Sénégal : réunir les conditions de l’apaisement

La vague de contestations qui s’est emparée de la capitale du Sénégal et de certaines villes du pays à la suite de l’arrestation de l’opposant sénégalais, Ousmane Sonko, est entrée depuis le lundi 8 mars 2021 dans une phase de désescalade. Un calme relatif qui trouve sa justification dans la libération du jeune et bouillant opposant au Président sénégalais, Maky Sall. Sa mise en liberté même si elle demeure provisoire est perçue par ses partisans comme une victoire d’étape.

Il y a de quoi s’en réjouir certes, mais la mobilisation doit être mieux organisée afin de mettre définitivement à l’abri leur champion, des ennuis politico-judiciaires savamment orchestrés à leurs yeux par le pouvoir en place. Le président sénégalais qui a peut-être mesuré l’ampleur de la situation est sorti de son silence en appelant les manifestants à la retenue. Cette crise inattendue qui a déjà fait 5 morts selon le gouvernement et 8 selon l’ONG Amnesty International et de nombreux dégâts, montre si besoin en était, que le ver était déjà dans le fruit. En témoignent les deux sorties médiatiques des ennemis politiques. En effet, pendant que le président Maky Sall appelle au calme et à laisser la justice suivre son cours normal, Ousmane Sonko, aussitôt libéré, invite ses militants et autres défenseurs de la démocratie à la mobilisation sans faille pour faire barrage aux manœuvres de caporalisation du pouvoir.

Il enjoint le chef de l’Etat a clarifié sa position en indiquant qu’il ne briguera pas un troisième mandat. A ce propos, les Sénégalais sont convaincus que leur président a été testé positif au virus du 3e mandat dont la séroprévalence semble être forte dans les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest. Sinon, comment comprendre de tels acharnements sur son adversaire politique après sa réélection pour son 2e et dernier mandat constitutionnel ? L’ancien maire de Dakar Kalifa Sall, qui avait des ambitions de se lancer dans la course au pouvoir, n’a-t-il pas fait les frais du président Sall, soupçonné d’être très habile dans des manœuvres de déstabilisation de ses adversaires politiques ? Il a été condamné à cinq ans d’emprisonnement ferme dans une affaire de détournement de 1,8 milliard francs CFA de la régie d’avance de la mairie de Dakar.

Fort de cette expérience, le pouvoir pourrait être tenté d’appliquer la même recette gagnante contre l’étoile montante de l’opposition sénégalaise. Premièrement radié de la Fonction publique pour non-respect de son devoir de réserve, l’ex-inspecteur des impôts, très critique du pouvoir en place, n’est pas encore au bout de ces peines. Cette fois-ci, c’est une histoire presque rocambolesque de viol d’une fille dans un salon de massage qui pèse sur Ousmane Sonko. Pour l’heure, le challenger est placé sous contrôle judiciaire et la bataille judiciaire devrait se poursuivre. Gageons qu’elle se mène en toute indépendance sans une quelconque ingérence de l’exécutif.

Et c’est là où se trouve la pomme de discorde, car bon nombre de Sénégalais n’ont plus le régime de Macky Sall dans leur cœur. Les récents évènements, au-delà du soutien à un opposant, sont les conséquences des frustrations accumulées par la majorité des populations. Le pillage des rayons alimentaires des magasins ou le saccage des gares de péage sont des signes d’un malaise socioéconomique. Et le président Sall doit mesurer la portée de la colère de son peuple en réunissant les conditions de l’apaisement, en commençant par renoncer à un troisième mandat. Vouloir s’entêter comme son prédécesseur Abdoulaye Wade, ce serait foncer tout droit dans le mur. Vivement que Maky Sall soit bien inspiré comme le président nigérien sortant, Mahamadou Issoufou, qui s’est abstenu de briguer un troisième mandat de trop.

Abdoulaye BALBONE

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