A qui perd gagne

Suspension de l’aide publique au développement, suspension de la coopération culturelle et technique (et bientôt rupture des relations diplomatiques?), recrudescence du terrorisme par le biais de l’armement massif et sophistiqué des prétendus salafistes, comme nous le disions la semaine dernière, la France livre son baroud d’honneur au Sahel, avec rage et fureur, ce qui prouve plus que jamais que cette cause est perdue d’avance au vu de la résolution du camp d’en face qui reste droit dans ses bottes et répond coup pour coup à cette barbarie physique et intellectuelle.

Barbarie, le mot n’est pas fort ,car, en France même des voix se sont élevées pour dénoncer notamment la suspension de l’aide culturelle qui, en définitive, fera plus de mal au milieu éducatif et culturel français, qui perdra par ce biais, l’apport des matières grises des pays sanctionnés (?) d’une part et celui des artistes qui contribuaient par le biais des “featuring” et autres collaborations artistiques à l’enrichissement d’une industrie culturelle française en voie de sclérose avancée et qui ne joue pratiquement plus un grand rôle sur le plan international, noyée qu’elle est par les majors anglo-saxonnes et asiatiques (chinoise et indienne particulièrement). Si l’on ajoute les pertes financières que ces décisions vont engendrer au niveau du Trésor français (location de salles de spectacle, billetterie, visas, etc.), force est de reconnaître que cette décision a été prise en désespoir de cause et qu’elle sera à plus ou moins court terme, jetée aux orties .

On objectera que nos Etats eux aussi laisseront des plumes dans cette affaire (ce qui est vrai), mais les conséquences en termes de gains sont considérables, notamment dans la maturation de la conscience nationale des populations qui découvrent enfin la face hideuse d’un pays qui était revêtu jusque-là du manteau du bienfaiteur désintéressé qui s’échinait pour nous sortir de notre misère crasse. L’occasion s’offre ainsi à nos universitaires de renforcer leur coopération en mutualisant leurs efforts dans la recherche scientifique et la quête du progrès, plutôt que d’aller offrir leurs cerveaux pour ensemencer celle de l’Hexagone. Un défi réaliste et réalisable pour peu que la volonté politique suive. Le Noir, comme disait Joseph Ki-Zerbo, n’est pas exploité parce qu’il est noir, mais plutôt parce qu’il est infériorisé par ceux qui l’exploitent et qui ont réussi à lui faire croire que ses ancêtres n’ont rien inventé, alors que ce sont eux qui ont conduit les autres sur la voie de la civilisation comme le souligne Cheik Anta Diop. Bien aidé par des intellectuels de service, l’Occident est arrivé à maintenir cette fumisterie au point qu’il s’en trouve des leaders (?) d’opinion pour pleurnicher devant cette décision de Paris.

Or, l’intellectuel est plongé avant tout dans sa société et doit être au premier rang en matière de responsabilité citoyenne et d’éveil de la conscience historique. Face aux intérêts géostratégiques conflictuels des Occidentaux et Asiatiques qui rôdent autour de la “proie africaine”, le devoir de tout Africain conscient et conséquent est de se dresser face à cette forfaitaire et cette férule humiliante millénaire. Ce n’est point aimer Ibrahim Traoré que de le faire, mais c’est surtout aimer ce continent outragé et spolié par cette rapacité. Et, tous ceux qui incarnent cette volonté méritent respect et considération. Si tu ne peux défendre ta patrie en tout temps et en tout lieu, donne ton sabre aux femmes qui t’indiqueront la voie du courage et la dignité, chantent les griots à l’oreille du souverain. Une tirade qui doit nous inspirer tous en ces temps tourmentés qui précédent dialectiquement les temps de bonheur. C’est le matérialisme historique qui nous l’enseigne.

Boubakar SY

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