Demain 17 mai marque l’inauguration du Mausolée de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons. Dans une interview accordée à Sidwaya, Etienne Lompo, coordonnateur du projet de construction des infrastructures du Mémorial Isidore-Noël-Thomas-Sankara revient sur les grandes activités qui vont marquer cette journée historique et la symbolique qu’elle revêt.
Sidwaya (S) : Comment est venue l’idée de faire un Mémorial à l’honneur du capitaine Thomas Sankara ?
Etienne Lompo (E.L) : L’idée de construire un Mémorial en l’honneur de Thomas Sankara, figure emblématique de la Révolution d’août 1983 au Burkina Faso est née de plusieurs facteurs, dont la volonté collective de l’ensemble des Burkinabè de préserver sa mémoire et de rendre hommage à son héritage politique, social et panafricain. Par son action politique, ses valeurs et son leadership, le père de la Révolution a marqué grandement l’histoire du Burkina Faso et toute l’Afrique entière et même au-delà.
Il y a aussi le changement politique intervenu en 2014. Depuis 1987 à ce jour, on ne parlait de Thomas Sankara que dans les couloirs. Mais récemment, il y a eu un vent favorable avec l’arrivée du pouvoir en place. Il y a eu donc ce sentiment, ce besoin de réconciliation et de justice qui peut expliquer justement l’engagement que l’on a pour construire ce mémorial.
Dans la même dynamique, il faut rappeler qu’une loi a été votée en juin 2022 portant statut du héros de la Nation. Et donc, l’Etat, à travers le ministère de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme, a entrepris de réaliser ce mémorial en hommage au Président Isidore Noël Thomas Sankara. Cette loi s’inscrit dans
la volonté de l’Etat de reconnaître et de célébrer le mérite des
Burkinabè qui ont marqué le cours de l’histoire du pays des Hommes intègres à travers leurs actions exceptionnelles.
S : Comment est structuré le projet du Mémorial Thomas-Sankara ?
E.L: Il est intitulé “Projet de cons- truction des infrastructures du mémorial Isidore Noël Thomas Sankara” et il se met en œuvre en collaboration avec le comité international Mémorial Thomas Sankara. C’est un projet de l’Etat. Du point de vue organisationnel, il a une double tutelle, technique et financière.
Sur le plan technique, le projet est rattaché au ministère en charge de la culture et sur le plan financier, il est rattaché au ministère en charge des finances. Il a deux organes à savoir un organe de pilotage et un organe de gestion. L’organe de pilotage est fort de 20 membres et l’organe de gestion, qui est l’unité de gestion du projet est le bras opérationnel. Il compte une dizaine d’agents. Le comité de pilotage est présidé par le secrétaire général du ministère de la Culture.
En termes de mise en œuvre, le projet s’exécute par composante. Il y a trois composantes dont deux composantes opérationnelles. Il s’agit de la composante liée à la construction des infrastructures et la composante liée à la promotion des idéaux.
La troisième composante quant à elle, est générale. Il s’agit de la composante gouvernance administrative.
Pour revenir à la composante infrastructure, notons que le projet entend construire sur le site du mémorial environ une quinzaine d’infrastructures. Les plus emblématiques sont la tour, haute de 87 mètres et le mausolée qui contient les restes des 12 victimes et du Président Isidore Noël Thomas Sankara.
S : A quelle étape se trouvent les travaux de réalisation de l’infrastructure ?
E.L: Il faut rappeler que le projet a été créé en fin 2023. La mise en œuvre a commencé le 1er janvier 2024 et la première infrastructure a été lancée dans le dernier semestre de l’année 2024. Il s’agit du Mausolée Thomas-Sankara et ses 12 compagnons, tous re-enterrés sur ce site qui est le lieu du drame. Ce Mausolée, grâce à la volonté politique du gouvernement avec en tête le chef de l’Etat, Son Excellence le capitaine Ibrahim Traoré, va bientôt être inauguré. Nous pouvons dire que la première infrastructure est réalisée à 100%.
Pour le reste des infrastructures, les études architecturales et d’ingénierie ont été lancées dans le dernier trimestre de l’année 2024. Ces études sont bien avancées et sont prévues pour s’achever en août 2025. Donc, là aussi, les entreprises sont dans les délais. On constate que les phases, dites phases d’avant-projet sommaire sont déjà validées par les structures habilitées de l’Etat, notamment la direction générale de l’architecture, de l’ingénierie et de la construction. En ce qui concerne les études architecturales, les études d’ingénierie, on peut aussi se satisfaire de la prestation des entreprises qui accompagnent.
A côté de ces études, nous avons également lancé une étude préalable, essentielle à la mise en œuvre du projet. Il s’agit de l’étude d’impact environnemental et social du projet et l’étude d’un Plan d’action et de réinstallation communément appelé le PAR. Nous avons reçu le rapport provisoire de cette étude et nous attendons que l’entreprise reste aussi dans les délais pour nous livrer commande.
S : A quand peut-on s’attendre à la finition des travaux ?
E.L: Le Mausolée est achevé. Mais pour les grandes infrastructures, ce sont les études qui sont lancées et normalement, en 2026, les travaux de construction des grandes infrastructures vont également démarrer. Il faut rappeler que le projet a une durée de vie de cinq ans et il se réalise par phase. Donc, la première phase a concerné le Mausolée et les études. En 2026, nous allons entamer la réalisation effective des grandes infrastructures et des aménagements.
S : L’une des infrastructures phares du Mémorial est la tour Sankara.
A quand le début de sa réalisation ?
E.L: Le projet est prévu pour être réalisé en phase. Donc, dès que les études seront disponibles, la construction de la tour pourra débuter. En tout cas, en 2026, comme planifié dans nos documents de base.
S : Comment les fonds ont-ils été mobilisés pour le lancement du Mémorial ?
E.L: Jusqu’à ce jour, le projet évolue grâce au budget de l’Etat. Et en cela, je voudrais saluer l’engagement personnel du chef de l’Etat, Son Excellence le capitaine Ibrahim Traoré.
Je voudrais saluer également le Premier ministre Rimtalba Jean-Emmanuel Ouédraogo, qui a donné forme au projet quand il était encore ministre d’Etat, ministre de la Communication, de la Culture, des Arts et du Tourisme.
Aujourd’hui, il est chef du gouvernement. Il entraîne avec lui un élan favorable à la réalisation du projet, car nous sentons l’engagement de l’ensemble des membres du gouvernement. Donc, l’Etat s’est engagé mais il faut noter que le plan de financement du Mémorial est basé aussi sur la contribution de tous. Il y a une mobilisation populaire qui est
attendue, et à ce jour, nous avons déjà élaboré une stratégie et un
plan opérationnel de mobilisation des ressources pour faciliter la
construction du mémorial.
S : Dans le cadre du projet de Mémorial Thomas-Sankara, une importante documentation d’archives et d’artefacts illustrant l’œuvre de ce héros national a été collectée. Ce résultat est-il satisfaisant ?
E.L: Oui. Il faut aussi dire que ce qui importe le plus pour le mémorial, ce n’est pas uniquement les infrastructures. Le contenu qu’on y met est essentiel. C’est ce qui nous a conduits à lancer cette campagne de collecte des archives et des artefacts. Au bilan partiel, nous sommes satisfaits et nous estimons que les prochaines phases doivent également être rapidement lancées. Nous avons récolté des documents composés de correspondances, d’accords, de rapports, de textes officiels, de discours et bien d’autres articles et d’artefacts, des objets, des témoignages et souvenirs qui appartiennent à cette période révolutionnaire.
Nous saluons donc la mobilisation nationale qui a été constatée dans la collecte de ces éléments précieux. Nous sommes heureux de vous dire que la cerise sur le gâteau a été la Jeep du Président Thomas Sankara que nous avons retrouvée et qui va bientôt être exposée à côté du Mausolée au grand plaisir des visiteurs. Nous avons également reçu des archives et des artefacts venant de l’extérieur du Burkina et au moment où je vous parle, nous avons un de ses amis qui est arrivé depuis deux jours et qui a un lot d’archives qu’il est venu nous remettre.
S : L’inauguration du Mausolée de Thomas Sankara et de ses 12 compagnons est prévue pour ce 17 mai 2025. Quel est le symbole de cette date ?
E.L: C’est une date marquante de l’histoire du Burkina Faso. Elle marque le déclenchement de cette marche révolutionnaire que le peuple du Burkina Faso a décidé de porter, en rejetant toute forme d’impérialisme, qu’elle soit externe ou interne. Nous inaugurons donc le mausolée ce 17 mai 2025 pour affirmer notre engagement à continuer la lutte de ces héros de la Révolution qui nous ont défendus. C’est un nouvel élan et au regard du contexte national, nous pensons que cette date doit nous parler. Nous souhaitons que chaque Burkinabè s’engage pour contribuer à la lutte nécessaire pour libérer notre pays de ce que nous vivons.
S : Décrivez-nous le Mausolée lui-même ?
E.L: L’architecte Francis Kéré qui a conçu ce Mausolée serait mieux placé pour le décrire assez parfaitement. Mais ce que je peux dire, c’est qu’il est conçu à partir de notre patrimoine et il est construit à partir de matériaux locaux pour l’essentiel. L’architecture présente plusieurs aspects pour lesquels vous pourrez percevoir déjà les corps entreposés avec les vides qui laissent l’architecture artistique se particulariser par sa présentation. On peut voir que c’est la forme d’un œil qui représente la vision du père de la Révolution.
S : Combien sa réalisation a-t-elle coûté ?
E.L: Il y a de nouveaux besoins qui se sont fait sentir sur le terrain et après une évaluation, nous pourrons certainement communiquer sur le coût de réalisation.
S : Parlant de l’inauguration, quelle seront les différents actes de la cérémonie ?
E.L: Les activités se déroulent sur plusieurs jours, mais le clou des activités est celui du 17 mai qui est l’inauguration officielle du Mausolée Thomas-Sankara et ses 12 compagnons. Il est prévu qu’à partir de 15 heures, sur le site du Mémorial, le président du Faso patronne la cérémonie d’inauguration. Au cours de cette soirée, nous aurons la cérémonie officielle d’ouverture, le baptême des rues et une remise d’attestation aux familles des victimes entre autres. Il est également prévu la visite du Mausolée et un tir de canon de 21 coups pour honorer la mémoire du Président Thomas Sankara et ses compagnons.
S : Après l’inauguration, le Mausolée sera-t-il immédiatement accessible aux visiteurs ?
E.L: Nous recevrons les premières visites dès le lendemain 18 mai 2025, après que le président du Faso aura donné le top départ officiel.
S : Le Mémorial Sankara semble être en tête des sites les plus visités du pays. Comment expliquez-vous cela ?
E.L: Plusieurs facteurs peuvent expliquer cela. D’abord, Sankara est une figure emblématique. C’est une icône mondiale et son simple nom est évocateur. C’est d’ailleurs pourquoi nous voulons renforcer les infrastructures sur ce site pour le rendre encore plus attrayant et faire de cet endroit un lieu d’éducation, de sensibilisation, un site culturel et touristique.
S : Comment espérez-vous que ce projet influence la mémoire collective et la cohésion sociale au Burkina Faso ?
E.L: En considérant déjà que c’est un lieu de rencontre, de partage et d’introspection sur notre contribution individuelle à l’écriture de l’histoire de notre pays, chaque visiteur, qu’il soit Burkinabè ou non, trouvera en ces lieux les messages forts
et le réconfort nécessaire pour dynamiser son patriotisme.
Pour la frange jeune par exemple, vous verrez que nous avons réalisé des graffitis pour les éduquer sur l’histoire de la Révolution démocratique et populaire. Il y a un parcours thématique et artistique qui est élaboré pour que ce site soit un lieu d’éducation, de sensibilisation et d’apprentissage de ce pan de notre histoire
que certains ne connaissent pas encore.
S : Quel appel avez-vous à lancer au peuple burkinabè pour en faire une réussite ?
E.L: A la mobilisation populaire. A sortir le samedi pour participer à cette cérémonie d’inauguration afin d’honorer la mémoire du Président Thomas Sankara et ses 12 compagnons, et soutenir le chef de l’Etat dans son engagement à faire de ce site un lieu de mémoire, d’éducation, de réconfort et de recueillement.
Interview réalisée par
Nadège YAMEOGO