Jardins nutritifs scolaires dans le Sud-Ouest et les Hauts-Bassins: A Dafinso et Banlo, l’école cultive l’autonomie et le savoir

…le jardin nutritif constitue un outil pédagogique pour les élèves.

Dans les régions du Sud-Ouest et des Hauts-Bassins, certaines écoles primaires font de la terre un outil d’enseignement. A Dafinso et Banlo, les jardins scolaires ne servent pas seulement à verdir les cours : ils renforcent la formation des élèves, améliorent les repas des cantines et impliquent toute la communauté éducative. Des concombres aux feuilles de moringa, tout est cultivé sans produits chimiques, avec la participation active des enfants. Mais si ces initiatives inspirent, elles ne sont pas sans difficultés : manque d’eau, insécurité des cultures, besoin d’un engagement accru des parents. Reportage sur des écoles où l’on cultive aussi bien la terre que le savoir.

Située à une vingtaine de kilomètres de Bobo-Dioulasso, dans la région des Hauts-Bassins, l’école primaire bilingue de Dafinso se singularise par une initiative pédagogique innovante. L’établissement s’est en effet doté d’un jardin scolaire d’une superficie de 900 m², au service de l’éducation et de l’apprentissage pratique des élèves. Ce potager collectif, loin d’être un simple espace vert, est devenu un véritable outil pédagogique, un vecteur d’autonomie pour les élèves et un levier de développement communautaire.

La directrice de l’école primaire bilingue de Dafinso, Rachelle Traoré, indique que chaque classe, de la première à la cinquième année, ainsi que les enseignants, l’Association des parents d’élèves (APE) et les animatrices communautaires disposent d’une parcelle attitrée. Cette répartition renforce l’engagement et la responsabilisation des enfants. Les parcelles regorgent de concombres, haricot, oseille, amarante (boramburu), arachides, épinards,

Selon la directrice de l’école
primaire bilingue de Dafinso, Rachelle Traoré…

moringa et gombo. Tous les produits sont cultivés sans engrais chimiques ni pesticides, uniquement avec du fumier organique fabriqué sur place avec l’aide des élèves. Elle affirme que lorsque les cultures réussissent, les premiers bénéficiaires sont les élèves via la cantine scolaire.

Un prolongement des salles de classe

En cas de surplus, les produits sont vendus pour acheter du matériel de jardinage. « C’est du 100% bio, mais les attaques d’insectes, surtout sur les concombres, restent un vrai défi », reconnaît M. Konaté, enseignant coordinateur du projet.
La directrice de l’école soutient que le jardin devient un laboratoire éducatif à ciel ouvert. Car, affirme-t-elle, il sert aux leçons de géométrie (mesure de surfaces, tracés), de sciences (étude des plantes, cycle de vie) et même de gestion (tenue de caisses pour la vente et l’achat de semences).

« Les élèves sont également encouragés à reproduire chez eux de petits jardins familiaux. Pendant les vacances, un système de permanence avec les enseignants, l’APE et un gardien assure la continuité des cultures, notamment celle du niébé », explique-t-elle.
Mme Traoré fait savoir que grâce à l’appui du projet Lait et Cantine Scolaire de l’ONG GRET, l’école a sécurisé le jardin, transformé un ancien forage en château d’eau et mis en place une fosse fumière. Depuis sa création en 1999 par une ONG allemande, l’école applique un programme bilingue (Dioula-Français) favorisant une meilleure compréhension et une intégration progressive. Elle ajoute qu’aujourd’hui, l’école accueille 108 élèves dont de nombreux enfants déplacés et reste un modèle d’inclusion et d’innovation
scolaire.

Les élèves de l’école primaire bilingue de Dafinso apprécient…
La responsable de la cantine de l’école primaire bilingue de Dafinsô, Honorine Sanou, confirme que ce sont les spéculations cultivées dans le jardin nutritif qu’elle utilise dans la préparation des repas. Elle explique que vendredi dernier, elle a cuisiné du haricot au riz pour les élèves.
« Les produits de notre jardin sont utilisés pour varier et améliorer la qualité de l’alimentation des élèves », soutient Mme Sanou. Quant au secrétaire général de l’Association des parents d’élèves (APE), Tahirou Sanou, il soutient que l’APE accompagne l’école dans la mise en œuvre du jardin nutritif.

« C’est grâce à l’APE que l’école primaire de Dafinsô a débuté le jardin. Nous avons parcellé et aménagé le site pour le potager », explique-t-il. Il affirme qu’après la vente, les revenus de la production sont répartis entre la caisse de l’APE et celle des enseignants.

A Banlo, un modèle de cantine endogène

A environ 30 km de Gaoua, dans la CEB de Bouroum-Bouroum, l’école primaire publique de Banlo incarne également la réussite du jardin scolaire comme outil éducatif et nutritionnel.
« Nous avons voulu créer ce jardin pour renforcer l’apprentissage et améliorer l’alimentation des enfants », explique le directeur de l’école, Lièr-Yir Somé. Le jardin a reçu l’accompagnement d’un projet qui a offert le matériel pour sa réalisation. Ce potager occupe une superficie de 750 m² au sein de l’école.

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p style= »text-align: left »>Les élèves, avec l’accompagnement des parents et sous la supervision du corps enseignant, cultivent de l’oseille, de l’amarante, des feuilles de haricot, du moringa, quelques pieds de baobab, des oignons, du piment et de l’aubergine. M. Somé confie que les spéculations cultivées constituent une solution palliative aux cantines classiques, surtout qu’elles …le haricot au riz que la responsable de la cantine, Honorine Sanou, 
prépare.
n’arrivent pas toujours à temps dans les écoles. Ce sont des cantines endogènes. Le premier responsable de l’école primaire de Banlo explique que leur jardin scolaire est entretenu par les élèves et les parents d’élèves. Il a pour vocation d’accompagner la cantine scolaire.

« Le jardin nutritif améliore la cantine », indique avec joie Lièr-Yir Somé. Il soutient aussi que les jardins nutritifs permettent d’apporter plus de nutriments aux repas des élèves. Ils sont une solution à la malnutrition des enfants en général et des élèves en particulier. Au-delà de l’aspect nutritionnel, ce jardin a un autre objectif, celui pédagogique, indique le premier responsable de l’école de Banlo. « Ce jardin est un champ-école, car nous l’utilisons pour les cours », évoque Somé. Pour la cuisine de la cantine, le directeur rassure que les cuisinières utilisent du sel iodé, offert par l’Etat. L’huile servant à la cuisine ou à la consommation est aussi offerte par l’Etat ; elle est enrichie en vitamine A.

Dans la mise en œuvre ces jardins nutritifs, les acteurs scolaires sont confrontés à des difficultés. Le directeur de l’école affirme que, faute de clôture adéquate, des
animaux endommagent certaines parcelles. « Pas de situation sans difficultés. Il y a des planches vierges car attaquées par des animaux. La protection n’est pas de qualité », se désole le directeur. Fort heureusement, à l’en croire, tout est mis en œuvre avec l’appui des parents et des propriétaires des bêtes afin que cela ne se reproduise plus.
Créée en 1984, l’école compte aujourd’hui 200 élèves répartis en six classes. Depuis 2021, le jardin est pleinement intégré aux cours, y compris pendant les vacances, grâce à l’implication des enseignants et des élèves de permanence. Par exemple, Nifarè Somé, en classe de CM2, consacre ses temps libres au jardin pour
entretenir les plantes.

« On a planté des aubergines, des tomates, des oignons, de l’oseille. Dans la semaine, on arrose tous les jours, les matins et les soirs et c’est tous les élèves qui le font à tour de rôle, même les dimanches. Nous sommes contents de le faire », martèle-t-il.
Dans toute la région du Sud-Ouest, les jardins scolaires s’imposent comme un levier

Pour le directeur de l’école primaire de Banlo, Lièr-Yir Somé, le jardin nutritif améliore la cantine.

éducatif et nutritionnel. Pour le directeur régional de l’enseignement primaire du Sud-Ouest, Ollo Palé, ces jardins font partie intégrante de leur mission éducative. Ils contribuent à la fois à l’apprentissage et à l’alimentation des élèves. Il affirme que, malgré les directives nationales encourageant chaque école à posséder un jardin (voire un champ scolaire), la mise en œuvre reste difficile.

Le principal obstacle reste l’accès à l’eau.

« Sans point d’eau fonctionnel, il est presque impossible de faire vivre un jardin scolaire », explique le directeur régional. Il précise que seules les écoles dotées de forages ou appuyées par des partenaires comme Plan Burkina, le projet 4H ou d’autres ONG agricoles parviennent à entretenir leurs parcelles. Ces soutiens sont jugés essentiels pour maintenir les efforts, notamment dans le cadre du programme de cantines endogènes, ajoute-t-il.

M. Palé laisse entendre que les récentes visites de terrain ont permis de constater une adoption croissante des jardins scolaires, même si aucun chiffre précis n’est encore disponible. Il poursuit que l’arrivée de la saison des pluies complique toutefois l’entretien de ces espaces, surtout dans les établissements ne disposant que de moyens rudimentaires. « Les premières pluies ont déjà mis à mal certaines installations. Heureusement, les écoles les mieux dotées poursuivent l’entretien de leurs cultures au bénéfice direct des élèves », alerte-t-il. Il note qu’ils sont également confrontés à d’autres obstacles tels que le manque d’eau, des infrastructures insuffisantes et la divagation des animaux.

Wamini Micheline OUEDRAOGO

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