Polémique mal à propos

Le sujet passionne les Burkinabè, ces dernières semaines. Le déclassement d’une partie de la forêt de Kua, dans la commune de Bobo-Dioulasso, pour y bâtir un hôpital de référence, fait couler beaucoup d’encres et de salives. Entre les «pro» et les «anti» déclassement, le débat est si vif, pour ne pas dire virulent. A telle enseigne que l’on se demande si ce n’est pas l’avenir du pays lui-même qui se joue autour des 16 hectares de la discorde. Sans nier le rôle fondamental que joue la préservation de l’environnement dans la pérennité de l’espèce humaine, force est de reconnaître que ce débat apparaît superfétatoire, au regard des menaces plus sérieuses qui hypothèquent dangereusement la survie économique et portent atteinte à l’intégrité territoriale de notre cher Faso.
Malheureusement, la majorité de nos compatriotes restent atones, voire indifférents face à ces menaces. La première, ce sont les revendications salariales tous azimuts, qui bien que fondées pour certaines d’entre elles, ne sont pas loin de tuer la poule aux œufs d’or et de renvoyer chacun à ses parents pour « occupations champêtres « . Nos économies africaines, sont en effet si fragiles et extraverties qu’un simple coup de vent peut les «mettre à terre» durablement et créer un « tsunami social. » L’exemple de Port Gentil, la ville d’affaires du Gabon, devenue un « désert » où les anciens employés du secteur pétrolier errent comme des âmes en peine, est édifiant. Pour partager la croissance, il faut d’abord l’obtenir. Il faut aussi consolider les bases de nos économies et les « sortir » du système prédateur international. Ce qui n’est malheureusement pas le cas jusqu’ici. Bien sûr, cela peut être imputé à l’incurie de certains de nos dirigeants. Mais, faut-il s’arrêter à ce constat ? Quand la pluie vous bat, le plus important c’est de trouver d’abord un abri, plutôt que de s’époumoner dans des querelles inutiles et stériles où se transpose le même «classico» des antagonismes du landerneau sociopolitique. Et justement, c’est de cette union sacrée dont le Burkina a besoin, pour l’heure, face à la seconde menace, celle terroriste dont l’enjeu touche à son existence même. Le sort des 12 000 déplacés internes, arrachés à leurs terroirs par la terreur, la dangereuse dérive communautaire engendrée par les attaques, la paralysante fronde sociale, la cruciale réconciliation nationale, la main tendue du chef de l’Etat à la classe politique mériteraient autant les égards des militants de la cause écologiste. Au demeurant, il y va aujourd’hui de l’hôpital de référence de Bobo-Dioulasso comme de nombreux projets emblématiques du pays, il y a quelques années. La farouche opposition, dont a fait l’objet la construction du grand marché de Ouagadougou sous la révolution, le projet ZACA en 2001, plus récemment la maison de la Culture de Bobo-Dioulasso, ne fait pas moins de ces infrastructures, des vitrines du pays. Que ce soit à Kua ou ailleurs, l’hôpital de référence de Bobo-Dioulasso, fruit de l’amitié sino-burkinabè, fera la fierté de toutes les composantes sociopolitiques du pays.
Il est donc plus qu’urgent pour les activistes de tous bords, d’abandonner ce débat sur le sexe des anges, de faire confiance au gouvernement pour décider sereinement de la marche à suivre, si l’on ne veut pas tomber dans l’Etat de nature de Hobbes. A Kua, la métaphore de l’arbre qui ne doit pas cacher la forêt n’a jamais été aussi édifiante. A bon entendeur…

Mahamadi TIEGNA

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