Energie solaire: une alternative à l’électrification conventionnelle

Au Burkina Faso, l’offre énergétique est inférieure à la demande, et de surcroît, elle est coûteuse. En plus, l’accès à l’électricité est également faible, avec un taux d’électrification national de 20%. Face à cette situation, l’énergie solaire est une alternative pour l’éclairage domestique et les activités économiques.

Le Burkina Faso, pays ensoleillé avec une irradiation solaire quotidienne moyenne de 5,5 kWh/m2 pendant 3 000 à 3 500 heures par an selon des chiffres officiels, a un taux d’électrification de 20% en milieu urbain contre 3% en zone rurale. Un taux national qui est deux fois inférieur à la moyenne de l’Afrique subsaharienne et quatre fois moins que la moyenne mondiale. Face à cette situation peu reluisante, le gouvernement s’est engagé, à travers le ministère de l’Energie, à porter le taux de 3% en milieu rural à 19% à l’horizon 2020. Un défi confié à l’Agence burkinabè d’électrification rurale (ABER), dont la tâche est d’impliquer le secteur privé, les collectivités locales et les usagers. L’énergie solaire s’avère une alternative à l’électrification. A Dédougou, dans la région de la Boucle du Mouhoun, ils sont nombreux ceux qui ont opté pour le solaire pour pallier le manque d’énergie. Pour les activités économiques, agricoles, piscicoles ou pour l’éclairage domestique ou public, l’énergie solaire semble être le meilleur choix pour ceux qui l’ont expérimentée. Sur les berges du fleuve Mouhoun, à Noakuy, village de la commune rurale de Bourasso, Augustin Issa Drabo, à la fin de l’hivernage, s’adonne au jardinage. Dans la soirée du mercredi 22 janvier 2020, après avoir abondamment arrosé les planches tracées au cours de la journée, il s’attelle avec ses frères dans une ambiance bon enfant, au repiquage de la salade. « Augustin peut-on savoir à combien vends-tu tes choux ? », lance une femme attirée par la bonne physionomie des choux du jardinier. Occupé, Augustin charge son grand frère de vendre à la cliente qui a fait le déplacement de Dédougou pour s’approvisionner. Parti du puisage manuel, M.Drabo du haut de ses 31 ans, est aujourd’hui le seul détenteur d’une motopompe solaire dans son village. Un outil qui a révolutionné son activité. « L’acquisition de la motopompe solaire est un ouf de soulagement pour moi parce qu’avec celle à essence, il fallait d’abord voter un budget pour le carburant, ensuite un autre pour l’entretien courant. Et par manque de moyens pour assurer cet entretien, je faisais face à des pannes récurrentes qui ne me permettaient pas d’arroser à plein temps mon jardin. Mais avec la motopompe solaire, ces soucis relèvent du passé», se réjouit le natif de Noakuy. D’un quart d’hectare avec la motopompe à essence, Issa Augustin Drabo est passé à un hectare pour la campagne sèche 2019-2020, avec celle solaire, car dit-il, « l’argent que je mettais dans le carburant, je l’utilise pour l’achat de l’engrais, chose qui m’a permis d’agrandir mon exploitation ». Ayant élu domicile dans une zone non lotie à Dédougou, Dapoba Diarra, agent à la Direction régionale des droits humains et de la promotion civique de la Boucle du Mouhoun, ne cache pas sa satisfaction, depuis qu’il s’est doté de plaques solaires pour son éclairage domestique. « Aujourd’hui, grâce aux plaques solaires, on n’a plus peur de s‘installer dans des zones non loties. En construisant ici, j’ai été libéré de l’angoisse d’aller à chaque fin du mois faire la queue pour régler des factures à la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL). Cela fait un an que je ne paie pas de facture, je ne connais pas non plus de coupures de courant. J’ai mon énergie solaire pour la lumière et mes appareils électroménagers », confie Diarra. Electricien formé sur le tas, Alassane Sisao, estime que l’énergie solaire, au regard de ses multiples avantages, surtout en milieu rural, peut à long ou à court terme substituer l’énergie thermique pour peu, que le gouvernement s’y investisse. Contrairement à l’électricien, celui-ci, le chef de mission adjoint du projet Energie et croissance économique durable dans la Boucle du Mouhoun (ECED-Mouhoun), Honoré Bonkoungou, parle plutôt d’alternative pour les zones où l’énergie conventionnelle ou thermique n’est pas accessible. « Les énergies renouvelables apparaissent plutôt comme une alternative pour les zones non raccordées au système conventionnel », soutient-il. Coûts exorbitants des investissements
Commerçant d’appareils électroménagers à système solaire, Hamado Bella a choisi l’énergie solaire pour alimenter son activité, même s’il a conservé le compteur de la SONABEL pour parer à toute éventualité. « Je suis bien placé pour parler des avantages de l’énergie solaire. Tout mon bâtiment est alimenté avec ce système, ce qui me permet d’économiser. Avant je payais par mois 35 000 à 40 000 FCFA à la SONABEL, mais depuis l’installation des plaques solaires, c’est seulement la redevance que je règle », confie M.Bella. Si tous reconnaissent les multiples avantages de l’énergie solaire, ils regrettent cependant le coût élevé des investissements, qui constituent un véritable frein pour son développement. « Sans la subvention du projet ECED-Mouhoun, je serais toujours en train de souffrir avec ma petite motopompe à essence, car selon les techniciens, le matériel installé dans mon jardin reviendrait à une vingtaine de millions alors que je n’ai payé que trois cent mille FCFA pour bénéficier de cette motopompe solaire », argue Augustin Issa Drabo. « De prime abord, l’on croirait que l’énergie solaire est accessible. Le matériel sur le marché est non seulement de qualité douteuse, mais aussi coûteux. Moi par exemple, c’est un budget de trois millions de francs CFA que j’ai investi dans l’achat des plaques, des batteries et autres accessoires. Vous voyez bien que ce n’est pas du donner même si aujourd’hui je me réjouis d’avoir de l’énergie à tout moment », renchérit Leonard Ouédraogo, un enseignant d’Allemand.
Peu d’électriciens qualifiés pour le solaire
« Le coût d’investissement pour acquérir un système solaire est relativement plus cher par rapport à autre type de technologie énergétique. Les modalités d’acquisition du matériel constituent des contraintes. Mais au final, une fois installé, en termes d’exploitation, on se rend compte que le solaire coûte encore moins cher que les autres solutions conventionnelles », reconnaît le chef de mission à l’ECED-Mouhoun. Cependant, poursuit-il, il va falloir adapter les conditions ou les modalités d’acquisition des équipements du système solaire qui rendent l’investissement lourd, afin de faciliter l’accès de l’énergie solaire aux populations. Le gouvernement dans son élan d’électrification, travaille, selon M. Bonkoungou, à la révision des modalités d’acquisition du matériel solaire. Outre la difficulté liée à la lourdeur des investissements, le manque de techniciens attitrés dans le domaine est l’autre goulot d’étranglement qui sape le développement de l’énergie solaire. La plupart formés sur le tas, les électriciens sur le terrain ne maitrisent pas ce nouveau système énergétique. « La première question que je pose à mes clients, c’est de me rassurer qu’ils auront un bon électricien pour les installations. Parce qu’il ne sert à rien de payer du matériel de qualité s’il n’y a pas un technicien qui s’y connait», indique Hamado Bella. « Moi je me suis auto formé et aujourd’hui je ne me débrouille pas mal dans le solaire. Je suis chaque fois sollicité pour les installations. Dans ce domaine, ils sont nombreux à se former sur le tas. Ce qui constitue une insuffisance dans le développement de l’énergie solaire », affirme Alassane Sissao. Dans sa dynamique de combler ce vide, l’Agence nationale des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ANEREE) a entrepris une formation de masse de 5 000 jeunes aux métiers des énergies renouvelables, selon Honoré Bonkoungou. Ce projet, a-t-il indiqué, vise à outiller les jeunes des villes et campagnes dans le domaine de l’énergie solaire et de l’efficacité énergétique.

Kamélé FAYAMA

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