Depuis ce samedi 16 octobre, Ouagadougou vibre au rythme du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou. FESPACO, un acronyme qui a bercé des générations de Burkinabè depuis cette année de 1969 avec pour ambition de montrer des films africains (que les cinés-clubs de l’époque ne montraient pas à la Haute-Volta), aux populations africaines.
Porté sur les fonts baptismaux sur fond de militantisme culturel, le festival souffle à sa 27e édition, ses 52 bougies. Soit 52 ans sans une seule ride. Au contraire, le Festival s’est donné le souffle vivifiant d’une jeunesse extraordinaire. Chaque édition a été perçue comme un immense défi culturel, mais aussi politique, sanitaire et sécuritaire (à cette édition) que le pays, il faut le dire, a toujours su relever. Qui veut être le personnage politique par qui le FESPACO de nos ancêtres déclinera ?
En effet, en plein branle-bas mondial contre la pandémie de la COVID-19 et sous une chape de plomb sécuritaire, la tenue du FESPACO relevait d’une gageure. En cela, les Burkinabè, reconnaissants, font de tous leurs visiteurs, des ambassadeurs qui propageront la bonne nouvelle. Celle d’un pays où les populations, en symbiose avec le gouvernement, posent les bases d’un développement endogène. Ils sont là, et savent que la victoire sur le terrorisme est une guerre de longue haleine qui finit toujours par la victoire des patriotes.
Ce samedi 16 octobre, en regardant ce beau public venu de partout pour participer au plus grand festival de cinéma de toute l’Afrique, les Burkinabè dans leur for intérieur ont dû crier victoire, avant le verdict final qui verra le couronnement par la remise des trophées. Ils ont gagné leur pari dans un contexte où certains voient tout rouge dans ce pays qui a débaptisé la Volta rouge, un de ses grands fleuves, en Nazinon, non pas parce qu’ils craignent le rouge qui flotte sur leur emblème, mais parce que le rouge que l’on veut attribuer à ce pays de paix, est un rouge de malheur.
Le Burkina va bien. Les Burkinabè ne récusent pas que le pays traverse des moments difficiles, mais de là à vouloir en faire une zone de non-paix, le pas est vite franchi. Alors, cinéastes de partout, présents au Burkina Faso, les Burkinabè font de vous leurs vrais ambassadeurs. De retour chez vous, témoignez du courage, de la hardiesse d’un peuple autour de leurs dirigeants qui agissent au quotidien pour le développement de leur patrie.
En plus de mettre en exergue la résilience du peuple burkinabè face à l’adversité et de tenir le pari organisationnel, la présente édition a le toupet de défier l’édition du cinquantenaire du festival de 2019, à en juger par l’engouement des professionnels du cinéma du continent : un millier de films a été enregistré en 2019 pour 165 productions sélectionnées dans diverses catégories. Tandis que cette année, plus de 1132 films ont été inscrits pour 239 sélectionnés de pratiquement tout le continent. Le cinéma africain fait manifestement de la résilience sans faire l’économie de la réflexion sur son devenir.editorial
Le 27e FESPACO se consacre donc aux fondements des nouveaux regards et des nouveaux défis du cinéma d’Afrique et de la diaspora. Dans cette quête de nouveaux horizons, qui mieux que le Sénégal, pays invité d’honneur, pour incarner cette volonté. L’industrie cinématographique post ère numérique du pays de la Teranga est en pleine renaissance, en pleine professionnalisation et développement d’un véritable écosystème soutenu à bout de bras par l’Etat du Sénégal, par l’entremise du Fonds de promotion de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (FOPICA).
Un cas d’école que le pays invité d’honneur n’hésitera pas à offrir en partage au FESPACO. L’idée de la taxation du chiffre d’affaires des géants du numérique, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazone et Microsoft) fait déjà son bonhomme de chemin au Sénégal où un grand pas a été franchi vers la souveraineté numérique avec l’inauguration d’un des plus grand data center de l’Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, sur la plus grande plateforme de streaming (visionnage ou diffusion de productions en ligne), l’Afrique de l’Ouest qui abrite le plus grand festival de cinéma du continent (le FESPACO) n’existe quasiment pas. Un manque à gagner que les professionnels devront questionner à Ouagadougou.
Mais, il en va aujourd’hui du cinéma africain, que d’autres questions de développement qui assaillent les pays pris un a un sur le continent. Les initiatives individuelles et individualistes doivent faire place à des démarches collectives et concertées, en vue d’asseoir un cadre juridique adéquat pour gagner cette bataille de longue haleine contre les tentaculaires firmes multinationales. Ça, ce n’est pas du cinéma !
Par Mahamadi TIEGNA
mahamaditiegna@yahoo.fr