L’ancien capitaine des Etalons et ambassadeur pour le sport depuis novembre 2024, Charles Kaboré, s’est prêté aux questions des journalistes de la rédaction pendant plus d’une heure. Nous vous proposons la publication de cet entretien en deux parties. Dans ce présent numéro, nous abordons avec l’ex-joueur de l’Olympique de Marseille, ses fonctions actuelles d’ambassadeur pour le sport burkinabè.
Comment avez-vous accueilli votre nomination comme ambassadeur pour le sport ?
Tout d’abord, je tiens à remercier Son Excellence le capitaine Ibrahim Kaboré qui a eu l’idée de me nommer comme ambassadeur pour le sport. Bien avant, j’ai eu la chance de faire le tour de toutes les disciplines sportives. Les autres sports aussi ont besoin de visibilité, de suivi et d’accompagnement. Aussi, les sportifs sont les acteurs les plus importants. Nous devons viser plus la performance de nos athlètes. Comment faire pour accompagner les fédérations ?

C’est ce qui a prévalu à ma nomination. La diplomatie sportive aussi est un pan de mes attributions. Il faut chercher des sponsors et des partenaires qui peuvent nous accompagner dans les projets sportifs, que ce soit dans les infrastructures, le financement des acteurs, des bourses pour les athlètes, etc. Il s’agit également de promouvoir et de valoriser ce qui peut assurer le rayonnement du Burkina Faso à l’intérieur comme à l’extérieur.
Quelle est la particularité de l’ambassadeur que vous êtes par rapport à d’autres sur le plan diplomatique ?
Je suis rattaché à trois ministères sous l’autorité directe de Son Excellence le capitaine Ibrahim Traoré. En plus, je suis rattaché au ministère des Sports, aux départements des Finances et celui des Affaires étrangères. Le ministère des Affaires étrangères intervient dans le domaine diplomatique. A chaque fois que je dois me déplacer, l’ambassadeur du Burkina dans les pays où je vais, doit m’accueillir et m’ouvrir son carnet d’adresse pour que je puisse échanger au nom de l’autorité.
Jusqu’où s’étendent votre champ d’action et vos compétences ?
Je me suis constitué un carnet d’adresses en tant que joueur, en tant que sportif de haut niveau, et je suis en collaboration avec l’Olympique de Marseille, le club où je suis passé.
Au Maroc, où j’ai suivi l’équipe nationale cadette (NDLR : en avril dernier), je suis allé visiter leur centre d’entraînement et il est très performant. A chaque déplacement, il faut rencontrer les acteurs de ces pays-là pour voir comment ils peuvent nous accompagner. Nous voulons aussi copier certaines idées pour venir les reproduire au Burkina. Nous n’avons pas les mêmes réalités il est vrai, mais nous pouvons les adapter aux nôtres. Aujourd’hui, ce n’est pas que moi. Tout un chacun, tous les anciens sportifs et ceux qui sont encore en activité peuvent jouer ce rôle-là. Ils sont des ambassadeurs naturels. On peut s’accompagner sur les projets et sur la vision des autorités, ce qu’elles veulent qu’on fasse pour faire avancer le sport au Burkina.
En quoi consiste exactement votre mission ?
Ma mission consiste à promouvoir et à apporter de la visibilité aux activités sportives. Il y a des activités qui sont menées depuis 15 ans, mais nous ne le savons pas. Et il y a d’autres qui se déroulent sans qu’on fasse un peu de publicité ou de la communication. Or, la communication contribue à 80% dans la réussite d’une activité.
Chaque fois que nous posons un acte, nous devrons le mémoriser, faire en sorte que le peuple burkinabè sache qu’il y a un travail qui est fait dans le domaine sportif. En plus, le sport est un facteur de cohésion et de rassemblement, en lien avec la jeunesse. Parce que dans les infrastructures sportives, il y a des emplois. C’est dire que dans tout ce qui est lié au sport génère beaucoup d’emplois. Nous devons travailler à sensibiliser la jeunesse pour qu’elle s’investisse dans le sport afin qu’elle ne tombe pas dans la facilité et dans les vices qui ne sont pas bien pour leur développement personnel.
Etre un ambassadeur pour le sport burkinabè n’est-il pas un lourd manteau à porter pour vous ?
Si l’autorité a jugé bon de me nommer à ce poste, c’est qu’elle sait que j’en suis capable et que je peux le faire. Mais, j’ai besoin d’aide et le soutien de tout un chacun. Je ne suis pas seul. Nous sommes tous ensemble dans le même bateau.
Si je réussis, c’est que nous aurons tous réussi. Et si j’échoue, nous aurons tous échoué. Ce n’est pas Charles Kaboré seul, ce sont tous les acteurs sportifs du Burkina qui auraient échoué. Je suis ouvert à tous les conseils, surtout des techniciens qui, je trouve, sont les plus importants dans le domaine sportif. Il faut être attentif à ce qu’ils disent parce qu’ils ont du vécu. Ce sont des hommes de terrain.
J’ai été footballeur, mais en dehors du terrain, il y a des gens qui sont plus important que je dois souvent écouter. Je suis ouvert à tout et à tous les avis. Tout le monde est important et a son mot à dire dans le sport et dans mes missions d’ambassadeur pour le sport.
Depuis votre prise de service, quelles sont les actions phares déjà menées ?
Bien avant notre nomination, nous étions au Tour du Faso 2023. Je profite de l’occasion pour remercier le Directeur général du Fonds national pour la promotion du sport des loisirs, le commandant Karim Souabo, qui a eu une vision sportive de me faire participer à beaucoup d’événements. J’ai été aux Jeux africains au Ghana en mars 2023, aux Jeux Olympiques (JO) en France, au championnat d’Afrique d’athlétisme à Douala. J’ai été également au tournoi militaire africain, comme aux Jeux olympiques africains militaires à Abuja.
Tout récemment, en avril dernier j’ai suivi les Etalons U-17 au Maroc, les Etalons A au Mali, en Côte d’Ivoire et tout récemment au Maroc et en Guinée-Bissau. Je suis allé à l’Olympique de Marseille deux fois pour un partenariat avec le club et le président, dans le but d’assurer la formation de nos entraîneurs.
J’ai également rencontré OM Fondation pour voir comment ils peuvent nous accompagner. Avec le directeur médical de l’OM, nous avons échangé sur une possibilité de formation de nos médecins sportifs.
Votre mission nécessite des ressources tant sur le plan humain que financier. Avez-vous eu le minimum pour bien débuter votre mission ?
C’est un nouveau poste, on m’accompagne du mieux possible. Il n’existe pas un fonds spécial dégagé pour l’ambassadeur, c’est un don de soi personnel. Dans les années à venir et avec mon investissement personnel, beaucoup de choses vont se mettre en place. Déjà, c’est un honneur et une fierté d’être ambassadeur pour le sport burkinabè. Je me sens utile et prêt à servir le pays. Les finances ne sont pas les plus importants. Le plus important, c’est d’apporter le maximum. Les autorités aussi sont prêtes et ouvertes à m’accompagner dans ma mission.
Cette nomination est-elle, selon vous, une reconnaissance envers les anciens sportifs ?
Son Excellence le capitaine Ibrahim Traoré considère le sport comme un facteur de cohésion et de rassemblement. Tous les fils du Burkina Faso doivent être unis et s’accepter. Et le sport peut unir les peuples. Si nous réussissons dans le sport, nous pourrons aider beaucoup de personnes. Nous sommes tous Burkinabè. Nous devons rester unis. C’est très, très important. Les hommes passent, mais le Burkina reste.
Quelles sont vos priorités à court, moyen et long terme ?
Notre priorité actuellement est d’assurer la formation de nos entraîneurs et de nos formateurs. Il est très important que nous nous mettions à la page. Parce que les règles changent chaque année.
Il s’agit aussi d’amener des partenaires fiables qui peuvent nous aider à la réalisation des infrastructures et le financement du sport en général. Il faut aller chercher ces financements à l’extérieur car l’Etat ne peut pas tout faire.
Sur le plan national, la formation des directeurs marketing des fédérations est la bienvenue. Il y a des petits détails souvent qu’ils n’arrivent pas à comprendre, ce qui fait que les sociétés refusent de les accompagner. Un travail collectif doit être fait pour attirer les sponsors afin d’aider les fédérations et les sportifs.
Comment appréciez-vous l’évolution des sports burkinabè ?
J’ai pratiquement effectué le tour, pendant un an, et j’ai beaucoup observé et vu. Le constat est qu’il y a des domaines dans lesquels nous étions très forts, où nos sportifs excellaient. Mais aujourd’hui, nous régressons. Alors, il faut que nous nous posons les bonnes questions et cherchions à nous améliorer. Dans le cyclisme par exemple, nous étions devant le Mali, le Bénin et bien d’autres pays. Le Burkina Faso était la référence dans le cyclisme dans la sous-région. Aujourd’hui, le Mali, le Rwanda, le Bénin sont dans une bonne dynamique. Le Burkina Faso doit repartir à zéro, se renforcer pour remonter encore la pente. Car, les pays que j’ai cités sont en train de nous dépasser.
Comment organiser notre sport pour qu’il soit un secteur industriel rentable, qui rapporte plus d’argent au lieu que les fédérations s’accrochent aux subventions de l’Etat?
Je vais être honnête avec vous. L’expérience que j’ai eue en tant que sportif de haut niveau en Europe montre que l’Etat n’intervient pratiquement pas dans les structures fédérales. Ce sont les sponsors qui financent à 99% les fédérations. Dans le cas du Burkina Faso, il faudra chercher à connaitre les problèmes réels des fédérations, ce dont elles ont besoin. Lorsque l’Etat leur donne la subvention, il faut que les fédérations le justifient. C’est tout à fait normal. Mais, l’Etat ne peut pas tout faire. En Europe, les clubs sont indépendants.
En plus, il est important de construire son stade pour avoir ses propres recettes dans la vente de maillots, de boissons…Il faut avoir de la créativité, se réinventer. Comme je le disais la dernière fois, j’aurais bien aimé que l’ASFA-Yennenga reçoive à la Patte d’Oie, leur quartier. Chaque club burkinabè devrait le faire aussi.
Je ne peux pas être un supporter de l’ASFA au stade municipal, sauf si je suis un vrai passionné. Le Burkina Faso est différent de l’Europe. Les Burkinabè sont passionnés par le Barça ou le Real, mais ces clubs sont passés par là où sont nos formations aujourd’hui. Qu’est-ce qu’ils ont fait pour atteindre ce niveau-là ? Nous devons chercher à copier un peu les autres. Je ne dois pas laisser mon championnat et aller suivre pour les autres. C’est une question de patriotisme. Nous devons encourager nos sportifs, nos enfants, nos frères. Je vais donner quelques conseils aux dirigeants burkinabè pour leur expliquer comment les Européens font pour être aussi performants dans la gestion de leurs clubs.
En ce qui concerne la gestion des fédérations, il faut être transparent à 200 %. Si on est bénévole, il faut être un très bon bénévole. Tu ne peux pas être bénévole et attendre des choses en retour. Ce n’est pas normal.
Actuellement, nous faisons du bénévolat en tant qu’ambassadeur pour le sport. Oui, c’est la vérité. Parce que j’aime mon pays et je veux l’évolution de mon pays. Sinon, je pouvais me cacher aller en France, m’asseoir chez moi et me donner à 50%. Mais non, je suis à 200 %. Ça, c’est une certitude. C’est le Burkina Faso d’abord. C’est le collectif.
Quand le collectif marche, les individualités émergent. Mais quand on est individuel, le collectif ne peut pas marcher. Une équipe qui gagne, c’est une équipe qui est collective.
Depuis votre nomination, vous êtes sollicité partout, même dans des activités hors sport. Comment arrivez-vous à gérer toutes ces sollicitations ?
Tous les acteurs sportifs sont importants, que ce soit du plus petit au plus grand. Il faut avoir une oreille attentive et écouter. Parce qu’à travers ces sollicitations, moi aussi, je prends des conseils et j’apprends de certains. Comme je l’ai dit, tous les avis comptent.
Avec toutes ces sollicitations, est-ce que vous arrivez à consacrer du temps à votre famille ?
Ma famille est actuellement à l’extérieur. Normalement, on devait déménager tous ensemble au Burkina. Mais la famille comprend.
Pour moi, ma priorité a toujours été le Burkina Faso. Ça n’a pas jamais changé. C’est à la famille de s’adapter.
Qu’est-ce qu’il faut, selon vous, pour que le Burkina devienne véritablement un pays de sport ?
C’est d’être transparents et de vrais patriotes.Si le Burkina gagne, c’est nous tous qui gagnons. Il faut éviter les intérêts personnels dans le collectif. Tous ensemble, nous pouvons gagner. Si le Burkina veut atteindre le haut niveau, il faut que tous les acteurs soient transparents et œuvrent dans la bonne marche du sport en général. Dans 20 ans, 30 ans, 40 ans, certains vont dire qu’il y a eu Charles Kaboré un jour à ce poste qui a fait ceci ou cela. Je voudrais qu’on parle en bien de moi, en disant : Charles a posé tel acte. Lorsqu’on travaille aujourd’hui, c’est pour demain. C’est pour les 10 ans à venir. Il faut réfléchir, pas pour le présent, mais pour de lendemains meilleurs du Burkina Faso dans le domaine sportif.
Par exemple, si dans 20 ans, 30 ans, Charles Kaboré a pu construire un stade ou a posé du gazon sur le terrain de l’ASFA-Y, de l’EFO ou de Vitesse FC, ce sera une fierté pour moi.
Si j’ai pu emmener des investisseurs pour investir dans ces stades-là, pour que ces clubs puissent recevoir leurs supporters dans leurs propres stades, ce serait une grande réussite pour moi.
La Rédaction
