Extradition de François Compaoré : le verdict aujourd’hui

Plus d’un an après son arrestation à Paris, Paul François Compaoré saura en principe aujourd’hui, mercredi 5 décembre 2018, si la justice accepte de l’extrader vers le Burkina Faso où il est mis en cause dans l’enquête sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo en 1998.

Aujourd’hui sous contrôle judiciaire, le frère cadet du président Blaise Compaoré avait été arrêté à l’aéroport parisien Roissy-Charles-de-Gaulle en octobre 2017 en raison d’un mandat d’arrêt émis le 5 mai 2017 par les autorités burkinabè.

Depuis le 13 décembre 2017 (21e anniversaire de l’assassinat), date de notification à François Compaoré de la demande d’extradition du Burkina Faso par la Chambre du contrôle de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, les audiences se succèdent sans livrer leur verdict.

Du 7 mars 2018 au 3 octobre 2018 en passant par  le 13 juin 2018, rien n’a été décidé. Aujourd’hui, 5 décembre 2018, les Burkinabè attendent encore le délibéré de la demande de son extradition.

A Paris, le 3 octobre 2018, le parquet général s’était déclaré favorable à cette extradition. Une procédure contestée par les avocats de M. Compaoré, Me Pierre-Olivier Sur et Mathias Chichportich qui dénoncent le caractère irrégulier et exclusivement politique du dossier. Ils relèvent ainsi des « anomalies », notamment « l’irrégularité du titre d’arrestation, l’imprécision du mandat d’arrêt, la nature politique de la demande d’extradition, l’absence d’éléments nouveaux justifiant la requête et l’absence de respect des garanties du droit à un procès équitable ».

Pour leur défense, les avocats ont soulevé le « non-respect de la condition de double incrimination », l’infraction d’incitation à assassinat n’existant pas en France,  ils redoutent de voir la peine perpétuelle s’appliquer à François Compaoré. Initialement prévue en juin, la décision sur l’extradition avait dû être reportée dans l’attente de la transmission de nouvelles pièces. La Cour avait réclamé au Burkina Faso, des « éléments matériels précis ».

Ce qu’a fait le Burkina Faso mais les avocats ont demandé à la Cour d’écarter ces nouvelles pièces, affirmant que le magistrat instructeur de Ouagadougou avait rajouté des éléments à charge dans un ancien témoignage oculaire pour tenter de démontrer l’implication de François Compaoré dans les assassinats. Ils ont déposé en octobre une plainte à Paris pour « faux et usage de faux criminel » en visant ce magistrat, doyen des juges d’instruction de Ouagadougou.

En attendant, le débat est passionnant entre les Burkinabè désireux de voir l’ex-conseiller spécial de Blaise Compaoré répondre devant la justice de son pays et ceux qui croient dur comme fer, que la procédure devant les juridictions françaises n’a aucune chance d’aboutir au regard des anomalies évoquées par les avocats de la défense.

Si la question de la peine de mort n’est plus d’actualité avec son abolition par l’Assemblée nationale, le 31 mai 2018, il reste que les conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition entre les gouvernements burkinabè et français, signée à Ouagadougou le 24 avril 2018, risquent de ne pas connaître d’effet, parce qu’étant postérieures à la demande d’extradition (principe de non rétroactivité).

Il ne faut pas non plus occulter la double nationalité de François Compaoré (Ivoiro-burkinabè) qui peut peser en sa faveur. Hypothèse pour hypothèse, la justice française a le dernier mot.

En rappel, le dossier Zongo, classé en 2003 après un « non-lieu » en faveur du seul inculpé, a été rouvert à la faveur de la chute de M. Compaoré fin octobre 2014, chassé par la rue après 27 ans au pouvoir. Le 15 décembre 2015, trois ex-soldats du Régiment de sécurité présidentielle (RSP) ont été inculpés.

Jean-Marie TOE

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