En Centrafrique, l’opposition est vent debout contre le Président Faustin-Archange Toaudéra qui, selon toute vraisemblance, veut faire un troisième mandat. Regroupés au sein du Bloc républicain pour la défense de la Constitution (BRDC), les opposants ont engagé un combat contre cette candidature en gestation à travers des manifestations.
Après une marche le 4 avril dernier, ils entendent revenir à la charge le 31 mai 2025, pour encore dire « non » au projet de nouveau bail de Toaudéra. Cet universitaire, qui a pris la tête du pays depuis 2016, devra toutefois répondre favorablement à l’appel de ses partisans, qui l’exhortent depuis plusieurs semaines à être à nouveau candidat à sa propre succession.
Ce scenario où un chef de l’Etat en exercice se fait désirer, quitte à se soumettre à la volonté de son camp, est bien connu des milieux politiques en Afrique. Toaudéra ne devra pas faire exception à cette pratique, sauf cas de force majeure, même s’il prétend être focus sur la gestion des affaires publiques. Il a sur son chemin, l’opposition qui crie à la dérive et redoute la tentation du pouvoir à vie, qui naît souvent de l’accumulation des mandats présidentiels.
Le chef de l’Etat centrafricain, qui marche sur un terrain glissant, s’inscrit désormais dans une dynamique de main tendue à l’opposition. Ces jours-ci, il a donné son feu vert à la tenue du dialogue politique souhaité par le BRDC, qui devra apporter des précisions sur le contenu des pourparlers. On s’attend à ce que les contours du dialogue soient définis au plus vite et donner lieu à l’ouverture des échanges, dans l’ultime objectif d’éviter des remous sociopolitiques en Centrafrique.
D’ores et déjà, on peut effleurer les sujets qui tiennent à cœur à l’opposition. Entre autres, elle réclame la non-participation de Touadera à la future présidentielle et appelle à la dissolution du Conseil constitutionnel et de l’Autorité nationale des élections (ANE). A voir ces points, on est en droit d’afficher un certain pessimisme quant à l’issue du dialogue politique envisagé, tant les positions paraissent tranchées a priori. Les intérêts divergent fortement.
Le Président Touadera va-t-il accepter renoncer à sa volonté de poursuivre ses chantiers à la tête de la Centrafrique ? Il est difficile d’y croire, tellement ses proches le soutiennent à bout de bras dans ce projet, au point de ne pas admettre le contraire. La candidature de Touadera ne semble plus être un secret bien gardé et il faudra de bonnes raisons pour l’amener à faire machine arrière.
A la limite, on peut imaginer, dans le cadre du dialogue politique annoncé, des concessions de la part du pouvoir sur des aspects organisationnels de la présidentielle à venir, mais pas véritablement sur la question d’un nouveau mandat de Touadera. Il a tout l’air, que l’ambition de rempiler du chef de l’Etat centrafricain est entretenue depuis un bon moment. Le terrain a même déjà été balisé, avec l’entrée en vigueur de la nouvelle Constitution en août 2023.
Ce texte, adopté à la suite d’un referendum, n’a pas la caution de l’opposition, qui y voit une manœuvre pour s’éterniser au pouvoir. Elle pourrait ne pas avoir tort, étant donné que la nouvelle Constitution autorise le Président Touadera à briguer un autre mandat, avec en prime, la suppression du quinquennat renouvelable une seule fois au profit du septennat renouvelable indéfiniment. Même si l’idée est à saluer car porteur de paix, le dialogue ne s’annonce pas comme un succès avant l’heure. Tout reste cependant possible en politique.
Kader Patrick KARANTAO