Kamou Malo est sans conteste l’entraineur burkinabè en activité le plus titré du pays après son double sacre de champion national avec le RCK en 2016 et 2017 (également vainqueur de la coupe du Faso avec les Faucons en 2016), sans oublier ses deux récents titres avec l’AS Douanes. L’ancien sélectionneur des Etalons ira cette saison à la conquête du championnat guinéen, sa première sortie, hors du Burkina en tant qu’entraineur de club, après avoir paraphé un contrat en juillet dernier avec le Club industriel de Kamsar en Guinée Conakry. Il était l’invité de la rédaction de Sidwaya en fin août dernier et nous vous proposons la première partie de cette interview au cours de laquelle il a abordé, avec les journalistes, sa carrière d’entraineur dans le Fasofoot, le niveau du championnat burkinabè, les raisons de son départ en Guinée et les objectifs avec son nouveau club.
Sidwaya (S.) : Vous avez remporté le championnat deux fois successive-ment avec l’AS Douanes. Et ce sont les deux premiers titres de champion dans l’histoire du club. Est-ce que vous vous considérez comme une légende de cette jeune formation ?
Kamou Malo (K.N) : Non ! Je ne me considère pas comme une légende. Parce que cette équipe est appelée à vivre et à traverser des années. Il y aura d’autres personnes qui vont écrire la légende de cette équipe. J’ai été honoré d’être associé aux deux premiers titres de champion de l’AS Douanes. Mais, je ne me considère pas comme une légende.
Nous avons tracé les sillons, nous avons ouvert le chemin et je pense que l’équipe est appelée à se bonifier avec le temps. Après avoir remporté deux titres, si je me considère comme une légende, cela voudrait dire que je condamne cette équipe à ne plus prospérer.
J’ai contribué simplement à écrire une partie de l’histoire de l’AS Douanes. Permettez-moi de dire merci à cette équipe, à ses dirigeants. Car, ils m’ont permis de me régénérer et d’être actuellement assis devant vous.

S : Quels ont été vos atouts majeurs pour la conquête de ces titres ?
K.N : Comme tout boulot et c’est ce que vous faites au quotidien, s’il n’y a pas de passion, c’est difficile. S’il n’y a pas d’amour pour le travail que vous faites, ce serait compliqué d’avoir des résultats.
Aussi, il faut se faire entourer de personnes qui ont la même vision que vous. A l’AS-Douane, j’ai bénéficié de ces concours de circonstances. Parce que ce n’est pas partout que vous aurez toutes ces conditions réunies pour être champion. Le travail et l’abnégation, je pense, permettent à l’homme de réussir une œuvre ou une action. En plus de cela, il faut aimer son travail, être passionné, surtout que nous sommes dans le domaine du sport. Vous savez, on ne réussit rien sans passion en sport.
S : Des deux titres de champion, quel est celui qui a été le plus difficile à décrocher ?
K.N : Le deuxième titre (NDLR : saison 2023-2024). Il a été vraiment difficile à aller chercher. L’environnement du football burkinabè n’a pas été simple cette saison-là. Il y a eu beaucoup de remous qui ont eu un impact négatif sur l’équipe que je conduisais. Il fut un moment où le nom Kamou Malo s’associait à tout ce qui est combat (Rire). J’ai dû batailler ferme pour terminer champion. On a eu peur à certains moments de la saison. Mais, c’est le titre qui m’a fait plus plaisir parce que je crois que nous l’avons mérité. Nous l’avons obtenu à la sueur du front.
S : L’AS Douanes n’a pas répondu cette saison aux attentes en championnat. Qu’est-ce qui s’est passé ?
K.N : Alors, vous avez dit que l’invité de la rédaction de Sidwaya est une tribune sans tabou. J’espère que je ne serai pas rattrapé par ce que, je vais dire. D’abord, quand vous êtes dans une équipe, surtout que nous avons remporté deux titres de champion d’affilé, en plus de deux titres de la super coupe, tout le monde pense que c’est facile. Alors, les critiques arrivent et chacun veut s’attribuer le mérite. Cela a commencé en interne. L’organisation du club que nous avions au départ a commencé à montrer des failles. Aussi, dans notre effectif, vous avez vu que nous étions obligés de nous séparer de nombreux cadres. Notre projet était de reconstruire.
Mais en la matière, les gens ne sont pas toujours patients. Au moment où nous avons décidé de reconstruire, l’AS Douanes devrait représenter le Burkina en Ligue des champions de la CAF. Malgré l’objectif qui était de reconstruire l’équipe, il fallait aussi se qualifier pour les phases de groupes de la Ligue des champions. C’est bien. J’ai joué le jeu, j’étais à fond. Nous nous sommes confrontés à des limites objectives, parce que pour entrer dans cette phase de poules, il fallait une bonne organisation et mettre les moyens. C’est l’AS-Douanes, ils mettent les moyens plus que pratiquement n’importe quelle équipe du Burkina. Mais, est-ce que ce sont des moyens suffisants pour aller jusqu’au toit de l’Afrique ? Je pense que non.
De même, vous savez que là où la confiance manque, c’est difficile de trouver un équilibre.
C’est ce qui a rendu notre saison très difficile. Je vous l’avoue, à 5-6 journées du championnat, j’avais envie de rendre le tablier. Il a fallu beaucoup de courage pour terminer la saison.
S : L’équipe visait les phases de groupes de la ligue des champions mais, elle s’est séparée de plus de 10 joueurs. Est-ce que c’était réaliste ?
K.N : Dans cette situation, le commun des supporters burkinabè voit le coach. Mais un coach ne paie pas les joueurs. Les gens pensent qu’il a le droit de désigner ses joueurs. Nous sommes dans un club associatif où chacun a son mot à dire. Je ne suis pas le seul à décider. Cependant, j’assume ma part de responsabilité dans cet échec. Parce que si vous ne vous remettez pas en cause, je ne vois pas comment vous pourrez progresser. Nous avons commis des erreurs de casting.
Nous avons fait venir des joueurs qui n’ont pas joué plus de deux matchs alors qu’ils ont été transférés à des sommes pas possibles pour le championnat burkinabè. Cela entraîne des frustrations dans le groupe. Nous ne devons pas nous en prendre directement aux joueurs. Nous devons nous en prendre qu’à nous-mêmes, que ce soit l’entraîneur que je suis, et aussi les membres du bureau. C’est nous qui avons discuté et décidé. Nous avons pris des décisions et aujourd’hui, nous nous rendons compte que ce n’était pas les bonnes.
S : Est-ce que vous avez eu les mains libres pour travailler?
K.N : Un coach n’est pas celui qui décide de la vie de tout le club. Le technicien que je suis souhaite contribuer au recrutement de mes joueurs.
Maintenant, là où je demande un espace de liberté, c’est sur le terrain. Et là-bas, personne ne doit me déranger. Je peux vous le garantir, j’avais la liberté de constituer mon équipe, même si cela ne plaisait pas à certains. J’ai toujours été responsable des joueurs que j’alignais sur le terrain et j’ai assumé quel qu’en soit les résultats.
S : L’AS Douanes tout comme des clubs comme l’USFA et l’AS Sonabel ont fait beaucoup de matchs nuls cette saison. Quel est selon vous le problème ?
K.N : Comme je vous l’ai dit, la saison écoulée était une saison particulière. Je ne veux pas revenir sur certains aspects ici qui ont impacté le groupe. Parce que tout ne s’est pas déroulé sur le terrain.
Par exemple vous, vous constituez une rédaction, n’est-ce pas ? Alors, vous avez un chef de rédaction. Mais, il ne commande pas vos vies à l’extérieur du journal. Et quand vous venez au travail, chacun vient avec ses émotions qu’il a eues depuis son domicile. Parfois, cela peut impacter sur le travail.
C’est exactement la même chose que nous avons vécue à l’AS Douanes cette année. Il y a eu un environnement, j’allais dire, regrettable, sur l’ensemble du Fasofoot. Il faut avoir le courage de le dire. Le nouveau président de la FBF, pour réussir, doit arriver à apaiser les cœurs. Aussi, pour la saison écoulée, l’AS Douanes avait cette particularité d’avoir remporté deux fois de suite le titre. Les autres clubs avaient donc à cœur de décrocher l’AS Douanes de son piédestal.
Ce qui est normal sportivement. Il y a également tout ce qui a entouré les élections à la Fédération. Bien que sur le plan africain, nous n’ayons pas réussi à intégrer les phases de groupes, nous avions une belle équipe qui pouvait réussir à accrocher à nouveau le titre.
S : Le constat est que dans le championnat, plusieurs clubs jouent d’abord pour ne pas perdre, quitte à compter sur la défaite des adversaires pour grapiller des places au classement…
K.N : Je vais être clair avec vous. Je suis un technicien. Je ne vais jamais aborder les matchs de la même manière. Car, je suis conscient de la force de mon équipe par rapport à l’adversaire. En fonction de cela, je vais mettre en place un plan de jeu et je vais briefer mes joueurs par rapport à l’adversaire.
Vous dites qu’on joue pour ne pas perdre. Mais qu’est-ce qu’un championnat ? A la fin de la 30e journée, qui est champion ? C’est celui qui aura marqué le plus de points. Vous êtes d’accord avec moi ? La presse burkinabè parle tout le temps du spectacle. Mais au-delà du spectacle, il n’y a que le résultat qui maintient un coach sur le banc.
Nous avons enregistré plus de matchs nuls que de défaites et de victoires. C’est vrai. Si c’était à mettre sur une balance, je préfère avoir ces matchs nuls qu’autant de défaites. Le championnat s’est joué sur de petits détails. Sinon, il y a des matchs où je sais que mon équipe n’a pas été performante. Il y a des matchs où nous avons mené au score et on s’est fait rattraper, mais il y a des nuls aussi que nous sommes allés chercher. N’oubliez pas qu’on peut être champion avec un point.
S : Est-ce que vous êtes d’accord avec ceux qui disent qu’il y a eu des matchs arrangés vers la la fin du championnat?

K.N : C’est un sujet assez délicat. S’il y a eu des matchs arrangés, je ne sais pas. Je suis dans le football burkinabè depuis plus de 20 ans. Et Kamou Malo ne s’associe pas à ce genre de pratiques. Nous sommes dans un environnement au sein duquel le coach ne peut pas tout maîtriser. Déjà, je ne maîtrise pas les joueurs, car ils sont à l’externat. En plus, tout le monde se connaît à Ouagadougou. Et avec l’avènement des portables, il est facile d’entrer en contact avec n’importe quel acteur à une heure du match. Aujourd’hui, je n’ai pas la preuve qu’il y a eu des matchs arrangés. Mais, l’opinion pense, par rapport aux résultats et aux forces des équipes en place, qu’il pourrait y avoir des arrangements.
Je n’ai pas vécu cela, même si, quelques fois après certains de mes matchs, des idées confuses me viennent à la tête. Mais sans preuve, je n’accuse pas.
S : Vous avez eu quelques fois des soupçons ?
K.N : Nous sommes des êtres humains. Quand tu perds un match, tu te poses parfois des questions ? Mais ça n’a rien à voir avec ce que les gens pensent. Si tel est le cas, il va falloir sévir. Parce que quand ces genres de pratiques entrent dans un championnat, la qualité fout le camp. Le mérite n’est plus là.
J’ose penser que c’est la passion qui emmène les uns et les autres à faire ce genre de déclaration.
S : Les équipes burkinabè ne marquent pas beaucoup en championnat. Par exemple le meilleur buteur cette année à marquer 14 buts. Qu’est-ce qui justifie cela ?
K.N : Le championnat burkinabè est très viril. J’ai eu la chance de recevoir des joueurs d’autres pays, d’autres championnats. La chose qui saute à l’oeil, c’est qu’ils mettent du temps avant de s’adapter. En plus, il n’y a pas d’espace. Ce n’est pas une mauvaise chose. Nous puisons cela dans notre comportement naturel. Le Burkinabè, sur le terrain peut avoir moins de qualité, mais pas de manque d’engagement. Dans le championnat, les défenses prennent le pas sur les attaques.
Sinon, il n’y a pas une équipe qui ne travaille pas devant le but. Je veux que vous, en tant que journalistes sportifs, ayez cette lecture : le Burkinabè ne peut pas jouer comme l’Espagnol. Nous sommes d’accord là-dessus. C’est dans nos gènes. Dans la vie, soit on est patient ou on est pressé. Le Burkinabè se situe dans quelle catégorie ? Le Burkina Faso est l’un des rares pays où, tu vois, le policier ou le VADS (NDLR : Volontaires adjoints de sécurité) au feu, mais certains usagers arrivent et brulent allègrement le feu rouge. Le Burkinabè est pressé.
Notre football aussi n’échappe pas à cette dynamique. Et vous voyez que notre force dans ce football-là, ce sont les attaques rapides. Mais, ce n’est pas une faiblesse. Il suffit de travailler notre possession de balles. Et en alliant les deux, nous allons réussir. Je pense que nous sommes sur la bonne voie.
S : Vous avez été champion du Burkina avec le RCK en 2016 et 2017 et l’AS Douanes. Dans lequel des clubs, ces titres vous ont rendu le plus fier ?
K.N : Je vous réponds tout de suite, c’est le RCK, parce que c’était mes premiers titres. Et c’est avec le RCK que j’ai été révélé au Burkina. Même si, déjà avec le BPS, j’avais été élu comme personnalité AJSB en 2008. Avec le RCK, j’ai vécu des moments magiques. C’était mes premiers titres et il n’y a rien de tel, tu es dans les nuages. Cependant, l’adrénaline est moindre en championnat parce que, parfois, à deux journées de la fin, tu sais que tu seras champion. Mon premier trophée de Coupe du Faso, c’était face à l’ASFA Yennenga (NDLR : en 2016). Je ne vous le dis pas : ça ne s’oublie pas aussi facilement.
S : Votre cœur bat pour quel club burkinabè. L’on soupçonne Malo d’être un fan de l’EFO ?
K.N : Mon coeur bat pour le football burkinabè. C’est la réalité. L’un des secrets de ma réussite est que je ne me suis jamais attaché à un club. Un entraineur doit pouvoir travailler partout. Je peux avoir des atomes crochus avec certains clubs mais, mon cœur bat surtout pour le football burkinabè.
S : Avec le recul, quel est le club qui a été le plus facile à coacher dans votre carrière?
K.N : (Silence) Il n’y a pas de club facile au Burkina. Je vous le dis et je sais de quoi je parle. Après le RCK, je suis allé à l’AS SONABEL, puis l’USFA. Je précise que j’ai entrainé deux fois le RCK (NDLR : 2010-2013 et 2015-2018). Partout, il y a la pression. Ma particularité est qu’avant que je ne rejoigne un club, je pose mes conditions. Il peut ne pas y avoir d’argent pour mon salaire, mais pas pour le matériel et certaines conditions de travail. Je suis exigeant là-dessus. C’est la base. Cependant, l’AS SONABEL est l’un des premiers clubs bien organisés que j’ai eus à coacher (NDLR : 2013-2015). Quand j’ai quitté le RCK, il n’y avait pas mal de difficultés à l’époque. Alors, c’est à l’AS SONABEL que, dès la fin du mois, les dirigeants te poursuivent pour te dire que ton salaire est disponible.
S : Ailleurs, ce n’est pas ainsi ?
K.N : (Rire) Ne me faites pas dire des choses. Lorsqu’un entraineur quitte un club comme le RCK où il a remporté la Coupe du Faso et a fini troisième du championnat, pour un autre, c’est que l’herbe est plus verte ailleurs.
S : Est-ce que le métier de coach nourrit bien son homme au Burkina?
K.N : De mon expérience, je vous dirai oui de nos jours. Mais avant, non. J’ai débuté le métier dans des conditions où être entraineur c’était de pouvoir dépenser de sa poche pour nourrir ses joueurs. Je l’ai fait à Koudougou. Pour monter en 1re division avec le BPS, j’étais obligé de loger des joueurs, de les nourrir mensuellement afin de pouvoir accéder à la première division. J’étais fonctionnaire de police. Je le faisais avec mon maigre salaire, parfois, au détriment de ma famille qui était restée à Ouagadougou. A l’époque, lors de mon premier contrat avec le BPS, les dirigeants m’avaient promis un salaire de 25 000 francs CFA le mois. Mais à la fin du mois, parfois ils ne me tendaient que 15 000 francs. Mais avant que je ne quitte le terrain, je distribuais la totalité à mes joueurs. En plus, ce salaire n’était même pas régulier. Je vous le dis, c’est sans tabou. J’ai eu au moins 100 000 francs le mois lorsque je suis venu au RCK, après le BPS (NDLR : 2010). De nos jours, si l’on est bien organisé en tant que coach, ça dépend de sa qualité et du club dans lequel il signe, il peut bien gagner sa vie.
S : Vous avez été l’an dernier, l’un des entraîneurs les mieux payés au Burkina avec un million de F CFA…
K.N : (Rire) Ah, vous avez tapé le sable pour le savoir ? Si vous estimez que j’étais le mieux payé, peut-être que vous avez fait des recherches pour savoir que les autres n’ont pas autant. C’est ça? Donc, ce n’est pas à moi de vous le dire. (Rire)
S : Qu’est-ce qui a été votre plus gros défi à l’AS Douanes ?
K.N : Le plus gros défi a été ce que je n’ai pas pu relever. Et c’est ce qui me reste en travers de la gorge, de pouvoir qualifier cette équipe en phase de poules de la campagne africaine. Parce qu’en championnat, nous n’avions plus rien à prouver.
Ma motivation, c’était justement cette compétition africaine-là.
S : Vous êtes allé en campagne africaine à 3 reprises sans avoir pu intégrer ces phases de poules. Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?
K.N : Je vous l’ai dit en début d’interview, parfois, ce n’est pas ce que vous avez décidé qui compte. Il y a l’environnement. Vous ne pouvez pas travailler dans un environnement qui n’est pas propice à la victoire.
S : Quel est le problème particulier des clubs burkinabè en campagne africaine ?
K.N : Il n’y a pas de problème particulier. Je suis sorti trois fois avec l’AS Douanes, une fois avec l’AS SONABEl et deux fois avec le RCK. Mais, à chaque fois, j’ai senti qu’il y a une limite objective à certaines choses. Il faut avoir le courage de le dire.
S : Quelle limite objective ?
K.N : Vous voulez me pousser à dire certaines choses. Par exemple, vous avez suivi le match des Etalons lors du CHAN passé face à la Mauritanie. Vous pensez réellement qu’on peut donner un carton rouge au joueur burkinabè sur une telle faute ?
J’ai eu la chance de conduire les Etalons (NDLR : 2019-2022) et j’ai vécu aussi des situations pareilles. J’ai été éliminé deux fois aux tirs au but, aux portes des phases de groupes avec l’AS Douanes.
En plus, je prends l’exemple du match contre l’USMA d’Alger au stade du 4-Août avec le RCK (NDLR : mars 2017) où on nous refuse un but et un pénalty. Je pense que les clubs burkinabè gagneraient à travailler beaucoup sur l’environnement des équipes quand ils partent en campagne africaine.
S : Kamou Malo serait-il toujours le coach de l’AS Douanes s’il n’avait pas reçu cette offre de la formation guinéenne ?
K.N : Pas évident. Nous n’avons pas pu conserver notre titre à la fin du championnat et le président de la section football était en fin de mandat. J’étais en fin de contrat aussi. Et le club a recentré ses objectifs. Il m’a dit qu’il ne jouera pas le titre cette année. Si je suis dans un club, je vise toujours le titre. Sincèrement, après tout ce que j’ai vécu, il n’était plus opportun pour moi de rester dans le championnat burkinabè. L’un dans l’autre, je n’ai plus rien à prouver dans le championnat burkinabè. Je n’avais plus de motivation à y rester. Voilà pourquoi j’ai préféré aller voir ailleurs.
S : Comment se sont noués les contacts avec le Club Industriel de Kamsar ?
K.N : Je suis lié à une agence. Elle est dirigée par un jeune Ivoirien qui a vécu ici. Il a été mon joueur au RCK, et se retrouve aujourd’hui en Turquie. Il a un club de D3 en Turquie et une agence de management. C’est lui d’ailleurs qui a conduit mon dossier au Tchad où j’ai candidaté à la Fédération tchadienne de football pour l’équipe nationale. Il s’est trouvé que j’étais déjà en contact avancé avec un club béninois. Cette agence a des ramifications aussi en Guinée et a proposé parallèlement mon CV en Guinée.

Les gens aiment se dribbler dans les clubs en Afrique. Au sein du club guinéen, lorsqu’ils ont reçu les candidatures, il y a quelqu’un par l’intermédiaire d’un de ses amis qui connaissait très bien Maïga Boureima. Et Maïga m’a appelé une nuit et m’a dit : « coach, un club a besoin de vous en Guinée ». J’ai demandé : « c’est quel Guinéen ?». Je lui ai encore dit :« pourtant, il y a mon dossier de candidature là-bas à Kamsar ». Il m’a dit : « ils m’ont appelé et ils disent qu’ils veulent te parler ». Donc Maiga m’a fait parler directement cette nuit-là au président du club. Les choses sont allées vite et d’ailleurs, cela a crée un goulot d’étranglement lors de ma signature.
Chacun a revendiqué le fait de m’avoir fait signé en Guinée. J’ai dit simplement aux agents : « Il n’y a que les gars du club qui peuvent dire qui m’a branché avec Kamsar. Moi, je ne sais pas. J’ai été contacté par le président et j’ai donné mon accord ». Le président a émis deux billets d’avion pour Maïga et moi qui m’a accompagné pour la signature. Voilà comment les choses se sont passées.
C’est le lieu aussi de dire merci à Maïga. Quand quelqu’un fait du bon travail, il faut avoir l’honnêteté de le lui dire.
S : Est-ce que ce cafouillage n’a pas créé de remous avec votre agence?
K.N : Ce qui m’a un peu dérangé dans le dossier, c’est que j’étais candidat au Tchad, alors que je devrais signer à Kamsar. Nous étions obligés d’inclure une clause pour être libéré, au cas où la délibération tchadienne serait en ma faveur pour l’équipe nationale. C’est la seule condition qui a prévalu à ma signature. Il y a eu des discussions. La veille de mon départ, à 23h, je n’avais pas encore décidé si j’allais partir en Guinée ou pas. J’ai dû discuter avec mon agence qui m’a compris et a donné le feu vert. Donc, il n’y a pas eu de problème lors de ma signature.
S : Vous dites que, parallèlement, vous étiez en contact avancé avec un club béninois. Est-ce que c’est l’appel du président du Kamsar qui a fait la différence?
K.N : Naturellement. Quand on va à l’extérieur, on n’y va pas parce que les gens sont beaux là-bas. En allant, on compte avoir quelque chose en retour pour la famille. En Guinée, j’ai eu une meilleure proposition que ce qu’on me proposait au Bénin.
Naturellement, le choix est vite fait.
S : Si ce n’est pas un secret, quelle est la proposition ?
K.N : Bien sûr, que c’est un secret. (Rires)
S : Il s’agira de votre première expérience avec un club à l’étranger. Dans quel état d’esprit envisagez-vous cette nouvelle expérience à l’international en club ?
K.N : C’est comme un enfant qui reçoit son premier cadeau. Je suis pressé de découvrir le championnat guinéen. Je suis très motivé comme si j’étais à mes débuts en tant que coach.
S : Quels sont les objectifs qui vous ont été fixés par les dirigeants du Club Industriel de Kamsar?
K.N : Lorsqu’un club va chercher un entraîneur dans un autre pays, ce n’est pas pour aller jouer le maintien. Les objectifs sont clairs, il faut aller chercher le titre devant des équipes comme le Horoya, Hafia, le Milo, Kaloum Star. Il y a pleins de derbys et j’ai déjà fait le point. On verra.
S : Avez-vous une idée sur le championnat guinéen ?
K.N : Le championnat guinéen est beaucoup plus technique. Les duels ne sont pas aussi virils comme chez nous. J’ai eu la chance de coacher un garçon comme Dramane Nikiéma qui a passé près de 10 ans au Horoya. Avec lui, nous avons beaucoup parlé du championnat guinéen. Avant qu’il ne vienne me trouver à l’AS Douanes, je devais le retrouver en 2022 au Horoya. Mais ce dossier est venu un peu en retard car j’avais déjà paraphé mon contrat avec l’As Douanes.
S : Est-ce vrai que vous irez à Kamsar avec des joueurs burkinabè ?
K.N : (Rire) Quand j’ai fini de parapher mon contrat, j’ai demandé à la direction du club pour emmener avec moi certaines personnes. Un entraîneur, quand il va dans un nouveau club, il doit tout faire pour construire la colonne vertébrale de son équipe. J’ai alors demandé un poste de gardien, de défenseur central, de milieu terrain et un attaquant.
Mais pour l’instant je n’ai pas décidé qui je vais emmener avec moi. En tout cas, ce serait bien si j’arrive à me déplacer avec des joueurs burkinabè. Ce serait aussi une opportunité pour eux.
S : Il se dit aussi que vous irez avec votre ex-adjoint de l’AS Douanes, Antoine Sawadogo…
K.N : C’est normal, après 3 ans de collaboration à l’AS Douanes. Ce garçon est un exemple de loyauté. C’est très important dans notre milieu. Quand je parle de lui, c’est avec beaucoup d’émotion. J’ai eu de nombreux adjoints mais Antoine est un garçon extraordinaire, une bonne personne, ensuite un très bon technicien. Si quelqu’un réunit ces critères, pourquoi ne pas le choisir ? Des personnes m’ont approché pour le poste et j’ai été clair avec eux : Je leur ai dit non, sauf si Antoine décline l’offre.
Nous avons décidé de faire des projets ensemble. Peut-être que ce n’est pas un projet qui va s’arrêter juste en Guinée. J’ai d’autres projets en tête. Et aujourd’hui, c’est toujours bien de travailler en staff. Vous vous connaissez et le fonctionnement devient plus facile. Et c’est beaucoup plus simple que d’aller à chaque fois recommencer avec un autre adjoint. Ce que vous ne savez pas, Antoine devait travailler avec moi à l’USFA. Lorsqu’il est arrivé, malheureusement, il ne m’a pas trouvé parce que j’ai été nommé comme sélectionneur des Etalons.
S : Et votre candidature pour l’équipe nationale du Tchad ?
K.N : C’est un dossier clos. Ils ont pris un Suisse je crois (NDLR : Raoul Savoy). C’est le lieu de dire merci à nos autorités sportives. Pour ma candidature, j’ai approché certaines personnes ressources ici pour qu’ils essaient de pousser mon dossier. J’ai été reçu avec beaucoup de respect et de considération. Ça n’a pas marché et j’ai la tête actuellement en Guinée.
S : Vous dites que l’objectif de Kamsar est d’être champion. Est-ce que les dirigeants sont disposés à mettre des moyens qu’il faut pour atteindre cet objectif ?
K.N : J’ai paraphé un contrat d’une année avec une année en option. C’est moi qui ai exigé ces conditions parce que certains dirigeants peuvent de promettre mont et merveille, mais à l’arrivée, ils ne te mettent pas dans de bonnes conditions de travail. Après, pour partir, c’est difficile. J’ai préféré être prudent. Kamsar est une ville industrielle à150 kilomètres de Conakry. Le club appartenait à la mine de Bauxite, mais, il a été racheté par l’actuel président. Il a donc hérité d’infrastructures dont un stade avec gazon synthétique et une cité pour les joueurs. Déjà, ce sont les conditions que nous n’avons pas au Burkina. Ici, après les entraînements, tu perds tes joueurs de vue. Tu ne sais pas ce qu’ils font. Mais, avec de telles conditions en Guinée, l’entraineur a l’opportunité de veiller au grain et de savoir qui fait quoi, qui se repose. Je pense qu’ils mettront les autres moyens à ma disposition.
S : Est-ce que vous préparez certains jeunes entraineurs pour assurer la relève après vous?
K.N : Naturellement. Un garçon comme Antoine Sawadogo, qui est avec moi depuis trois saisons, a un très bon niveau. Il est en instance de valider sa licence A. Il a l’avantage d’être jeune, il aura le temps de se bonifier. Il y a de nombreux jeunes entraîneurs aujourd’hui capables de prendre le relais. Je m’en vais à la conquête de titres dans un autre pays, mais mon souhait est que ce soit un Burkinabè qui soit champion la saison prochaine.
La suite dans la prochaine édition.
La Rédaction
