Ouaga-Bamako, même défi !

Les relations entre le Mali et le Burkina se portent à merveille et semblent promises à un avenir radieux. Les autorités des deux pays voisins multiplient les contacts. Le Premier ministre, Me Apollinaire Joachimson Kyélem de Tambela, a effectué une visite de travail à Bamako, les 31 janvier et 1er février 2023, dans le cadre du renforcement des liens historiques d’amitié, de fraternité, de solidarité avec le Mali. Bien avant ce déplacement, le chef du gouvernement avait transité par Bamako, en décembre dernier, avant de se rendre à Moscou en Russie, selon certaines indiscrétions. Depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Ibrahim Traoré, l’axe Ouaga-Bamako s’est considérablement renforcé.

Le président de la Transition, à la base du regain d’intérêt pour la coopération entre les deux pays, a ouvert le bal, en rendant visite à son homologue et frère d’armes, le colonel Assimi Goïta, le 2 novembre 2022. C’était le premier déplacement à l’étranger du capitaine Traoré qui, depuis lors, ne sort quasiment pas du pays. Il préfère se consacrer à la crise sécuritaire qui secoue le Burkina que de manier son bâton de pèlerin. Plus d’une semaine après la visite du chef de l’Etat burkinabè à Bamako, une importante délégation malienne, conduite par le ministre de la Défense et des Anciens combattants, le colonel Sadio Camara, avait brièvement séjourné au Burkina Faso. Le rapprochement entre les deux Etats tient incontestablement au fait qu’ils partagent un défi commun, celui de la lutte contre le terrorisme. Les dirigeants maliens et burkinabè qui échangent régulièrement, entendent trouver les voies et moyens pour ramener la paix dans leurs pays respectifs. Qui s’assemble se ressemble, dit-on. Plus que la crise sécuritaire qui les amène à coopérer davantage, Ouaga et Bamako présentent d’autres similitudes favorisant des retrouvailles.

Le Mali est dirigé par des militaires à la suite d’ un coup d’Etat. Le Burkina aussi. La coopération des deux Etats avec l’ancienne puissance coloniale, la France, n’est plus au beau fixe. Le Mali a rompu les amarres avec l’Hexagone, à la suite des tensions, allant même jusqu’à obtenir le départ des soldats français présents sur son territoire depuis 2013. Bamako a dénoncé l’attitude de Paris, qui, selon lui, joue à un double-jeu dans son appui à la lutte contre le terrorisme : tantôt avec l’armée régulière malienne,tantôt avec les groupes armés. Aussi les autorités maliennes ont-elles promis, à la tribune de l’ONU, d’apporter des preuves de cette duplicité, sans pour autant s’exécuter. Toujours est-il que Bamako et Paris se regardent en chiens de faïence, au point où on se demande si la donne va changer avec le temps. Si on ne peut pas en dire autant des relations entre la France et le Burkina, il faut reconnaitre que Paris et Ouaga ne sont plus sur la même longueur d’onde. Il y a des brouilles diplomatiques entre les deux partenaires de longue date. La demande de rappel de l’ambassadeur français au Burkina, Luc Hallade, pour des propos jugés « discourtois » et « inamicaux »et la dénonciation de l’accord régissant la présence des forces spéciales françaises de l’opération Sabre à Ouagadougou, instruisent suffisamment sur les difficultés rencontrées actuellement dans la coopération entre les deux nations. Même si les efforts et l’apport de la France dans la lutte contre le terrorisme sont reconnus, nombre de Burkinabè s’interrogent sur l’efficacité de son intervention dans leur pays, occupé à plus de 40% par des groupes armés. Autre similitude, l’intérêt porté sur la Russie, ennemi juré de la France, dans la lutte contre le terrorisme. Les autorités maliennes ont opté de se tourner vers ce pays dans le combat contre l’hydre terroriste. Même si elles assument ce choix, elles ne reconnaissent pas publiquement la présence du groupe de sécurité privé russe, Wagner, en territoire malien. L’exécutif burkinabè qui milite pour la diversification des partenariats en matière de lutte contre l’insécurité, a également un penchant pour le pays de Vladimir Poutine. Les autorités de la Transition comptent mettre à profit l’expertise et les équipements militaires russes, pour libérer le Burkina Faso des groupes terroristes qui l’attaquent jour et nuit. Au-delà de ces considérations, l’essentiel est que la coopération entre le Mali et le Burkina puissent permettre aux deux pays de voir le bout du tunnel. Quand on connait les conséquences désastreuses du terrorisme sur le tissu social et les économies des Etats victimes, nos prières ne peuvent aller que dans ce sens.

Kader Patrick KARANTAO

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