Des Organisations de la société civile se sont prononcées sur le discours sur la situation de la nation du Premier ministre, Christophe Joseph Marie Dabiré, devant la Représentation nationale.
Daniel Da Hien, vice-président de la CODEL : « les déplacés internes doivent pouvoir voter ».
« Le Premier ministre a tenu compte du bien-fondé des élections. Il a dit que le gouvernement travaille à ce qu’elles se tiennent à bonne date. Nous nous satisfaisons de cette réaction. C’est une bonne chose. Mais lorsqu’on lui a posé la question sur le fichier électoral, je n’ai pas bien compris sa réponse. Il a dit que c’est un travail confié à la CENI et qu’il appartient à celle-ci de se prononcer. C’est la CENI qui met en place le fichier électoral, mais nous voulons comprendre davantage sa fiabilité. Sur le vote des déplacés internes, nous estimons que tout Burkinabè doit pouvoir prendre part à ces élections. La CENI a fait deux propositions concernant le vote des déplacés internes et nous attendons la décision du gouvernement. A mon avis, les déplacés internes devraient pouvoir voter».
Pascal Zaïda, du Cadre d’expression démocratique :
« Le Premier ministre a reconnu que ça ne va pas ».
« Le Premier ministre a lui-même reconnu que ça ne va pas. Mais malheureusement, il est allé très loin en disant que les choses avancent, alors que rien n’avance au Burkina Faso. Sur le plan sécuritaire, je suis resté sur ma soif, les infrastructures aussi. Il en est de même de la question de la gratuité de la santé, un projet de la Banque mondiale auquel le Burkina Faso a souscrit sous l’ancien régime. Sur la question de l’IUTS, le chef du gouvernement avait dit lors d’une rentrée politique du MPP qu’il sera appliqué. On ne peut pas prendre une telle décision sans l’assentiment des syndicats. A propos de la présidentielle, la majorité et l’opposition ne peuvent pas se retrouver et décider de l’avenir des Burkinabè, sans associer les acteurs apolitiques. Nous veillons au grain parce que la Constitution en son article 165 est claire qu’aucun projet de révision de la loi ne peut être recevable lorsqu’il remet en cause la durée du mandat présidentiel. C’est dire qu’au soir du 22 novembre 2020, s’il n’y a pas d’élection, le président Kaboré n’est plus président du Faso. De plus, la Constitution ne prévoit ni de gouvernement d’union nationale, ni de Transition. Il faut également tenir compte de la question des déplacés internes».
Chrysogone Zougmoré, président du MBDHP : « ses affirmations ne reflètent pas la réalité »
« J’ai suivi ce discours avec une pointe de déception, parce que le Premier ministre a fait des affirmations qui ne reflètent pas la réalité. Aujourd’hui, des zones entières du pays sont occupées par des groupes terroristes. Alors que l’on nous parle d’une montée en puissance des Forces de défense et de sécurité (FDS). Nous n’avons eu de cesse d’interpeller le gouvernement sur la nécessité de mettre un terme à cette barbarie des terroristes. Jusqu’à présent rien ne semble être fait. Ce qui est déplorable, c’est le fait qu’au lieu de doter conséquemment ces FDS, l’on opte délibérément pour la stratégie d’exécutions sommaires et extrajudiciaires. Cette stratégie fragilise la cohésion nationale et constitue des germes de guerres civiles. Il faut faire en sorte que le Burkina continue son processus de construction de la nation. On ne peut pas parler de Discours sur la situation de la nation et en même temps œuvrer à fragiliser les facteurs de cohésion de cette nation ».
Issiaka Ouédraogo, du Conseil d’information et de suivi des actions du gouvernement : « Il faut le féliciter pour sa franchise ».
« Le discours a été une radioscopie de la réalité sur le terrain. De la situation sécuritaire à l’économie en passant par la santé et l’éducation, il a présenté aux députés la situation réelle du pays, reconnaissant parfois des faiblesses. Il faut le féliciter pour sa franchise. Maintenant s’il y a des gens qui pensent que le discours n’a pas répondu à leurs attentes, c’est leur droit et nous devons le respecter. C’est la démocratie ».
Smockey, membre du Balai citoyen : « Le citoyen se ne nourrit pas de chiffres ».
« Le discours livré par le Premier ministre devant les députés n’a pas été du tout rassurant. Le Burkina Faso vit une crise sanitaire en plus de l’insécurité qui s’illustre depuis ces dernières années par des attaques terroristes qui plombent les activités économiques. Dans ce contexte, le discours du Premier ministre devrait être centré sur les préoccupations réelles des populations notamment la question de la réduction du train de vie de l’Etat, les dossiers pendants en justice, la gouvernance vertueuse ou encore la politisation de l’administration publique. Malheureusement, on constate qu’il a passé sous silence toutes ces questions. En conclusion, son exposé n’est pas en phase avec la situation des crises que connait le pays. Il fallait moins de chiffres et peut-être un peu plus de franchise, parce que le citoyen se ne nourrit pas de chiffres. On a tenté plutôt de dire que le Burkina Faso se porte à merveille, alors que sur le terrain, la réalité est tout autre. On ne s’attendait pas à ce que le gouvernement vienne scier la branche sur laquelle il est assis mais qu’il y ait un peu d’objectivité dans le message ».
Dr Daouda Diallo du Collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés
« Il y a des insuffisances dans les opérations militaires ».
« Sur le volet sécuritaire, nous sommes restés sur notre soif. Nous n’abordons pas les questions sécuritaires pour nous opposer aux opérations de l’armée sur le terrain. D’ailleurs, nous félicitons les FDS qui se battent pour garantir la sécurité aux citoyens et protéger le territoire. Nos avis constituent notre participation citoyenne afin que la chaîne de commandement puisse comprendre la perception de la population. Mais j’ai l’impression qu’on est mal compris. S’il n’y pas de sécurité, personne n’est à l’abri et aucun projet de développement n’est viable. Il est donc de l’intérêt de tous, que les FDS puissent gagner la victoire le plus rapidement possible. Mais, il est triste de constater que des rapports des organisations des droits humains dénonçant des exécutions sommaires et extrajudiciaires qui impliquent les FDS ne sont pas pris en compte. J’en veux pour preuve, les exactions de Yirgou en janvier 2019, de Kain-Banh le mois suivant, les tueries en masse dans le marché de Pentiangou et Barga en mars dernier et de Tanwalbougou en mai. Nous avons espéré que le Premier ministre reconnaisse qu’il y a des insuffisances dans ces opérations au lieu de communiquer seulement sur les points positifs de la lutte. Il devait rassurer les Burkinabè que des mesures correctives ou disciplinaires seront prises pour qu’il y ait la rigueur dans les opérations. Au lieu de cela, il annonce que des enquêtes sont en cours, alors que nos autorités nous ont habitués à des enquêtes qui n’ont jamais situé clairement les responsabilités ».
Propos recueillis par Abdoulaye BALBONE
Karim BADOLO
Beyon Romain NEBIE &
Jean-Marie TOE