Si j’étais président…

Si j’étais président de la République, je ferais de ma fonction, l’onction du peuple souverain dont la satisfaction dépend de mes actions. Je serai l’homme de mes discours et mes discours auront valeur de serment. L’Etat serait l’émanation d’un destin commun, partagé et défendu. Le gouvernement serait une organisation de compétences dévouée à la nation. Je ne serais pas là pour occuper un fauteuil mais pour faire de mon mandat un recueil de combat sans écueil. Je ne marcherais pas sur le tapis rouge de la vanité, juste pour le symbole du pouvoir éphémère ; chacune de mes foulées serait le pas de plus qui ajoute de l’allure à la marche du peuple éternel. Je ferais en sorte que la Constitution ne soit pas un manuel de prostitution, attouchée et retouchée, mutilée et violée sans le minimum de préliminaire citoyen.
Si j’étais président de la République, je me battrais contre la pauvreté et non contre les pauvres. Je ferais en sorte que le riche ne triche pas avec les impôts et que sa contribution soit à l’aune de sa richesse. Le pauvre devrait apporter sa pierre sans être obligé de subir le parcours de Sisyphe. Je veillerais à ce que les ressources de mon pays ne soient pas bradées au profit des multinationales. Mes ministres ne seront pas obligés de circuler dans des voitures de luxe pour rendre convenablement service à la nation. Le député ne serait pas un somnambule votant, mais un veilleur avisé des réalités du terrain. Le Parlement ne serait plus la caisse de résonnance d’une chorale de béni-oui-oui, mais une agora où la contradiction transcende la compromission. Les citoyens ne seraient pas traités ou jugés selon leur plumage politique mais en fonction de leurs droits et devoirs. Entre le riche et le pauvre, la Justice utiliserait la même balance sans peser en faveur de l’un ou l’autre. Le droit n’aurait pas la rectitude d’une faucille mais la droiture de l’épée qui tranche sans complaisance. La toge ne serait pas une robe de chambre légère et sans ceinture ; un accoutrement de camouflage ou un boubou froufroutant de billets craquants. Devant la loi, même le président devrait répondre à haute voix et pourrait grincer des dents. L’administration publique ne serait pas la propriété d’un parti politique mais le patrimoine d’un peuple. Les postes à pourvoir ne seraient plus des pourboires de strapontins à partager avec la mouvance en guise de récompense. Le fils à papa et celui de « baba » devraient se sentir égaux et concourir sainement sans le moindre réflexe de complexe.
Si j’étais président de la République, je serais le premier à aller au charbon sans porter des gants et à mettre la main à la pâte. Je retrousserais les manches et suerais à la tâche et j’engagerais chaque citoyen à en faire autant. Parce que le bon exemple serait le ciment de mon contrat social. Je ferais du travail la seule trouvaille qui vaille pour notre développement. D’ailleurs, le développement serait défini selon nos cultures et nos traditions et je ne me foulerais pas la rate pour rattraper les autres. Parce que le vrai développement n’est pas une course de vitesse aux trousses d’un train qui passe. Je ne me prélasserais pas sur la natte des autres et en tendant la main et la sébile pour m’épanouir. Je consommerais ce que je produis, parce qu’une sagesse de chez moi dit que c’est l’enfant intelligent qui achète les beignets de sa mère. Je ne me féliciterais pas d’une courbe de croissance en érection à deux chiffres. J’irais jeter un coup d’œil dans le panier de la ménagère pour prendre le pouls de l’état de précarité ou du niveau de pauvreté de mes concitoyens. L’état de bonheur de mon peuple ne dépendrait pas d’un indice venu d’ailleurs, mais de mon constat in situ. Parce que chez moi, un dicton dit que le sommeil profond et paisible se reconnaît dans la manière de somnoler. Je dirais à la jeunesse que sa tête et ses dix doigts sont les premières pépites d’un gisement à ciel ouvert et j’y mettrais les moyens pour qu’il creuse jusqu’au filon. Je ferais de la femme le pilier de mon gotha et sans quota, je la mettrais en valeur à travers une promotion du genre qui n’oublie pas l’homme. Parce que le genre n’est pas que féminin ; il est aussi masculin. Parce qu’être femme n’est ni une faiblesse ni une excuse. On ne saurait promouvoir la femme en la comparant ou en l’opposant à l’homme. Voilà pourquoi, mon Premier ministre serait une femme. Dommage que ne devient président qui veut mais qui peut. Et chez nous celui qui peut a forcément de l’argent, parce que l’argent achète les gens. Ceux qui n’ont que des idées misent et jouent toujours sur un bidet. On ne mange pas les idées ! Chaque peuple mérite donc ses dirigeants. Finalement, la vraie pauvreté, est-ce dans la poche ou dans la caboche ?

Clément ZONGO
clmentzongo@yahoo.fr

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