qu’on voulait nous apprendre. On nous a dit ce qu’on voulait nous dire. Et même sur les périodes qu’eux-mêmes savent sales de leur point de vue, ils nous apprennent juste ce qu’ils veulent. Nous arrivons donc à l’âge adulte en ayant déjà une certaine vision du monde où eux sont puissants et nous avons toujours été ceux qui ont été dominés. Nous avons toujours été pauvres. Mais, si nous étions pauvres déjà à l’époque, pourquoi ils se sont battus pour venir chez nous ? Si nous sommes pauvres aujourd’hui, comme ils le disent tous les jours, qu’ils nous laissent dans notre pauvreté. Nous avons existé, nous étions organisés, nos sociétés fonctionnaient. Nous avions des royaumes, des cantons, les gens communiquaient, avaient des activités commerciales. Quand vous parlez aux jeunes aujourd’hui, c’est à travers les médias, l’internet que cette information leur remonte et suscite leur curiosité. Donc à l’école, ils nous ont formatés et dans la vie de tous les jours, ils nous formatent aussi avec les médias, avec les télés, avec les radios. Durant la période où j’étais dans la politique en Côte d’Ivoire et conseillère exécutive du professeur Mamadou Koulibaly, on nous empêchait d’aller dans les médias mainstream, les médias d’État que sont Fraternité Matin et RTI, alors que, comme tout citoyen, nous payions la redevance. De même, les médias français, je veux dire RFI, France 24, TV5 ne nous calculaient jamais, et ne nous ont jamais donné la parole. Et c’est comme cela que je me suis résolue à créer une page Facebook pour le parti afin de communiquer par ce canal. Aujourd’hui, ils se plaignent parce qu’on a 2,8 millions de personnes qui nous suivent. Mais on a commencé avec zéro abonné. On les a laissés dans leur chasse gardée et on s’est approprié ce qu’ils négligeaient à l’époque. De nos jours, ils disent qu’eux aussi vont créer leurs médias pour venir nous retrouver chez nous, parce qu’ils ont vu que leurs médias ne sont plus crédibles, alors qu’ils ont toujours besoin de continuer à diffuser et à nous dresser les uns contre les autres. C’est pour cela que nous avons besoin de construire notre armée d’information et de communication. Nous avons besoin de contraindre les gens qui veulent avoir la bonne information de venir chez nous. A l’époque, si je disais quelque chose, on va dire : on attend puisque Jeune Afrique ou RFI n’a pas encore dit, donc on ne croit pas. Mais aujourd’hui, ce genre de réflexe commence à disparaître petit à petit. Et c’est une bonne chose.
S. : Les fake news, les campagnes de dénigrement contre les pays de l’AES, est-ce qu’il fallait s’y attendre ?
N. Y. : Bien sûr. Il faut continuer de s’attendre aux campagnes de dénigrement, aux attaques et la recrudescence des attaques. Chaque fois où ils s’en vont, ils s’arrangent pour donner encore plus de moyens à leurs supplétifs terroristes pour que, quand ils partent, les gens disent depuis qu’ils sont partis c’est encore devenu pire. C’est toujours comme cela. Les fakes news bien sûr parce qu’ils veulent faire peur. Les fake news peuvent nous faire rire mais ça décourage les investissements. Les gens se demandent quand ils regardent de loin le Burkina, le Mali et le Niger, est-ce que la Transition va durer ? Déjà ce terme transition, vous avez été les premiers (Ndlr, le Burkina Faso) à le bien balayer. Nous plaidions depuis pour cela, parce que tant que vous restez avec l’étiquette de la transition, tout le monde se demande si les choses ne vont pas changer s’ils investissent. Donc, c’était essentiel de balayer cela. Les gens qui viennent pour investir ou pour faire du tourisme, ça apporte de l’argent, ça apporte des devises. Et ces gens qui repartent, deviennent autant de communicateurs bénévoles pour le Burkina Faso ou les pays de l’AES. Lorsqu’ils viennent et voient comment ça se passe, ils vont faire leur live Tik-Tok, ils vont poster leurs photos Instagram, on va voir que c’est joli, les gens sourient, les gens ne sont pas en train de se cacher derrière des sacs de sable pour fuir les bombes et donc ça va attirer d’autres gens et contribuer à déconstruire leur narratif. Donc, c’est normal qu’ils dénigrent nos pays, c’est normal qu’ils les attaquent. Il faut que chacun soit vraiment préparé mentalement, soit alerte et fasse preuve de discernement et de vigilance par rapport à toutes les informations qui arrivent.
S : Qu’est-ce que les pays de l’AES doivent faire pour riposter ?
N.Y. : Ils doivent s’unir, c’est vrai qu’ils sont déjà unis en Confédération, mais il faut solidifier l’union. Aujourd’hui, vous pensez que si vous attaquez et que vous arrivez à faire tomber l’un d’entre eux, les autres vont s’écrouler. Parce qu’on a 18 millions d’habitants ici, 25 millions là et ainsi de suite. Mais si on se met ensemble et qu’on arrive à un Etat fédéral avec une seule armée, un seul budget, un seul espace aérien, ce n’est pas un seul pays que vous devez contourner mais 2,4 millions de km2. Cela implique aussi qu’au lieu de faire six heures entre Paris et Libreville par exemple, Air France qui n’a pas accès à l’espace aérien de ces trois pays, doit contourner ce grand espace en trois ou quatre heures de vol supplémentaire. Cela coute cher en carburant et constitue une perte de compétitivité pour les passagers qui vont se dire qu’ils préfèrent perdre moins de temps pour leurs déplacements. C’est une véritable guerre de survie qui se joue. Soit c’est eux, soit c’est nous. Dans cette guerre, il faut être manichéen, on ne peut pas être neutre. Si tu es neutre, tu es avec l’adversaire parce que c’est une guerre et c’est notre survie qui est en cause.
S : Vous êtes connue pour votre position tranchée contre la présence française en Afrique. Alors qu’est-ce qui vous dérange tant dans cette présence ?
N.Y. : Tout ! La matrice de la colonisation en Afrique a toujours été l’armée. Même à l’époque de l’esclavage, c’était l’armée. Les hommes en armes sont venus et puis après les religieux, les missionnaires, mais tout ce qui a maintenu la colonisation, qui a maintenu la néo colonisation aujourd’hui, qui maintient la France Afrique, c’est l’armée, le fait qu’ils aient des présences militaires dans nos pays. Si vous remarquez bien, les communautés expatriées, quand ils étaient encore chez eux ici, ils se retrouvaient au mess des officiers. C’était leur sécurité. Donc faire partir l’armée, c’est vraiment remettre en cause la solidité de leur présence et ce n’est pas pour rien que deux chefs d’Etat-major des armées ont démissionné sous Emmanuel Macron en France, parce que sa façon de faire ne peut pas aller avec la façon de l’armée. L’armée est consciente que c’est elle qui tient l’Afrique sous ses griffes. Ces deux démissions ne sont pas négligeables. Vous entendez ces derniers temps, des généraux français à la retraite et ceux qui sont même en activité, dire qu’il faut revenir en Afrique. Parce que si l’armée ne revient pas, la France n’a aucune chance de gagner une compétition. Vous savez ce qui fait peur à la France, c’est la mise en compétition. Tout leur modèle d’enrichissement, de prospérité, de croissance a été basé sur la gratuité des ressources disponibles en Afrique ou sur le monopole qu’ils ont. Et qu’est-ce qui peut leur assurer la gratuité et le monopole ? C’est l’armée ! Donc si vous enlevez l’armée, vous remettez en cause déjà les gardiens du modèle et ceux qui effraient les gens. C’est pour cela que quand les revendications de départ de l’armée française commencent à venir, ils ont appuyé tout ce qui est terrorisme, parce qu’à défaut que ce soit eux, il faut que ce soit d’autres qui aient des armes et qui effraient. L’essentiel c’est d’effrayer, parce qu’ils veulent avoir accès aux ressources, les prendre quand ils veulent, ou les acheter pour des broutilles s’ils sont trop gentils. Donc l’armée française est vraiment le cœur de l’appareil de nuisance de la France en Afrique. La fragiliser, c’est fragiliser la France. Mais après, il faut que nous aussi on se renforce, parce que si on attend, ils ont les moyens. Quand ils ne sont plus visibles par l’armée, ils prennent les terroristes, ils envoient la DGSE. Maintenant, ils ont bien compris que les politiques aujourd’hui n’ont plus de crédibilité auprès des populations africaines. Ils passent par la jeunesse, la musique, la culture, la diaspora. Donc, oui, tout me dérange dans l’armée française.
S : Ces dernières années, des bases militaires de pays occidentaux, notamment de la France et des Etats-Unis sont fermées au Sahel. A votre avis, leur présence était-elle un frein à la lutte contre le terrorisme ?
N.Y : Les bases militaires sont celles qui équipent les terroristes. Donc, tant qu’elles sont là, elles les protègent. On a vu cela au Mali. Ils ont protégé Kidal, ils ont empêché les gens d’y entrer. Les bases militaires sont là soit pour protéger les terroristes, soit pour leur faire parvenir des informations, des armes. Et quand ils partent, ils leur donnent un peu plus de moyens pour donner l’impression que maintenant qu’ils sont partis, c’est encore pire. Mais nous avons tous vu le cas du Mali. Heureusement que le temps c’est l’autre nom de Dieu. Nous avons vu dernièrement le nouveau Président syrien Abou Mohammed al-Joulani, qui se fait maintenant appeler Ahmed al-Charaa, se faire prendre dans les bras par Emmanuel Macron. Nous l’avons vu poser à côté de Donald Trump. C’est donc tout ce que nous disons depuis des années, que ce sont les Occidentaux qui financent le terrorisme. Aujourd’hui, c’est assumé. C’est l’employeur et l’employé, ou les employeurs et les employés.
S : Vous êtes aussi accusée d’être un élément de la propagande russe en Afrique. Que répondez-vous ?
N.Y : Ces critiques, souvent j’en riais au départ. Et puis ça a commencé à m’énerver un peu par la suite, parce que je trouve que c’est une expression de dénigrement et de racisme. On veut dire que l’Africain ne peut pas se battre lui-même pour sa propre cause. L’Africain, dans le regard de ceux qui propagent ce genre de narratifs, a pour vocation d’être une marionnette. Et que si, nous ne sommes pas les marionnettes de la France, nous devons être les marionnettes d’une autre puissance. Ils ne nous considèrent pas suffisamment pour que nous soyons, nous-mêmes, des pro-Afrique. Parce que l’Afrique n’est rien. Nous sommes des sous-hommes. Quand j’analyse la chose plus en profondeur, on veut dénier aux Africains qui se battent pour l’Afrique la capacité de le faire.
S : On infantilise les Africains ?
N. Y : On nous infantilise, on nous chosifie. Au point qu’ils pensent qu’on ne peut pas réfléchir nous-mêmes, penser quelque chose de nous-mêmes et nous battre pour cette chose. Parce que c’est quelqu’un qui a décidé. Et si ce n’est pas pour les intérêts de ceux-là, ça doit être pour les intérêts de ceux-là. Quand j’ai parlé en Russie la première fois au Sommet Russie-Afrique, dans mon discours de 7 minutes, j’ai dit qu’on n’est pas là pour chercher à remplacer les anciens par les nouveaux maîtres. Nous sommes là parce que nous voulons être nous-mêmes les propriétaires de l’Afrique. Et nous cherchons des gens qui vont nous respecter et qui vont respecter les intérêts que nous défendons. Je suis retournée en Russie, j’en ai parlé. A chaque fois, je suis très décomplexée. C’est moi qui rappelle même souvent aux gens que ce n’est pas eux qui sont venus faire notre palabre. Ils ne nous aiment pas parce que ce n’est pas leur rôle de nous aimer. C’est notre rôle de nous aimer. Ils nous aident. Historiquement, ils nous ont toujours aidés. Donc je pense que les gens qui disent que la Russie est le nouveau maître, sont des ignorants. Il faut leur apprendre l’histoire. En 1884-85, ils étaient 14 à Berlin à la fameuse conférence. Il y avait la Russie. Quand on a partagé l’Afrique, ils ont dit que ça ne les intéresse pas. Eux, c’est l’Europe et l’Asie qui les intéressait. Quand il y a eu les luttes d’indépendance, l’Union soviétique a aidé les mouvements indépendantistes. Mais quand elle a fini de nous soutenir et que les indépendances sont arrivées, elle n’a pas exigé de mettre ses bases militaires ou ses sociétés dans tel ou tel pays. Non, ils nous ont aidés. Ils sont des camarades. Aujourd’hui, ils nous aident parce qu’ils se rendent compte que dans le monde qui est en train de se reconfigurer, ils ont besoin aussi d’avoir des alliés. Il faut qu’on les considère aussi comme nos alliés. La Russie, c’est le pays le plus vaste du monde. Et quand on parle du réchauffement climatique, cela signifie que toute la partie de la glace en Russie va fondre. Ça va faire des milliards d’hectares de terres arables, de ressources qui seront accessibles. Donc la Russie est sereine. Elle n’a pas besoin de venir chercher nos ressources. Maintenant, si tu laisses ta chose, quelqu’un prend. C’est à nous de savoir défendre nos intérêts.
L’alliance stratégique n’est pas toujours armée ou militaire, il y a d’autres secteurs. Il faut que nos dirigeants exigent de nos alliés stratégiques qu’ils soient stratégiques aussi sur le plan de l’influence. Parce que dans le monde qui est en train de se reconfigurer, il ne faut pas se blaguer, ils vont de nouveau s’asseoir pour se partager l’Afrique. Si la Russie est notre allié stratégique, là où on parle de l’AES parce que c’est cette organisation qui est dans leur ligne de mire, qu’elle nous défende. C’est une partie de l’alliance stratégique que l’on doit exiger de la Russie. J’étais en Russie en 2021, 2022 et 2023. On m’avait demandé d’aller parler à la Douma (l’Assemblée nationale) et je leur avais demandé d’ouvrir les archives parce que pour vraiment connaitre le passé, on a besoin d’avoir des éléments scientifiques pour déconstruire le narratif actuel. On a fait la conférence de Yalta, la guerre mondiale est finie, Bretton Woods a été créé, tout ce qui se fait comme petite magouille dans les couloirs de la Banque mondiale, du FMI, vous étiez présents et avez vu. Donc il faut nous décrire tout ce qui s’est passé pour que nous puissions établir une cartographie des pièges, des manœuvres, et que nous développions nos réponses à cela. Quand je parle ainsi, c’est pour que nos dirigeants écoutent et se saisissent de l’idée. C’est eux qui peuvent être dans l’action. Je ne peux pas aller exiger quelque chose, mais je leur donne des idées. On éveille les consciences de tout le monde, que ce soit les populations des villages et des villes. Ceux qui veulent écouter, écoutent. Ceux qui ne veulent pas, libre à eux.
S : Le Burkina, le Mali et le Niger ont claqué la porte de la CEDEAO pour créer l’AES. Comment appréciez-vous cette décision ?
N.Y : J’ai dansé quand j’ai appris la nouvelle. Cela fait au moins 3 à 4 ans que je demandais cela, si vous regardez mes vidéos. En fait, quand le coup d’Etat est arrivé au Mali, la façon dont la CEDEAO a gelé les avoirs, ça faisait longtemps que je savais qu’elle n’avait aucune utilité et était un instrument aux mains de ceux qui la financent, c’est-à-dire les étrangers. Mais lorsqu’il y a eu trois pays et que l’outrance de la dénaturation des objectifs de la CEDEAO a atteint leur point culminant avec le Niger et la décision d’attaquer militairement un pays membre, je pense qu’à ce moment, les planètes étaient alignées. Ce n’était plus un seul pays, mais trois qui sont géographiquement dans le même espace, des voisins, donc qui peuvent se protéger.
Pour moi, c’est un soulagement, cette alliance était nécessaire parce qu’elle a signé l’acte de décès de la CEDEAO. Elle est une organisation qui a été créée pour une intégration économique et non pour des questions politiques. Les pères fondateurs de la CEDEAO étaient pour la plupart des militaires, des putschistes. Donc, on ne peut pas utiliser cet instrument pour chasser les putschistes. Pourtant autour de la table de la CEDAO, déjà, il y a beaucoup de putschistes, qu’ils soient en costume ou autre. Quand ils ont commencé à politiser la CEDEAO, c’était fini pour cette organisation. Les putschs sont des affaires intérieures des Etats. Ils concernent plutôt les populations. Non seulement, les autres s’en mêlent mais ils laissent une puissance extérieure mobiliser 2 000 soldats français, déployés en Côte d’Ivoire pour intervenir. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est eux dans leurs auditions devant l’Assemblée nationale française qui disent qu’il y avait 2 000 soldats français qui sont arrivés à Abidjan pour envahir un Etat souverain. Après, ils veulent revenir, comme si rien ne s’est passé.
S : Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko disait sur la télévision nationale du Burkina que si c’était le Nigéria qui était à la place du Niger, la CEDEAO n’allait jamais chercher à intervenir …
N.Y : Mais c’est le rapport de force parce que le droit international est mort. Et c’est ce qui est bien quand même avec la guerre en Ukraine. Elle a apporté deux choses à mon avis. D’une part, cela a mis fin à l’hypocrisie. L’hypocrisie est terminée parce que nous, on a le terrorisme ici, mais on n’a jamais vu des gens dire : prenez, on vous donne des armes, des missiles… Mais pour la guerre en Ukraine, très rapidement, on a vu les soutiens venir de partout. Pourtant, nous n’avions pas besoin d’eux mais seulement des armes. Et le reste, ce sont nos soldats qui vont aller faire la guerre. Même nos pays africains ne font pas ça. Mais au finish, c’est nous qui commençons à devenir les plus grandes armées dans l’AES.
D’autre part, la guerre en Ukraine a aussi acté la mort du droit international. Le droit international n’existe plus ! C’est désormais la loi du plus fort. Il faut donc que chacun s’attelle à devenir fort ! Et pour devenir fort dans l’AES, il faut que les trois pays deviennent un pays.
S : Comment expliquez-vous la tentative de médiation pour ramener ces pays-là au sein de la CEDEAO ?
N.Y : C’est le chagrin d’amour (rires !). Quand quelque chose a été créée pour 15 et que subitement, vous enlevez trois, elle ne fonctionne plus même comme ça devait fonctionner ! Quand vous intégrer un nouveau pays dans une union, il y a tout un travail préalable qui doit être fait, car tout doit être recalculé. La CEDEAO est une entité sous régionale parmi des dizaines d’autres. Le conseil de l’entente, où on fait le mémorial Thomas-Sankara est une entité qui existe toujours. Il y a plein d’organisations sous régionales sur le continent ! Ils ont voulu faire peur aux populations avec la question de la liberté de circuler, en disant : vous allez voir, vous allez perdre. Mais on est encore dans l’UEMOA, la liberté de circuler existe aussi dans le cadre de l’accord de l’UEMOA. Cela ne va rien changer avec les autres pays de la CEDEAO. Mais, il y a aussi les relations bilatérales, les accords africains comme la Zone de libre-échange continental africain (ZLECAF). Même au niveau économique, on n’a pas à avoir peur. Notre travail est de gommer les traits, les frontières que les autres ont tracés à Berlin.
S : Les pays côtiers ont laissé les pays du Sahel faire face au terrorisme. Mais aujourd’hui, eux aussi sont attaqués par les terroristes. Quel est le message à l’endroit de ces pays ?
N.Y : Il faut qu’on apprenne de l’histoire, qu’on sache que tu as beau avoir la plus belle maison, si le voisinage est sale avec des mauvaises odeurs, des bandits, tu ne vas pas vivre en paix dans ta maison. Tu ne dois donc pas seulement te focaliser sur toi-même. Tu dois aussi t’arranger à ce qu’il y ait la paix dans tout le voisinage. D’un point de vue historique, ceux qui font le terrorisme aujourd’hui, ce sont ceux qui ont colonisé et qui sont descendus après au Maghreb. C’est la même racine qu’Al-Mourabitoun. Ils ont arabisé le Maghreb et sont maintenant au Sahara, au Sahel. Ils ne vont pas s’arrêter tant qu’on ne les bloque pas. Et ceux qui se réjouissent de nos malheurs verront les terroristes devant et derrière l’océan. Le terrorisme, c’est un monstre. Quand vous créez un monstre, il peut changer et attaquer une autre cible que ne lui est pas destinée. La CEDEAO aurait dû mobiliser des moyens pour finir avec le terrorisme à travers l’envoi de contingents de soldats au lieu de chercher à agresser le Niger. La force d’attente de la CEDEAO nous donne des coups dans le dos, or nous sommes un rempart. L’AES est dans la bonne direction mais les tentatives de déstabilisation ne manquent pas.
S : Récemment le général américain Michael Langley a accusé le capitaine Ibrahim Traoré de se servir de l’or du pays au détriment du peuple. Comment avez-vous accueilli ces accusations ?
N.Y. : Je pense que c’est très symptomatique de ce que les USA cherchent au Burkina Faso. Ils sont intéressés par l’or. Donc la première réaction, c’est de voir comment sécuriser notre or. Car, dans le monde actuel, c’est l’or qui est valeureux. En deuxième volet, il faut savoir que ce général est dans la lignée de Colin Powell. Ce sont des nègres de maison. Il y en a toujours qui veulent plaire au système, qui se laissent utiliser par le système, qui veulent servir le système parce qu’il y a un certain plafond qu’il faut atteindre. C’est leur mode opératoire, c’est de diaboliser quelqu’un pour justifier après son élimination. Et même s’arranger à ce que quand il est éliminé, les gens se réjouissent. Il faut qu’on en soit conscient et que la personne elle-même prenne des dispositions. C’est pour cela que tout de suite, nous sommes montés au créneau et vous êtes sortis en masse pour montrer le soutien. Les gens se rendent compte que ce qui se dit aux Etats-Unis ne peut pas être vrai si partout au Burkina Faso, des millions de personnes protestent pour protéger le président. Il y a des choses qui peuvent nous faire sourire, mais il y a d’autres choses sérieuses derrière. Votre or est dans la cible des Etats-Unis et vous voyez la façon agressive que Donald Trump utilise quand il veut quelque chose ? Donc il faut d’abord comprendre qu’il y a quelque chose qui les intéresse et qu’ils peuvent utiliser tous les moyens. Donc on a plus de sûreté, de sécurité si on avance encore plus rapidement de la Confédération à la Fédération.
S : Pourquoi cette critique pour un président qui a créé la première réserve d’or pour le pays ?
N.Y. : Ce n’est pas la première fois qu’ils font cela. Ce sont des choses qui peuvent être facilement déconstruites, mais ils le font et c’est eux qui sont en lumière. C’est brutal, c’est une guerre. Tous les moyens sont bons et c’est pour cela que la réaction a été extraordinairement forte et cela leur fait mal.
S : Pourquoi cette réaction a-t-elle pris de l’ampleur ?
N.Y. : Cela veut dire que vous avez bien communiqué. Vous savez que sur Internet, les gens se forment, s’informent. C’est la force d’Internet aujourd’hui. Avant, il y avait un seul canal, les canaux officiels mainstream, mais aujourd’hui, les gens se construisent en esprit critique et c’est très important. Il faut qu’on aille aussi chercher des informations complémentaires ailleurs pour construire sa propre opinion. La sécurité est très importante, mais si vous voulez maintenir les populations mobilisées, il faut aussi gérer le côté social et économique. Vous ne pouvez pas demander aux gens de se serrer la ceinture, sans faire quelque chose quand même. Et ça, je pense que tout le monde doit admettre que le capitaine Traoré et ses équipes sont en train de travailler à cela. On voit qu’ils sont sur le front, mais ils font aussi des choses qui allègent la souffrance des populations, qui leur donnent une perspective, un espoir. Même si on n’est pas encore arrivé loin, on est en train d’aller dans la bonne direction.
S : Comment voyez-vous l’avenir de l’Afrique ?
N.Y. : C’est nous qui devons décider de l’avenir de l’Afrique. Je dis toujours : arrangeons nos pays. Partout où vous allez, on ne vous aime pas. Je ne sais pas si vous avez l’occasion de voyager, de vivre à l’étranger. Alors, arrangeons ce qui nous appartient pour qu’on puisse bien vivre chez nous. Et quand on va bien vivre chez nous, on a tout ce qu’il faut à disposition pour que ceux qui ne nous aiment pas viennent chez nous. Parce qu’il y aura de l’énergie bon marché. Ils pourront créer leurs usines chez nous. Ils pourront avoir une main d’œuvre qualifiée chez nous. Ils auront un marché et nous aussi. Donc, l’avenir de l’Afrique est entre nos mains. C’est vraiment maintenant qu’il faut travailler. Le monde est en train de se reconfigurer. On parle d’un monde multipolaire. Ça fait quelques années qu’on dit qu’on travaille à un monde multipolaire, les BRICS, etc. Quand je regarde l’arrivée de Trump et que je vois la façon dont il gère les choses en ce moment avec ses tarifs douaniers, je me dis que Trump a compris que le monde unipolaire, c’est fini. Mais ce qu’il est en train d’essayer de faire, c’est d’amener la Chine, l’Inde, la Russie à s’asseoir avec les USA à la table pour se partager le monde à trois ou quatre. Mais, ce qu’il est en train de faire ne peut pas nous arranger. On ne veut pas partir d’un monde unipolaire à un monde tripolaire ou quadripolaire. On veut un monde multipolaire. La Chine et la Russie ne vont peut-être pas le suivre tout de suite dans sa démarche, mais c’est à nous Africains de prendre nos dispositions pour devenir un acteur solide et indispensable à la table des négociations.
S : Quel appel avez-vous à lancer aux pays de l’AES qui combattent pour leur souveraineté ?
N.Y. : Avant de lancer un appel, je voudrais d’abord les féliciter, les encourager. Vous êtes l’espoir de tout un continent ! Moi, je voyage beaucoup à travers l’Afrique où je donne des conférences dans des pays anglophones, lusophones… Et partout, on me parle de l’AES. Il y a même des gens, hommes d’affaires, étudiants, qui viennent demander comment ils peuvent aider ou ce qu’ils peuvent faire pour l’AES. Et l’appel que je voudrais lancer aux dirigeants, c’est de continuer dans leur voie, mais d’accélérer le mouvement. Il faut vraiment qu’on aille à un Etat unitaire solide, pour notre propre sécurité, pour rendre le processus irréversible ou le compliquer de telle sorte que ce soit beaucoup difficile à le détricoter. Sur le plan militaire, je pense qu’ils sont vraiment les bonnes personnes aux bons endroits car ils prennent des décisions qui font bouger les lignes. Mais sur le plan organisationnel, stratégique je les exhorte à accélérer. Aux populations de l’AES, je voudrais demander de continuer d’être mobilisées. Je suis d’ailleurs très admirative de la résilience des populations de l’AES. Ici au Burkina, vous êtes les seuls, dans l’histoire récente, qui avez réussi à chasser un régime sans l’aide des militaires. Notamment en 2014, ce ne sont pas les militaires qui ont fait un coup d’Etat mais plutôt les Burkinabè qui se sont soulevés contre le pouvoir en place. Les Maliens se sont mobilisés pendant un an, souvent régulièrement, sans véritablement atteindre le but et il a fallu l’action des militaires pour y arriver. En Afrique, il y a beaucoup de peuples qui ont toujours peur. J’ai décidé, il y a très longtemps, d’utiliser le temps qui m’est imparti ici-bas, de façon judicieuse, à me battre aux côtés de gens qui ont envie de se battre, qu’ils soient civils, militaires, au pouvoir ou dans l’opposition. Quand il y a des gens qui ont envie de se battre ils n’ont pas besoin de me faire appel. On ne m’a pas appelée au Burkina ici. C’est la première fois que je viens ici, depuis que le capitaine Ibrahim Traoré est là, mais je venais au Faso avant. J’ai commencé à le défendre sans même le connaitre. C’est comme si les ancêtres me guident mais je sais très vite distinguer les faux putschistes des vrais. J’ai vite aperçu le coup d’Etat de Damiba comme celui pour empêcher le système de tomber. 18 heures après celui du Gabon j’ai fait une vidéo en disant qu’il n’est pas celui qu’il faut. Mais la population gabonaise était contente et on peut comprendre. Cela m’a donné un peu d’espoir. Le jour de la prestation de serment du Président gabonais, Brice Clotaire Oligui Nguema, je ne sais pas si le protocole avait décidé de se faire plaisir. Quand il présentait les invités, le Burkina Faso en premier lieu, le public au stade a éclaté de joie. Comme s’il voulait se distraire, après avoir appelé le représentant du président du Mali, Abdoulaye Diop, même pas une tierce de seconde, le protocole annonce la présence du ministre délégué des Affaires étrangères, représentant le Président français, Emmanuel Macron, le public a changé de ton. Les gens ont pris conscience que la France n’est pas un bon partenaire.
S : Comment voyez-vous l’avenir de l’AES ?
N.Y. : Je vois un Etat unitaire. Je l’espère, plaide et essaie de tout faire pour que cela aboutisse. Je vois l’avenir de l’AES comme le socle de l’envol de l’Afrique. Dans cet espace, il y a tout ce qu’il faut en matière énergétique. Car, vous ne pouvez pas développer un pays s’il n’y a pas de l’énergie. Pourtant, dans l’espace AES, il y a des terres rares, de l’uranium et de lithium. Il y a même le charbon. Je ne vois pas pourquoi on va se complexer avec le charbon. L’Europe s’est construite autour du charbon, la Chine continue de se construire avec le charbon. Mais le Niger a aussi du charbon. Et ces impérialistes viennent nous faire croire d’utiliser les énergies vertes. Ils viennent installer des éoliennes dans le Sahara alors qu’il n’y a pas de sécurité dans ces parties de nos pays. Donc, il va falloir que l’on arrive à s’imposer et dire non. Ils n’ont qu’à garder leur argent et nous tourner vers d’autres partenaires. Si non, ils viennent prendre nos ressources pour aller développer leurs pays. L’AES a du pétrole. C’est ce que l’on utilise pour le bitume et le plastique. Il va falloir qu’on commence aussi à se servir de nos ressources et ne plus seulement penser à les exporter, mais à les transformer et à développer nos pays. Du reste, on pourra exporter une petite partie ou le surplus. Les chefs d’Etat doivent comprendre cela. Ils ont commencé à reprendre en main l’amont des filières en interdisant les exportations et en maximisant la transformation. Il faut que l’on gagne plus avec le moins qu’on extrait. C’est de cette façon que je vois l’AES. Je vois aussi l’AES comme la destination de rêve des jeunes Africains. Là où ils ont envie de venir, pas pour continuer ailleurs, mais pour vivre bien, découvrir et se former. Un jour, des grands hommes viendront dans l’AES pour se faire des affaires et non la guerre.
Entretien réalisé par la Rédaction