Si je savais écrire une bonne lettre sans la moindre faute, je m’adresserai au bon Dieu himself : «ô juste ciel, pourquoi veux-tu nous tomber sur la tête ?» Il paraît que ma patrie fait partie des fratries bien-aimées de la providence mais pourquoi c’est chez nous que les frères de la même terre se font la «guerre» ? Il semble même que les dieux et les aïeux planent et veillent toujours sur nous, mais à qui appartiennent «ces serpents qui sifflent au-dessus de nos têtes» ; à qui sont ces têtes de l’échafaud qui tombent et roulent sous nos pieds ? Selon certains vendeurs d’illusions imbus de slogans volatiles : «plus rien ne sera comme avant» et «le meilleur reste à venir» dans un avenir en pointillés. Pour les troubadours de la langue de bois, l’intégrité est une panacée et être Burkinabè se mérite. Mais entre nous, y a-t-il un quelconque mérite à scier la branche sur laquelle on est assis? Y a-t-il une certaine gloriole à regarder la case commune brûler sans avoir l’humilité et la sagesse d’apporter sa calebasse d’eau ? Y a-t-il un vainqueur dans une rixe où les pugilistes préfèrent se faire harakiri que de se battre à la loyale ? Quand tout le monde commence à avoir raison et tort à la fois, il faut craindre que personne ne soit là pour dire la vérité qui concilie avant de réconcilier.
Mais cette chronique ne dira pas la vérité tant attendue, tant déjà connue. Cette chronique volera au-dessus de la mêlée sans écorcher un seul égo. Comme l’albatros qui plane dans les éthers en regardant les ignares matelots sur le bateau, cette chronique n’entend pas haranguer l’arène de coqs mal dressés. Rien ne sert de tirer la seule calebasse rafistolée qui nous reste. Sinon chacun aura sa part mais personne n’en profitera. Rien ne sert non plus de faire le partage sans s’inspirer de Confucius, sans se mettre à la place de l’autre. En vérité, il n’y a pas que le réseau qui fait défaut au Faso ; il y a longtemps que nous avons perdu plus que le réseau. Nous avons perdu notre intégrité et par-dessus bord, nous avons balancé notre fibre patriotique pour nous arrimer au besoin du nombril. Une bonne partie de la raison elle-même à tort par excès ou par omission. Ça balance dans tous les sens entre guerre et «grèves asymétriques» ; entre dialogue de sourd et compromis d’aveugle ; entre désamour fraternel et crime passionnel. Même face à l’évidence du lendemain sans chemin d’impénitents démiurges font des géométries dans l’espace pour se tailler des lopins de strapontins et remporter 20/20 en 2020.
Si je pouvais adresser une lettre dénuée d’agenda caché et de tout non-dits, je l’enverrai à qui de droit en vociférant à qui veut m’entendre : «les plus grandes incendies de forêt commence toujours par une étincelle de rien». Attention à la traînée de poudre ! Les plus grandes crises commencent toujours par la plus petite traîtrise ou méprise des hommes. Quand deux frères se dressent l’un contre l’autre au prix du sang, de quelle hospitalité bancale et maladroite parle-t-on à l’étranger désabusé ? Quel Burkina se vante d’être la «terre d’accueil» mais cache mal ses écueils intimes aux senteurs de deuil ? Quand un Burkinabè peut oser «impunément» faire ça à un autre Burkinabè sur la terre sacrée de l’intégrité, où sont passés les dieux pour punir l’odieux personnage du carnage ? Y a-t-il encore quelque chose de plus sacrée que la vie humaine ? Au-delà de la justice, y a-t-il un pardon qui a valeur de don pour donner du sens à l’abandon sans éroder les cordons du cocon ? On ne deal pas avec la vérité ; il n’y a point de troc entre le vrai et le faux.
Si je savais écrire une lettre, je dirai au fils de Patarbtaalé que l’heure de vérité semble poindre à l’horizon. En tout cas, si ce n’est un mirage, une fumée sans feu ou un chien qui aboie sans mordre, il y a de forte chance que l’histoire elle-même applaudisse. Alors, fouillez, bêchez et creusez et surtout «ne laissez nulle place où la main ne passe et repasse». Déballez tout et n’oubliez pas le neveu têtard braillard et tocard des nullards que vous avez pistonné au portillon d’une Fonction publique trop publique.
N’épargnez pas la mignonne nièce gâtée de la basse-cour de la complaisance que vous avez poussée à passer par le trou de l’aiguille parfois avec ou sans diplôme. N’enjambez surtout pas le militant de première heure dont les enfants ont infesté les bureaux climatisés sans un baluchon intellectuel digne de ce nom. Et allez déloger le stagiaire que nous avons tous côtoyé au ministère et qui a fini par ravir la vedette à ses concurrents factices d’un concours dit de «mesures nouvelles» pour s’arroger le numéro matricule de la sinécure, sans mérite. Il y en a même qui ne sont pas passés par un concours ! Que les témoins patriotes se préparent à dénoncer ceux qui ne seront pas sur la liste. Parce que sauf erreur, le plus grand fraudeur, ce n’est pas Patarbtaalé, le fils du pauvre, ce n’est pas Moah, le fils de la folle ! Il suffit de lire entre les lignes de cette lettre …
Clément ZONGO
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