Depuis le 3 novembre 2024, Ousséni Kabré est le nouveau président de la Fédération burkinabè de Lutte. Lieutenant de Police de son état, il explique dans cet entretien ses motivations et son plan quadriennal pour
le développement de la discipline.

Qu’est-ce qui vous a motivé à prendre la tête de la Fédération burkinabé de Lutte ?

La motivation est toute simple. Nous voulons apporter la pierre à l’édification, à la construction de la chose publique qui est la Lutte, une discipline tant aimée par les burkinabè. Nous avons foi que nous pouvons apporter beaucoup de choses afin d’améliorer cette pratique sportive qui est aussi culturelle.

Vous avez été élu président à l’issue d’un vote serré. Ne craignez-vous pas un mandat mouvementé ?

Non pas du tout. Je ne pense pas qu’il y aura des agitations parce que c’était juste des élections. Mais au-delà, nous en sommes conscients que le travail doit commencer par le rassemblement de la grande famille de la Lutte burkinabè.

Quelle stratégie allez-vous employer pour rallier ceux qui ne vous ont pas voté ?

Juste après les élections, nous sommes entrés en contact avec ceux de l’autre camp. Je pense que tout doit commencer par là. L’objectif de ces rencontres est de faire asseoir une base solide autour d’une même vision, le développement de la Lutte au Burkina Faso.

Allez-vous pouvoir réunir toute la famille de la lutte ?

Si. Nous ne sommes pas venus pour diviser. Pour mener à bien notre mission, il faudra travailler avec tout le monde. C’était juste des élections pour que quelqu’un dirige. Ce n’est pas une chose personnelle. Les actions que nous prendrons sur le terrain vont démontrer que chacun doit mettre sa main pour la réussite de la chose.

Succéder à un président qui a fait plus de 10 ans ne vous met-il pas davantage de pression ?

Pas du tout. Si la pression doit exister, on n’allait même pas aller aux élections. Je crois qu’il n’y a pas de problème. Nous allons aller vers lui pour prendre conseils afin de bien mener notre mission.

Quelles seront vos priorités à l’entame de votre mandat ?

Notre mandat aura une vision large. De par le passé, nous avons constaté, c’est vrai par manque de moyens, nous n’arrivions pas à effectuer assez de compétitions. Alors, nous allons faire en sorte qu’il y ait assez de compétitions, déjà au niveau des ligues où nous allons apporter notre soutien en élargissant notre gestion financière vers ces entités. Aussi, nous allons miser sur la relève afin d’avoir une base solide.

Quel diagnostic établissez-vous sur la Lutte au Burkina Faso ?

Ce qui est fait de par le passé est bien. Mais force est de reconnaitre que nous avons pêché au niveau de la relève. Aujourd’hui, les foyers de Lutte sont en train de s’éteindre. Une triste réalité pour la discipline. Pour redonner à la Lutte burkinabè son lustre d’antan, il va falloir travailler à ce que ces foyers puissent être rallumés afin que nous puissions assurer la relève parce que tout par de là.

Nos lutteurs peinent à bien
figurer ces derniers temps à l’international, quelles en sont les raisons, selon vous ?

Nous pratiquons la Lutte traditionnelle. Par contre à l’international, on parle de lutte gréco-romaine, lutte olympique et la lutte de plage. Ce sont ces formes de lutte-là qui sont beaucoup pratiquées à l’international. Jusque-là, nous n’avons pas du matériel pour la pratique de ces formes de lutte. Par contre, nous avons des techniciens capables de former nos lutteurs depuis la base. Si nous ne préparons pas la relève, nous ne pouvons pas espérer figurer à l’international. Donc, il faudra vraiment repartir à la base et ne pas s’attendre à des résultats immédiatement parce que ce sera un long processus.

Est-ce qu’il y a une stratégie de vulgarisation de la Lutte gréco-romaine ?

Si. Nous ne demandons que du matériel. Nous avons des encadreurs. Il suffit juste que nous fassions le tour des 13 régions et qu’on procède à un regroupement de lutteurs. Le secrétariat permanent de la relève fait déjà un excellent travail. En collaboration avec cette structure du ministère en charge des sports, nous allons créer des pôles. Déjà avec les tapis de judo, on verra ceux qui seront aptes à la pratique de cette forme de lutte. Nous allons les orienter vers un centre que nous allons créer à cet effet. C’est là-bas que nous aurons la crème de la crème.

Avez-vous une politique de reconversion des anciens lutteurs ?

Je vous assure que nous allons travailler pour qu’il ait cette possibilité. J’ai échangé avec un champion. Il m’a dit qu’il souhaiterait être comme les Nigériens. Je lui ai demandé comment ça se passe au Niger ? Il m’a dit que si tu es champion là-bas, on te donne un champ et des moyens. Je crois que c’est possible. Actuellement, avec la politique des plus hautes autorités avec l’Offensive agricole, agrosylvopastorale, je crois que nous pouvons faire des projets viables pour ces jeunes lutteurs.

Quel est votre programme pour les 4 ans à venir ?

Notre programme, nous l’avons intitulé « Nere ». A travers ce programme, nous nourrissons l’ambition de changer la gouvernance. Egalement, élaborer des plans stratégiques afin d’intégrer la compétition à la relève et la vulgarisation de la lutte féminine. Nous allons faire en sorte qu’il y ait beaucoup plus de compétition au niveau des autres structures déconcentrées, ligues, districts.

Avez-vous un appel ?

Je voudrais que tous ceux qui aiment la Lutte pensent au développement de notre culture. C’est notre seul sport culturel parce qu’il est toujours accompagné de la musique traditionnelle. Je souhaiterais que tous ceux qui aiment la Lutte puissent se tourner vers la discipline, apporter les moyens nécessaires afin que nous puissions arriver à faire de cette discipline culturelle la nôtre. Il ne faut pas qu’on se laisse inondé par des sports importés. Il faut que nous arrivions à trouver notre indépendance en faisant développer notre sport. Aux parents, je demande qu’ils acceptent laisser les enfants venir à la Lutte parce que ça véhicule des valeurs. Imaginez-vous quelqu’un qui tombe au milieu de 1 000 personnes qui se lève et qui revient le lendemain, c’est ça le burkinabè, c’est cela la combattivité et c’est cela la résilience.

ITW réalisée par Ollo Aimé Césaire HIEN

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