Adama Bictogo sur un boulevard

Mardi prochain, le successeur de Amadou Soumahoro, décédé le 7 mai 2022, à la tête de l’Assemblée nationale ivoirienne sera connu. Le dépôt des candidatures pour occuper le perchoir étant clos, il reste à passer au vote. En observant le branle-bas de cette course à la présidence du parlement ivoirien, tout porte à croire que le secrétaire exécutif du Rassemblement des houphouetistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti au pouvoir, Adama Bictogo, sera le prochain président de l’Assemblée nationale. Plusieurs facteurs militent en faveur de son élection. Premièrement, son parti dispose d’une majorité absolue au sein du parlement. Deuxièmement, de ce qui se susurre sur les bords de lagune Ebrié, il bénéficie d’une pleine confiance du président ivoirien, Alassane Ouattara.

En plus, au nom de la discipline du parti, tous les autres prétendants au perchoir ont ravalé leur ambition à l’image de la députée Naya Jarvis Zamblé pour faire front commun autour de Adama Bictogo. L’autre facteur qui ouvre un boulevard au candidat du RHDP pour ce poste est la cacophonie observée dans les candidatures des partis de l’opposition. Contre l’aval de son parti, le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), le parlementaire, Jean-Michel Amankou a officiellement déposé sa candidature.

Du coup, à la clôture du dépôt des candidatures, le PDCI s’est trouvé sans candidat officiel à la conquête de la présidence du parlement. Rien n’est moins sûr qu’il sera adoubé finalement par son parti d’autant plus que les choses sont compliquées entre lui et le président du groupe PDCI à l’Assemblée nationale, Simon Doho. Ce dernier a demandé à M. Amankou de retirer sa candidature. Combien de temps le PDCI dispose-t-il pour s’accorder sur l’idée de soutenir ou pas leur député ?

Même si à la dernière minute, l’on se résolvait à accompagner Jean-Michel Amankou, il est évident que ce soutien du parti sera de façade. Du côté du Parti des peuples africains de Côte d’Ivoire (PPA-CI) de l’ex-chef d’Etat Laurent Gbagbo qui avait promis soutenir le candidat du PDCI, l’on est dans la confusion au regard de la posture du PDCI à la veille de l’élection. Comment les 18 députés du PPA-CI vont-ils voter pour Jean-Michel Amankou alors que sa candidature n’a pas reçu l’onction de son parti, le PDCI ? Un haut responsable du PPA-CI a déclaré qu’ils prendront acte si le PDCI n’a pas de candidature pour le perchoir. Ce qui veut dire en d’autres termes que le soutien du PPA-CI au candidat du PDCI est désormais caduc. Ainsi va le jeu politique sous nos tropiques. L’on est incapable de dépasser la moindre contradiction pour privilégier les intérêts d’un parti politique. Les ambitions personnelles et l’ego démesuré ont toujours fait bon ménage avec les idéaux du parti. On clame haut et fort à l’unisson les idéaux de la chapelle politique, mais lorsque vient l’heure de parler d’une seule voix, la disharmonie refait surface. Sinon comment comprendre qu’un vieux parti comme le PDCI puisse avoir des difficultés à faire l’unanimité autour de la candidature d’un des leurs à la présidence de l’Assemblée nationale ? Sauf effet de surprise, Adama Bictogo sera élu sans difficultés à la tête du parlement ivoirien. Il n’aura même pas à s’inquiéter d’un challenger de l’opposition. Hélas !

C’est dans ce genre d’imbroglio que la plupart des partis politiques qui sont censés porter les rêves d’un véritable renouveau démocratique pour nos Etats, noient les rêves des citoyens. Ceux qui devaient par leur exemplarité donner espoir et rassembler les citoyens autour des idéaux démocratiques, éprouvent des difficultés à sortir de l’engrenage de leurs petits calculs et d’un ego trop envahissant. Au fond, c’est moins les enjeux liés au développement socioéconomique qui préoccupent certains politiques que leurs ambitions personnelles. Le parti politique, loin d’être une instance d’échanges d’idées constructives et fédératrices d’énergies, est simplement une arène pour se faire valoir. Tant que certains leaders politiques vont se complaire dans leur périmètre d’autosatisfaction et d’égocentrisme béat, la politique ne saurait incarner l’idéal de changement et d’espérance pour les peuples. L’engagement politique exige un minimum d’éthique et d’exigence.

Karim BADOLO

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