En Mauritanie, les résultats définitifs de l’élection présidentielle du 22 juin dernier ont été proclamés, hier lundi 1er juillet 2019, par le Conseil constitutionnel. Comme il fallait s’y attendre, l’élection du général Mohamed Ould Ghazouani, le candidat du parti au pouvoir, a été validée avec 52% des voix, dès le 1er tour par le Conseil constitutionnel, qui a rejeté l’ensemble des recours de l’opposition. Il est suivi par quatre opposants, dont le militant anti-esclavagiste Biram Ould Dah Ould Abeid (18,58%) et l’ancien Premier ministre, Sidi Mohamed Ould Boubacar (17,87%). Cette proclamation est intervenue, alors que l’opposition dénonce des irrégularités dans un climat délétère, avec une coupure prolongée du service Internet et un déploiement des unités d’élite de l’armée, de la garde et de la police antiémeute dans la capitale. Le général Ghazouani succédera ainsi au président sortant, Mohamed Ould Abdel Aziz, dont le second mandat prend fin le 2 août prochain. Dans ce vaste pays secoué par de nombreux coups d’Etat de 1978 à 2008, année à laquelle l’actuel chef de l’Etat a été porté au pouvoir à la suite d’un putsch, avant son élection en 2009, ce scrutin marque la première transition entre deux présidents élus. Il faut donc saluer l’esprit de démocrate du président Ould Abdel Aziz, qui a tenu sa promesse de ne pas briguer un 3e mandat. Celui-ci a su préparer un dauphin, en la personne du général Ghazaoui, dont l’élection vient d’être officiellement actée. Si cette transition a évité à la Mauritanie, les désolants spectacles constatés dans certains pays africains comme le Burundi, le Burkina Faso et probablement la Guinée, le scénario tant décrié par l’opposition avant même les élections s’est confirmé.
On n’organise pas des élections pour les perdre, pour paraphraser un ancien chef d’Etat du continent. On l’a vu au Gabon, au Nigéria, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Mali, en Guinée et dans d’autres pays, où les élections du second mandat sont généralement de simples formalités à remplir. Même quand l’occupant du palais décide de passer la main, il le fait en faveur d’un de ses lieutenants, laissant entrevoir un changement de personne à la tête de l’Etat, sans enjeux majeurs. Sauf au Bénin où Lionel Zinsou, le dauphin du président sortant Yayi Boni a été battu au second tour par Patrice Talon à la présidentielle de 2016, cette «tradition» a toujours été respectée. La Mauritanie en donne encore l’illustration, tout comme récemment en République démocratique du Congo (RDC) où Félix Antoine Tshisekedi a succédé au président Joseph Kabila, à la suite d’un scrutin jusque-là contesté. C’est dire que sur le continent noir, l’alternance à la Poutine commence à faire recette. En RDC, le mystère reste encore entier sur le «deal» entre l’ancien président Kabila et le nouveau, mais la majorité parlementaire dont dispose le camp Kabila le met à l’abri des ennuis, avec la justice notamment. Kabila fils garde ainsi une mainmise sur une partie de l’appareil d’Etat, faisant croire à plus d’un que Tshisekedi n’est qu’une marionnette. Comparaison n’est pas raison, mais avec l’accession du général Ghazouani au pouvoir en Mauritanie, Mohamed Ould Abdel Aziz peut revenir au pouvoir en 2024, s’il le désire. Le président sortant n’exclut pas d’ailleurs cette possibilité. «Rien dans la Constitution ne m’empêche de me représenter à l’avenir. Un président n’a pas le droit de briguer un troisième mandat, mais quand je quitterai la présidence, je ne serai plus président», avait-il dit, lors d’une conférence de presse, le 21 juin 2019, quelques heures avant le premier tour de la présidentielle. Pour autant, le président sortant a été très clair sur son avenir immédiat. «Je ne serai pas Premier ministre ni demain, ni après-demain». Toutefois, son désir de reprendre les clés du palais présidentiel est plus ou moins affiché.
Ce qui nous fait dire que le général Ghazouani devra garder la maison, pendant cette alternance apparemment fictive, le temps que son mentor revienne aux affaires.
Jean-Marie TOE