Editorial: Produire autrement le poisson

L’Offensive agropastorale et halieutique 2023-2025 bat son plein à travers le Burkina Faso, en vue de la transformation structurelle du secteur afin d’assurer une souveraineté alimentaire tout en permettant une création d’emplois massifs au profit des jeunes ainsi que l’édification des bases d’un développement socioéconomique durable pour le pays.

Il suffit de suivre le rythme des visites-terrain du ministre de l’Agriculture, des Ressources animales et halieutiques, le commandant Ismaël Sombié, pour s’en convaincre. Spécifiquement dans la filière poisson qui fait partie des huit filières stratégiques prioritaires retenues dans le cadre de cette offensive, il s’agit de répondre à 50% des besoins de consommation du pays en poisson, à travers la production de 100 000 tonnes de poisson à l’horizon 2025. Il est donc prévu la mobilisation de 105 ha à Samendéni sur le plan d’eau pour la mise en place de 20 600 cages flottantes.

Par ailleurs, les stations piscicoles de Bagré, Bazega, Ziga, Poa, Réo, Bion, Seboun (Sanguié) et Banfora (Bodadjougou) seront réhabilités et renforcées pour supporter la production des alevins.

Comme à Ziou dans le Nahouri (Pô), il est prévu à Samendéni (dans les Hauts-Bassins), la pisciculture en cages flottantes pour produire la plus grande quantité de poisson. A la différence de la pisciculture classique dans les bassins, les cages flottantes, foi des spécialistes du domaine, ont l’avantage du renouvellement permanent et une meilleure oxygénation de l’eau, tout en permettant d’augmenter les densités, puisque la pisciculture classique utilise 1 à 3 poissons par m3 d’eau, contre 100 à 200 poissons pour les cages flottantes.

Cette technique innovante pour aller vite et bien mérite que l’ensemble des acteurs y consacrent toutes leurs énergies. De la mobilisation des ressources en eau à la dotation des pisciculteurs en matériels adéquats en passant l’organisation du circuit d’écoulement des poissons qui seront produits, il convient de baliser le terrain et d’accorder les violons afin d’éviter à la dynamique d’être noyée dans des difficultés qui auraient pu être évitées. En cela, les promoteurs piscicoles doivent veiller à la qualité des installations au risque d’enregistrer d’énormes dégâts et pertes avec les pressions du vent et le débit de l’eau en hivernage.

A cela, il faut ajouter la qualité de l’eau souvent menacée par l’usage excessif des pesticides et autres produits de l’orpaillage comme le cyanure et le mercure.
Il appartient également à l’Etat d’accompagner les efforts des acteurs à travers la facilitation de la mise à disposition de matières premières indispensables à la conception des cages flottantes comme les filets qui peinent à être trouvés sur le marché national.

L’aménagement de la voie d’accès à Samendéni, l’implication conséquente des acteurs de la recherche et de la Police de l’eau, l’élaboration d’un cahier de charges à l’endroit des promoteurs piscicoles et la subvention des coûts des alevins et de l’aliment pour poisson sont autant de mesures qui pourront donner à cette manière de produire autrement le poisson, toutes les chances de donner de bonnes moissons et surtout de rendre accessible le poisson qui sera produit à toutes les couches sociales burkinabè.

Ce qui rassure déjà, c’est que du côté du gouvernement, la volonté y est et que les promoteurs piscicoles se bousculent à Samendéni pour opérationnaliser cette technique innovante.

Le dialogue doit donc être permanent pour lever au fur et à mesure les goulots d’étranglement et permettre à l’initiative de produire les résultats escomptés et surtout aux acteurs de profiter du fruit de leur investissement. C’est l’économie burkinabè qui s’en portera mieux avec la consommation de la production locale qui créera des emplois décents et des richesses.

Jean-Marie TOE