Le gouvernement a adopté jeudi dernier, en Conseil des ministres, un projet de loi portant modification de la loi n°25-2018/AN du 31 mai 2018 portant Code pénal. Un an, presque jour pour jour après sa dernière modification, le Code pénal est de nouveau devant la représentation nationale «pour actualisation». En vue notamment «de renforcer la lutte contre le grand banditisme, de consolider les moyens d’action des forces de défense et de sécurité contre certaines publications qui peuvent saper l’efficacité de leurs interventions… et de protéger l’honneur et la dignité des victimes de certains crimes et délits».
Il n’en fallait pas plus pour susciter la réprobation d’une partie de la blogosphère qui crie à une volonté supposée de «musèlement» d’activistes et autres lanceurs d’alertes; ce, avant même que le contenu de la nouvelle proposition de disposition légale ne soit rendu public. Les débats que cette nouvelle modification va soulever, porteront probablement sur cette tendance à légiférer sur les préoccupations de l’heure là où la précipitation et l’agitation du quotidien l’emportent. Une démarche qui pourrait exposer l’exécutif à devoir, en permanence, revoir sa copie face à une situation évolutive, qu’il faut aussi codifier avec la même régularité. La même démarche, en plus de donner plus d’importance qu’il n’y paraît à certains leaders d’opinion, manque de renvoyer certains acteurs à leurs responsabilités. En effet, dans la vie comme sur les réseaux sociaux, « c’est toujours le chien de la famille qui apporte l’os à ses congénères de dehors ».
Et contre cette donne, la loi n’y fera pas grand-chose, à défaut d’une discipline interne rigoureuse en matière de gestion de toutes les données sensibles. Cet appel à la responsabilité implique également une volonté d’aller devant les juridictions compétentes, d’étayer le préjudice quelle que soit sa nature et auquel, aucun juge ne saurait rester insensible. Face au tenant du vide juridique, il faut bien rappeler que les dispositions classiques sont opérantes. A l’image du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule en son article 19 que «Nul ne peut être inquiété́ pour ses opinions. Toute personne a droit à la liberté́ d’expression; ce droit comprend la liberté́ de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix». Du moins, dans le respect des «devoirs spéciaux et des responsabilités spéciales» prescrits dans le même article : respect des droits ou de la réputation d’autrui, sauvegarde de la sécurité́ nationale, de l’ordre public, de la santé ou de la moralité́ publique.
De ce point de vue, la démarche compréhensible, voire préventive, s’inscrit dans un contexte international favorable à la «responsabilisation» des réseaux sociaux et de la régulation de certains de leurs contenus, en les frappant notamment au portefeuille. Au Burkina Faso, la décision tendant à réguler certaines publications sur les médias sociaux traduit l’inclination actuelle des Burkinabè à prendre des libertés avec la liberté, au risque “d’assassiner “ celles-ci. Ainsi faut-il comprendre ces nombreux actes de défiance de l’autorité de l’État (bilan et contre-bilans du drame de Yirgou, images choquantes) et ces écrits malveillants sur les réseaux sociaux qui sont souvent attentatoires à la vie privée. Prévenir valant mieux que guérir, il faut vite mettre des garde-fous car, au regard du faible niveau d’éducation des masses, on pourra atteindre la “rupture sociale”. Le rôle des gouvernants conscients et conséquents est de prévenir par la promotion d’une utilisation saine et constructive, la lutte contre la désinformation sur le leader mondial des réseaux qui comptabilise un million d’utilisateurs actifs au Burkina Faso.
Mahamadi TIEGNA