Identité burkinabè, fierté au rabais?

Vous avez dit « identité culturelle » ? Nous avons du pain sur la planche. Nous avons beaucoup à faire pour sauvegarder notre identité. Parce qu’elle n’est même pas bien cernée. Toute identité s’enrichit et se raffermit au contact des autres cultures. Mais lorsqu’une société abandonne la sienne pour se complaire dans celle des autres, au point de ne plus se reconnaître, il y a urgence. Il semble que le vrai développement se puise dans la culture, mais combien sommes-nous à attendre ce fameux développement d’autres cultures ?

C’est dans la diversité que s’exprime et s’affirme notre identité, mais combien savent mieux fredonner un tube nigérian ou ivoirien que les belles chansons de l’étoile montante de chez nous ? Chez nous, il y a des radios et des télévisions qui passent du « n’importe quoi », pour avoir de l’audience et de l’audimat, pendant que l’essentiel se meurt dans les bacs à disque et loin d’un public perdu. Un public déraciné, hébété et catapulté dans une mode sans code, pleine de concepts embêtants.

Si vous voulez jauger la netteté de notre identité floue, allez sur les chaines de radio et de télévision ; vous allez zapper sans trouver votre compte. Bien sûr, vous serez servis en obscénités et en calamités des basses identités. Mais ne soyez pas choqués, parce que, c’est plutôt vous, « l’extraterrestre », c’est vous le «rétrogradé », le « conservateur » qui refuse d’avancer. C’est drôle de voir que plus c’est nul, mieux ça se vend. Il suffit de copier servilement les autres ; il suffit de manquer de fierté pour avoir de la notoriété ; il suffit même parfois de nier ses origines pour être accepté.

N’importe quoi ! Mais du calme Clément ! Les grands artistes que nous avons tous adulés, parce qu’étant des ambassadeurs de notre identité culturelle, ont fini par couper et décaler. Il y a des artistes qui habillaient décemment leurs danseurs et danseuses de « Faso danfani » ; ils ont fini par leur dire de danser nus, les fesses dehors, parce que ça vaut de l’or ! Aujourd’hui, certains officiels s’habillent en tenue traditionnelle pour être plutôt bien vus qu’avec conviction.

A la télé le costume et la cravate, font plus chic qu’un boubou tissé des mains de nos braves mères. Dans certaines cérémonies les mets locaux sont servis au « peuple », pendant que de luxueux invités de marque mangent des nouilles du Vietnam et boivent du vin venu de France à hauteur de 500 mille francs CFA la bouteille. On invitera un artiste « international » pour venir chanter faux et empocher un cachet qui nargue les dignes talents « locaux ».

A l’école, on apprend tout à nos enfants sauf leur culture. Même les auteurs au programme scolaire viennent d’ailleurs. Nos élèves connaissent mieux Molière que Titinga ; ils récitent par cœur Baudelaire plutôt que Passéré ; ils apprennent tout sur la bravoure de l’américain ou du Français ; ils oublieront l’anonyme ancien combattant qui croupit dans la misère et le dénuement total, jusqu’à trépas, sans témoigner de la vraie version d’une histoire tronquée à dessein.

Loin de l’ombre de l’arbre à palabre, de nos contes, nos masques, nos us et coutumes, nos valeurs se sont érodées sous « le soleil des indépendances ». Voilà pourquoi, nous sommes des étrangers dans notre propre pays. Combien sommes-nous à avoir déjà foulé le sol de Loropéni, au pied du grand mur de l’histoire ? Combien ont déjà vu et escaladé les pics de Sindou ou les dômes de Fabédougou ; combien savent qu’à Sabou et à Bazoulé, il y a des caïmans sacrés ?

Qui a déjà été à Dafra, à Bobo pour admirer les hauts faits des silures sacrés aux vertus multiples ; ces poissons meurent parfois d’inanition, loin de leur lit sacré ; qu’est-ce qui est fait pour sauver ce patrimoine séculaire qui draine du monde venu d’horizons lointains, à la recherche d’un enfant ou d’une guérison qui tarde. Qui a déjà visité la Mosquée séculaire de Dioulassoba à Bobo-Dioulasso ?

La cérémonie du « faux départ » du Mogho Naaba se tient tous les vendredis entre 8 heures et 9 heures à Ouagadougou, mais combien ont déjà assisté à cette tradition historique ? Combien savent même qu’elle existe et que des Européens prennent un avion juste pour venir y assister et en saisir le sens profond ? Il y en a encore bien d’autres sites à voir, mais nous préférons passer nos vacances chez les autres ; nos colonies de vacances enjambent toutes ces richesses pour se pavaner « sur la natte des autres » et revenir le torse bombé et fier d’être Burkinabè. Mais à qui la faute ?

Demandez à l’autorité, combien il alloue au ministère de la Culture, des Arts et du Tourisme comme budget ? En vérité, notre identité n’est pas suffisamment une priorité pour impacter notre développement. Mais si nous voulons vraiment sauvegarder cette identité, commençons par consommer ce que vous produisons ; à aimer notre culture au quotidien, à visiter nos sites touristiques, à encourager la création. Parce qu’« on ne développe pas ; on se développe », dixit Joseph Ki-Zerbo.

Clément ZONGO

clmentzongo@yahoo.fr

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