Autopsie d’un convalescent
Deux mois après avoir obtenu le quitus de la représentation nationale pour exécuter la politique générale de son gouvernement, le Premier ministre Paul Kaba Thiéba était encore devant les élus du peuple. Cette fois-ci, il y était pour présenter une photographie actuelle de la Nation, comme l’exige l’article 109 de notre loi fondamentale. Cet exercice, bien que n’étant pas sanctionné de vote, n’a pas été moins périlleux que le précédent.
En effet, Paul Kaba Thiéba était appelé à répondre d’un résultat dont son gouvernement n’est pas directement ou exclusivement comptable. L’Etat est une continuité, dit-on. Toutefois, son équipe et lui ont « juste » un peu plus de trois mois de gouvernance. Pas assez pour pouvoir « vraiment » les juger à l’œuvre. C’est pourquoi, la situation que M. Thiéba a servie est une mixture, faite, entre autres, de l’héritage de la Transition, des actes et projets de l’actuel régime. C’est un pays convalescent, portant encore les stigmates des soubresauts sociopolitiques, mais déterminé à se remettre sur les rails du développement durable, qui a été donné à voir à l’hémicycle. Il y a eu comme une volonté de s’émanciper du récital démagogique auquel nous avons coutume. Rappelons-nous de cette pratique consistant à user d’artifices de tous genres pour polir, coûte que coûte, une réalité socioéconomique chaotique. Et au résultat, très peu de Burkinabè se reconnaissaient dans le pays peint aux honorables.
Le manège de vouloir cacher le soleil avec la main est-il complètement enterré? Wait and see. Pour l’heure, le discours sur la situation de la Nation prononcée le vendredi 6 mai 2016, est paru, à bien des égards, comme un reflet assez fidèle de notre société. « Les quatre premiers mois de l’année 2016 ont été marqués par la recrudescence des actes d’incivisme, de troubles à l’ordre public, créant les risques d’un affaiblissement de l’autorité de l’Etat… », a reconnu le Premier ministre. A cela, il a ajouté la fraude fiscale, l’indélicatesse de certains agents publics prêts à s’offrir des salaires et autres avantages indus, etc. La lutte contre ces fléaux incombe, au premier chef, au gouvernement. C’est lui qui dispose de tous les moyens légaux et légitimes pour contraindre les inconvenants à rentrer dans les rangs. La sensibilisation, à elle seule, semble montrer des limites. Il faut bien une fin à cette recréation qui n’est pas de nature à rassurer les honnêtes citoyens, encore moins les investisseurs potentiels. Or, le pays a, incontestablement, besoin d’ordre pour relancer une économie fragilisée par les incertitudes d’un passé récent.
Cela est un passage obligé, dans la mesure où le gouvernement Thiéba compte énormément sur les ressources fiscales et douanières pour améliorer le quotidien des Burkinabè. Dans le domaine de la production agricole, la gageure est de réussir à briser le cycle infernal de l’amateurisme qui a longtemps émaillé la gestion de ce secteur qui emploie près de 80% de la population. Nous osons croire, avec le Premier ministre, que les producteurs recevront cette année, les intrants à temps, afin de semer au bon moment. L’acheminement des intrants à bonne date est un préalable, si nous voulons atteindre l’objectif de 4 700 000 tonnes de céréales au cours de cette campagne, soit une hausse de 12% par rapport à la campagne 2015-2016. Les casse-têtes de l’actualité n’ont pas été occultés par le Premier ministre. Ainsi, il a présenté des réponses conjoncturelles mais aussi structurelles aux problèmes d’eau et d’électricité que vivent les populations, notamment celles de Ouagadougou.
Le temps et le sérieux dans la mise en œuvre de ces mesures jugeront de leur pertinence à étancher la soif du plus grand nombre. Au moins, ce face à face de Paul Kaba Thiéba avec les députés a permis d’évoquer la kyrielle de difficultés des Burkinabè des villes comme ceux des campagnes. Toutes les attentes n’ont certainement pas été comblées. Nonobstant, ce discours s’est révélé être le portrait-robot d’un pays aux multiples défis qui a besoin de toutes ses filles et tous ses fils pour émerger. Pourvu que chacun, à quelque niveau qu’il soit, accepte de faire le sacrifice au nom de la nation. La campagne pour les élections municipales qui vient de s’ouvrir, est l’occasion pour l’ensemble des Burkinabè, les politiques et militants surtout, de faire la preuve de son attachement à la patrie. Le souci de préservation de la stabilité et de l’unité nationales doit prévaloir sur les oppositions idéologiques .
Par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
rabankhi@yahoo.fr