Alors que la candidature du président Alassane Ouattara à un troisième mandat à l’élection présidentielle du 31 octobre prochain en Côte d’Ivoire suscite la polémique avec à la clé des vagues de contestations au bord de la lagune Ebrié, Alpha Condé de la Guinée veut dupliquer le même scenario. En effet, lors de la convention électorale de son parti, le Rassemblement pour la Guinée (RPG), les cadres venus des quatre coins du pays ont demandé au président sortant d’être candidat à sa propre succession pour défendre les couleurs du parti au pouvoir. Arrivé en début d’après-midi sous un tonnerre d’applaudissements, le président guinéen, prenant la parole face aux militants qui multipliaient les appels et les sollicitudes, a répondu en ces termes : « Pour le moment, je prends acte ». C’est ainsi que son homologue ivoirien à l’issue du conseil politique du Rassemblement des houphoêtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), tenu le 29 juillet 2020 au Palais des congrès d’Abidjan, avait laissé entendre. La suite, on la connaît, puisque dans son message à la nation à l’occasion de la fête de l’indépendance de la Côte d’Ivoire, le 7 août, le président Ouattara a officiellement annoncé sa candidature. A y voir de près, les officines politiques du RPG ont sorti de leur laboratoire une stratégie calquée sur le modèle ivoirien afin de remettre en selle le professeur Alpha Condé dont le second mandat arrive à terme. Et il n’y a qu’à considérer les déclarations de certains leaders du parti au pouvoir pour s’en convaincre. C’est le cas du Premier ministre Ibrahima Kassory Fofana.
« L’adversité est menaçante, mais je suis sûr que nous sortirons victorieux sous le leadership du président Alpha Condé », avait-il déclaré lors de la rencontre politique dans un discours où il a dressé un bilan élogieux des deux mandats du président guinéen, quand bien même Kankan, la deuxième ville du pays, continue d’être éclairée au clair de lune. Le président de l’Assemblée nationale, Amadou Damaro Camara, ne fait pas de doute sur l’investiture de leur champion Condé, indiquant qu’il n’y a aucune place pour un dauphin. Mais du côté de l’opposition guinéenne, ce discours du parti majoritaire bute sur les dispositions de la Constitution du pays qui limitent le nombre de mandats présidentiels à deux. Regroupés au sein du Front national pour la défense de la constitution (FNDC), les principaux partis de l’opposition politique et des organisations de la société civile semblaient voir les choses venir. Sentant des velléités du chef de l’Etat de transformer le palais de Sékhoutouréya (présidence de la République) en sanctuaire pour dirigeants s’accrochant ainsi au fauteuil, les opposants ont lancé depuis octobre 2019, un mouvement anti-Condé. Malgré les répressions sanglantes qui ont fait plusieurs morts parmi les manifestants, la contestation est loin de faiblir. Alpha Condé, 82 ans, est arrivé au pouvoir en 2010 à l’issue de la première élection démocratique après des décennies de régimes autoritaires avant d’être réélu en 2015. Cet opposant historique qui s’est battu pendant longtemps pour l’alternance dans son pays caresse paradoxalement le rêve de s’éterniser au pouvoir depuis qu’il a accédé au trône. L’adoption d’une nouvelle loi fondamentale en début d’année, censée ramener le compteur à zéro, atteste de cette réalité. En attendant, la réponse définitive du président Alpha Condé qui ne va pas tarder sans doute, il est à craindre que les jours à venir, les contestataires du troisième mandat du chef de l’Etat guinéen, considéré de trop, retournent dans la rue. Déjà en Côte d’Ivoire où la candidature d’ADO est actée, l’on assiste à une levée de boucliers avec des opposants qui sont vents debout contre cette décision du candidat-président. Avec en toile de fond un débat houleux autour de la constitutionnalité de la candidature du président sortant qui veut rebeloter après deux
mandats.
Beyon Romain NEBIE