Le retissage d’un lien sacré

Une délégation d’Afro-descendants et de la diaspora africaine séjourne, depuis quelques jours, au Burkina Faso. Ces dernières années, ce mouvement croissant des Afrodescendants vers l’Afrique, singulièrement, dans sa partie occidentale, n’est pas un simple flux migratoire, mais un phénomène socio-politique, culturel et économique profond qui traduit une volonté manifeste de renouer avec la terre des aïeux. Longtemps perçu comme une utopie lointaine, ce « Retour aux sources » qui, jadis, n’était qu’une simple vue de l’esprit, est aujourd’hui encouragé par plusieurs Nations africaines dont le Burkina Faso, pour qui la diaspora est vue comme un pilier essentiel dans la construction du pays, et d’un continent africain souverain et prospère.

Ce mouvement trouve ses racines dans l’histoire tragique de l’esclavage transatlantique. Pour les descendants des africains arrachés de force à leur terre, revenir sur le continent est bien plus qu’un symbole. Il est un acte puissant de réappropriation identitaire. « Il est plus encore celui du retissage du lien sacré entre le continent africain et ses enfants ; ce lien que les tempêtes de l’histoire avaient tenté d’effacer mais qui n’a jamais disparu des
cœurs », avait déclaré le chef de la diplomatie burkinabè, Karamoko Jean Marie Traoré, à la conférence inaugurale du séjour de la délégation. En effet, l’initiative des Afrodescendants vise à renouer avec le fil d’une histoire brutalement interrompue, à l’image de celle que le Ghana a mis en place dénommée « l’Année du retour » et lancée en 2019.

Selon certains observateurs, cette démarche a démontré la puissance mémorielle de ce pèlerinage, incitant des milliers de personnes à entreprendre ce voyage sur les terres de leurs ancêtres. Le Burkina Faso s’est positionné activement au cœur de cette dynamique avec l’accueil de cette délégation d’Afrodescendants. Toute chose qui, il faut le dire, traduit la volonté du Président, le capitaine Ibrahim Traoré, qui, de vive voix, ne cesse d’appeler à l’union des peuples africains pour la construction du continent. C’est d’ailleurs le combat que mènent le Burkina Faso et les autres pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) pour l’affirmation de leur pleine souveraineté. Le retour symbolique de la diaspora africaine vient donc renforcer la conviction d’une Afrique capable de forger son propre modèle de développement.

Mais, au-delà de l’aspect symbo-lique, les enjeux sont éminemment économiques. Car, on le sait, les Afrodescendants, souvent originaires des Amériques et des Caraïbes, arrivent avec des capitaux, des compétences et des réseaux professionnels précieux susceptibles de consolider le développement du continent. Ainsi, plutôt que de voir en ces
« retours » comme de simples visites mémorielles, il faut également y percevoir des ponts solides pour des investissements directs structurants profitables aux peuples d’Afrique.
Des pays comme le Bénin ont montré la voie en facilitant l’accès à la nationalité, reconnaissant que les descendants des esclaves peuvent jouer un rôle majeur dans le dynamisme économique local.

En effet, ce sont des acteurs qui, loin des stéréotypes, peuvent contribuer positivement à l’édification d’une économie plus résiliente. Toutefois, les différences culturelles et les attentes peuvent parfois créer des frictions ou des désillusions. C’est pourquoi, pour le succès de cette « Renaissance africaine », les nations d’accueil devront travailler à une meilleure intégration durable des intéressés. En attendant, l’on peut se féliciter de la démarche du Burkina Faso qui, si besoin en était, réaffirme une fois de plus sa volonté de faire du pays des Hommes intègres une terre panafricaine en vue de bâtir, avec ses frères et sœurs de la diaspora, une Afrique forte, unie et maîtresse de son destin.

Kamélé FAYAMA

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