Production du compost au Burkina Faso : des meilleurs rendements et des revenus puisés des déchets

La production du compost prend de plus en plus de l’ampleur au Burkina Faso. En plus des producteurs qui en fabriquent pour leur propre consommation, des industriels s’y mêlent pour une production à grande échelle à cause de nombreux avantages qu’offre cet engrais naturel. Nous avons au cours du mois d’avril 2025, parcouru quelques sites de production dans les Hauts-Bassins et les Cascades pour échanger avec des acteurs sur les enjeux de la production du compost au pays des Hommes intègres.

En ce mois caniculaire d’avril 2025, les femmes du village de Toumousséni, localité située à une vingtaine de kilomètres de Banfora, dans la région des Cascades, occupent leur temps dans la production du compost.

Selon Minata Son, la production du compost permet de se faire des sous pour s’occuper de certaines dépenses de la famille.

Cet engrais sans produits chimiques a pour matière de base des pailles de riz, de maïs, de mil ou des feuilles mortes avec des déjections d’animaux. Elles l’aspergent d’eau et couvrent le tout avec des bâches. Quelques mois après, confient-elles, le produit obtenu de couleur noire, va être conservé dans des sacs. A notre arrivée, une dizaine de sacs d’engrais bio sont entassés sur les lieux et prêts à être utilisés dans les champs ou vendus aux demandeurs. Les femmes de Toumousséni fabriquent ainsi de l’engrais entièrement naturels appelé compost ou engrais bio qu’elles utilisent pour leur champ ou les vendent. Madjara Son fait partie de la cinquantaine de femmes qui fabriquent le compost. Nous l’avons rencontrée le 11 avril 2025 entre ses sacs d’engrais. Pour elle, cette substance naturelle est très bénéfique pour les semences et surtout pour le sol. A l’en croire, le compost enrichit le sol et constitue une source de revenus pour elles. Avant notre arrivée, Mme Son confie avoir vendu 20 sacs, à raison de 3 000 F CFA le sac. « Au début, nous utilisions d’autres formes d’engrais, mais cela n’aidait pas les semences et le sol se dégradait. Mais avec le compost, le sol se régénère. Depuis que nous l’utilisons, nous pouvons récolter près de cinq tonnes de maïs par an contre deux avec les engrais chimiques », dit Madjara Son. A Kotoura, dans les encablures de Banfora, les femmes s’adonnent également à la fabrication de l’engrais bio. Dans cette bourgade, les productrices font le compost pour leur propre utilisation en attendant d’avoir des clients pour écouler les 200 sacs qu’elles fabriquent à chaque saison.

De nombreuses femmes sont formées dans les Cascades à la fabrication du compost.

Si pour le moment les femmes de Toumousséni et de Kotoura fabriquent le compost en petite quantité, ce n’est pas le cas pour ce producteur, Siaka Traoré, basé à Takaledougou, à 15 kilomètres de Banfora. Dans son atelier, sont stockés près de 200 sacs, alors que son unité continue d’en produire. A côté, est stockée la matière première : des tiges de manioc, des déjections d’animaux, des tiges de mil et même de la terre issue de termitières. Siaka Traoré produit deux types de compost. Le compost en tas et le Bokashi. « Comme vous le constatez, depuis le matin, nous sommes en train de préparer les différents éléments du Bokashi, qui est une autre forme de compost. Le compost en tas prend plus de temps, deux mois, par rapport au Bokashi, qui est un engrais qu’on peut produire en 15 jours », précise M. Traoré. Tous les genres de compost que fabrique Siaka Traoré sont enrichis au biochar, une substance qui permet d’emmagasiner l’eau dont les plantes vont s’en servir, même en cas de manque de pluies. C’est la dégradation avancée des terres qui a amené Siaka Traoré à produire de l’engrais bio, selon ses confidences. « La terre aujourd’hui est tellement dégradée. Et j’ai constaté que la terre se fait une nouvelle vie quand j’utilise les résidus de manioc. C’est depuis lors que je me suis lancé dans la production réelle du compost », nous signifie Siaka Traoré, communément appelé rasta à cause des dreadlocks qu’il porte.

Produire sur de petite superficie

A ses débuts, Rasta produisait tout juste pour sa consommation. Mais à travers les conseils d’un encadreur agricole, il s’est lancé dans la production à grande échelle pour vendre. Il dispose à ce jour de près de 50 tonnes de fumier bien décomposées, mais qu’il n’arrive pas à écouler. Cela ne le décourage pas pour autant au regard de nombreux avantages qu’offre le compost. Il précise qu’il donne un meilleur rendement, permet une bonne conservation des produits et donne une meilleure santé.

Depuis plus de cinq ans, le producteur maraicher, Siaka Tou, n’utilise que le compost dans son champ.

« Je n’excédais pas deux tonnes par hectare. Mais aujourd’hui, avec l’engrais organique, je fais trois à quatre tonnes à l’hectare et cela dépend des variétés. Le produit final est plus nourrissant et il nous évite beaucoup de maladies », argue M. Traoré. La production de l’engrais n’est pas sans difficultés. Pour Siaka Traoré, ses difficultés se résument au manque d’eau et de matériel de production dont un broyeur. Convaincu de l’importance de cet engrais bio, Siaka Traoré s’est investi dans la formation des producteurs en fabrication de compost et aussi des insecticides bio à base des feuilles de neem, de piment, ou d’ail. Ce producteur et formateur ayant tout appris sur le tas, ne manque pas de conseils pour le monde paysan. « Il faut produire sur une petite superficie avec un rendement meilleur, que de produire sur des grandes superficies avec un rendement faible. J’aimerais aussi que mes collègues paysans puissent suivre les conseils de nos différents encadreurs et je pense que l’agriculture pourra aller de l’avant », suggère Siaka Traoré.

100% de producteurs dans le compost d’ici 2030

Si dans la commune de Banfora la production du compost est encore au stade embryonnaire, à Bobo-Dioulasso, dans les Hauts-Bassins, elle tend à s’industrialiser. Sur un site de production à Bindougousso au secteur 14, des tas de compost s’étendent à perte de vue. Des milliers de jeunes s’affairent à les mettre dans les sacs, tandis qu’un camion attend pour les livrer. La production de l’engrais bio à Bindougousso est l’œuvre de la Société Diloma. Son promoteur est Idrissa Soma. Il produit du compost depuis cinq ans maintenant. L’entreprise a commencé avec 17 tonnes pour se retrouver aujourd’hui avec 5 000 à 7 000 tonnes. Idrissa Soma dit s’être lancé dans la production du compost pour soutenir l’initiative présidentielle. « Le président du Faso encourage des cultures qu’on ne faisait pas d’habitude ici comme le cacao ou l’ananas. J’ai vu que si on utilise le compost plus la dolomie, on peut faire ces mêmes cultures ici. Donc ma vision est d’aider les paysans en soutenant l’initiative présidentielle », soutient M. Soma. Pour lui, le compost est 100% bio et n’affecte ni la santé humaine ni les fruits. « Une tomate qui est par exemple produite à 100% bio peut être stockée pendant longtemps par rapport à celle qui a été cultivée avec des produits chimiques », fait savoir M. Soma. Il invite alors les paysans à utiliser davantage ce genre de fertilisant naturel. « Non seulement le compost donne un bon résultat, mais il enrichit le sol et corrige le PH du sol », soutient celui qui souhaite que l’Etat et les institutions financières les accompagnent dans la production du compost. A Bobo-Dioulasso, ce sont une dizaine de structures qui sont dans la production du compost et qui emploient plusieurs personnes.

Idrissa Soma demande l’accompagnement des institutions financières dans la production du compost à Bobo-Dioulasso.

« Quand il y a un appel d’offres, on peut recruter jusqu’à 100 personnes qu’on paye à 3 000 F CFA par personne et par jour. C’est une activité qui leur permet aussi d’avoir quelque chose et de diminuer le taux de chômage au Burkina Faso », affirme Idrissa Soma. Le compost est également vanté par un producteur maraicher à Tingrela à quelques encablures de Banfora. Depuis plus de cinq ans, Siaka Tou, car c’est de lui qu’il s’agit, n’utilise que le compost dans son champ. Le rendement, soutient-il, est nettement meilleur. Le chef d’unité d’animation technique en agriculture de Banfora, chargé de l’encadrement, Kobina Somé, abonde dans le même sens que les producteurs et les utilisateurs du compost. A l’entendre, le compost améliore les sols cultivables, permet une bonne évolution des plantes dans le champ et diminue le coût des intrants au profit des agriculteurs.
« Si je devais faire un choix, je préfèrerais le compost à l’engrais minéral. L’engrais minéral vient en complément parce que si vous avez un compost de qualité, même si vous n’avez pas les moyens pour payer l’engrais minéral, vous allez vous retrouver avec une bonne production agricole », souligne M. Somé. Il invite les producteurs à s’organiser en coopérative. Pour le moment, dans son cercle d’encadrement, ce sont six coopératives comprenant 250 personnes qui produisent l’engrais naturel. Kobina Somé et son équipe poursuivent les sensibilisations pour que d’ici 2030, tout le monde puisse atteindre le seuil de 100% dans la production de compost.

« Il faut sensibiliser les acteurs du monde rural par rapport au bienfait du compost afin qu’on puisse atteindre la sécurité alimentaire. Aujourd’hui, on veut une bonne production.
Pour atteindre une bonne production, il faut nourrir le sol. Et pour nourrir le sol, il faut produire le compost », suggère Kobina Somé.

Adaman DRABO

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