Prise du pouvoir par les militaires : « Nous allons apprécier sur le terrain » Lassina Ouattara, secrétaire à l’information du MPP

Le secrétaire à l’information et à la communication du MPP, Lassina Ouattara : « Nous ne nous inscrivons pas dans des rapports conflictuels où nous allons surchauffer le thermomètre social ».

Ex-député à l’Assemblée nationale, Lassina Ouattara, le secrétaire à l’information et à la communication du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) s’exprime sur le coup d’Etat intervenu, le 24 janvier 2022 et la nécessité de relever le défi sécuritaire pour le bonheur de tous.

Sidwaya (S.) : Comment avez-vous accueilli la nouvelle du coup d’Etat en tant que député du MPP, l’ex-parti au pouvoir ?

Lassina Ouattara (L.O.) : C’est avec stupeur que nous avons accueilli cette nouvelle, il faut le dire. Pour qui connait l’histoire du Burkina, il a été émaillé d’interruptions des processus démocratiques par les militaires. Nous pensions qu’après avoir renoué avec la démocratie, c’était quelque chose qu’on ne devrait plus voir dans notre pays.

Tout le monde a adhéré à l’ordre démocratique comme étant la voie la plus sûre de conquête du pouvoir, on ne pouvait pas imaginer qu’un pays aille de spirale de coups d’Etat en coups d’Etat. On dit toujours que la démocratie est le moindre mal des systèmes politiques. Nous ne pensions pas que, quoi qu’il y eût des bruits, des rumeurs par-ci par-là, notre armée allait franchir le Rubicon.

L’argument principal qui est mis en avant, c’est la question de la sécurité. Elle est préoccupante et vitale, et préoccupe tout le monde. Nous avons pensé qu’on devrait plutôt se donner la main, se parler là où ça ne va pas, le dire franchement, et que tout le monde s’engage dans la même direction. De toute façon, les nouvelles autorités qui sont établies aujourd’hui ont aussi besoin de cela. Nul ne peut réussir seul dans cette bataille si on n’a pas l’adhésion populaire, les unités combattantes en avant, poussées par le patriotisme et les populations.

S. : Ce coup de force, l’avez-vous vécu comme une surprise ?

L.O. : A proprement parler, ce n’est pas vraiment une surprise. On en a vu plusieurs dans ce pays. On pensait que c’était un réflexe qui était révolu. Même à ceux qui sont là actuellement, nous ne souhaitons pas que les choses se règlent de cette manière. On préfère qu’on privilégie la dévolution du pouvoir par les urnes, la voie démocratique.

C’est celle-là qui est rassurante, qui rend notre pays respectable dans ses engagements internationaux. Nous sommes dans l’Union africaine et dans plusieurs ensembles, dans la communauté internationale. C’est cela qui fait la respectabilité d’un pays et qui pose la base de stabilité d’un pays.

Pour qu’il y ait développement, c’est un long processus et il est fortement corolaire de la stabilité. Les coups d’Etat ne font pas de nous un pays stable. C’est un coup d’arrêt, un retour en arrière. Ce n’est vraiment pas souhaitable. Comme je l’ai dit, je ne souhaite pas cela à ceux-là mêmes qui sont là aujourd’hui. Je souhaite que très rapidement ils ramènent les choses dans l’ordre constitutionnel, dans la voie démocratique.

Et qu’on puisse se parler s’il y a quelque part des choses à corriger. Il faut que tous les Burkinabè, qui que ce soit, civils comme militaires, une bonne fois pour toute, suivent le bon exemple. Il y a bien de pays en Afrique qui arrivent à régler leurs contradictions sans qu’on en arrive là. Cela laisse toujours un goût amer.

S. : Quelles sont vos attentes vis-à-vis du MPSR ?

L.O. : D’abord la question principale de tous les Burkinabè qui s’intéressent à la politique, c’est le rétablissement de la sécurité sur l’ensemble du territoire. Je pense qu’ils l’ont en priorité dans leur message. Nous aussi, nous l’avions en priorité. Nous souhaitons qu’ils y aillent tout de suite. Que ce soit vraiment leur priorité du moment à travers des résultats tangibles sur le terrain.

Bien sûr, le deuxième point, comme je l’ai dit tantôt, il faut tout de suite nous donner un agenda, un calendrier qui va nous ramener à l’ordre démocratique, à l’ordre constitutionnel. Je pense que ce sont vraiment les urgences du moment. Quand ces bases ne sont pas posées, on ne peut pas parler de développement. C’est un des pans importants. Je devrais dire que cela fait partie des priorités.

S’ils arrivent à régler ces deux questions, ils auraient réussi. Tout autre agenda de développement ne se fera pas du jour au lendemain. Ouvrir des chantiers dans le domaine économique ne serait pas réaliste. Comme vous le savez, nous sommes dans des ensembles économiques, et sur un certain nombre de projets, nous ne le souhaitons pas, mais il peut y avoir un ralentissement, de l’attentisme de la part de nos partenaires, notamment extérieurs pour voir vraiment si le pays est en train de reprendre le chemin normal.

C’est de la normalisation de la situation que nous allons revenir à une meilleure collaboration, une meilleure coopération avec nos différents partenaires. Je pense que déjà ces deux priorités devraient pouvoir les faire sortir par le haut.

S. : Quelle appréciation faites-vous de l’adresse à la nation du président du MPSR, le lieutenant-colonel, Paul-Henri Sandaogo Damiba ?

L.O. : Déjà, je pense qu’il devrait le faire, et il l’a fait. Tout le monde attendait de voir ce qu’il compte faire. Maintenant, on en sait un peu plus, leur vision et un certain nombre d’engagements qu’ils ont pris. Ce sont des engagements nobles s’ils réussissent à le faire. Je pense que ce serait vraiment à leur honneur. Ce sont des déclarations. Sur le terrain de la mise en œuvre, nous allons apprécier.

Je pense qu’en son temps, nous ne manquerons pas d’opiner s’il y a lieu. Mais nous sommes pour un élan d’un pays de stabilité, de paix, de cohésion sociale, de bon vivre-ensemble que nous avons connu. Nous nous inscrivons dans cela. Nous ne nous inscrivons pas dans des rapports conflictuels où nous allons surchauffer le thermomètre social. Parce que nous en avons suffisamment avec la crise sécuritaire.

Si la démarche est respectueuse de la différence des uns et des autres, c’est bien. Nul n’a le droit de bannir quelqu’un de ce pays. On veut tous le bien du Burkina Faso, pour nous-mêmes, pour nos enfants et pour nos petits-enfants. Tout le monde ne peut pas fuir pour aller à l’extérieur. Même ceux qui sont à l’extérieur, c’est pour un moment donné, ils ont envie de revenir. Mais on a envie de venir dans un pays où il fait bon vivre.

Propos recueillis par Karim BADOLO

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