Une croisade contre la corruption:

Depuis son élection en mars 2024, le Président sénégalais, Bassirou Diomaye Faye, a fait de la lutte contre la corruption et du détournement des deniers publics, son cheval de bataille. Pour répondre à cet engagement, diverses enquêtes ont été ouvertes par l’exécutif sénégalais pour vérifier la gestion des finances publiques ces dernières années. Et les lignes commencent à bouger. En début mai, le Parlement a adopté des résolutions pour traduire devant la Haute cour de justice, cinq anciens ministres de l’ancien pouvoir pour des détournements d’un fonds anti-COVID-19.

Ce sont notamment, Aissatou Sophie Gladima, Ndèye Saly Diop Dieng, Moustapha Diop, Ismaïla Madior Fall et Amadou Mansour Faye, la dernière personnalité à être écrouée. Ces poursuites entrent en droite ligne des irrégularités constatées dans la gestion des
finances publiques, selon un rapport d’audit de la Cour des comptes couvrant la période de 2019 à 2024. Ce document pointe du doigt l’utilisation de mécanismes complexes pour dissimuler l’état réel des finances publiques sous l’ère Sall, ce qui laisse entrevoir l’existence de malversations.

D’après ce rapport, l’encours total de la dette du Sénégal s’élève à 18 554,91 milliards FCFA au 31 décembre 2023, ce qui est au-delà des chiffres annoncés, 11 864, 20 milliards FCFA. Il y a maldonne et des anciens responsables, comme les cinq ministres inculpés, vont devoir s’expliquer devant les juges. Ils seront entendus sur divers faits dont entre autres, détournement de deniers publics, décaissements irréguliers et de corruption à grande échelle.

Alors que le Président Sall, à la tête du pays de 2012 à 2024, prétend avoir passé la main en laissant une bonne situation financière, les investigations semblent dire le contraire. Comment prendre alors au sérieux, les critiques des dignitaires de l’ancien régime qui crient à la chasse aux sorcières, à une cabale contre eux. L’administration Faye se défend d’instrumentaliser la justice à des fins politiques, en l’occurrence faire la peau à des adversaires politiques et on veut croire à sa volonté de mettre en avant les intérêts du Sénégal.

En politique, les manœuvres de déstabilisation ou de discréditation sont courantes, mais il faut admettre que la réédition des comptes est une exigence de l’administration. On ne saurait gérer la chose publique comme s’il s’agissait d’un bien personnel. Tout responsable de l’administration, qu’il soit en bas ou en haut de l’échelle, est appelé à rendre compte de sa gestion, pour peu que des manquements soient constatés. C’est le difficile exercice auquel se livrent les gourous de l’ex-pouvoir et ils vont devoir affronter la justice, quitte à être condamnés ou blanchis. Le souhait est que les accusés aient des procès dans les règles de l’art, de sorte à ce qu’on ne sente pas une intention manifeste de nuire volontairement à autrui.

Etre traduit en justice ne veut pas systématiquement dire être d’office coupable. Au-delà des craintes légitimes qui peuvent habiter tout citoyen en porte-à-faux avec la loi, on peut bel et bien être disculpé dans une affaire. Au-delà de la réedition des comptes, le Président Faye, qui s’y est d’ailleurs engagé, doit mener des réformes pour une meilleure gestion des finances au Sénégal. Tout comme d’autres Etats africains, le pays de la Teranga n’échappe pas au phénomène de détournement des deniers publics et de la corruption. Les prédateurs ne manquent pas dans nos administrations.
Il faut faire de sorte à limiter leurs marges de manœuvre, en multipliant les garde-fous.

Kader Patrick KARANTAO

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