Procès du putsch : Diendéré, prêt à la confrontation

L’interrogatoire du général de brigade, Gilbert Diendéré s’est poursuivi, le lundi 10 décembre 2018 avec son contre interrogatoire par les avocats de la défense, dans le cadre du procès du putsch. Ceux-ci ont accusé le parquet militaire de «surcharger» leur client plutôt que de privilégier la recherche de la vérité.

Cela fait plus de deux semaines que le général de brigade, Gilbert Diendéré à la barre du tribunal militaire, donne sa version des faits du coup d’Etat du 16 septembre 2015 et jours suivants. Lors de l’audition du lundi 10 décembre 2018, ses avocats ont reproché au parquet militaire d’instruire uniquement à charge contre leur client.

Selon Me Jean Degli, cela est perceptible à partir du moment où le portable principal du général a été annoncé comme perdu pendant la phase d’instruction. « Et comme par magie, il a réapparu quelques temps après », a-t-il relevé. Une fois le téléphone retrouvé, à écouter l’avocat, le juge d’instruction a informé le général et fait mention dans le PV que des investigations complémentaires seront menées en vue de situer les faits. « Mais jusqu’à présent, je n’ai plus reçu d’information concernant cette affaire. Pourtant, on aurait dû prendre attache avec la téléphonie mobile pour ressortir tous les SMS.

Et si on ne l’a pas fait, c’est à dessein  », a déduit l’avocat. Pour M. Degli, de façon volontaire ou involontaire, l’expertise n’a produit que des messages datant du 22 au 29 septembre 2015, alors que c’est le même portable qui a été utilisé avant, pendant et après les évènements. Aussi, a laissé entendre l’accusé, lorsqu’on est poursuivi pour une faute, l’instruction consiste à rechercher les causes de l’acte posé. Elles sont, selon lui, indispensables dans la manifestation de la vérité. «J’ai tenté à maintes reprises d’expliquer les causes du putsch, que ce soit devant le juge d’instruction ou à la chambre de contrôle.

Tous m’ont fait comprendre que leur mission est de s’en tenir aux faits qui se sont passés le 16 septembre 2015 et les jours suivants », a expliqué le général de brigade. Par ailleurs, l’avocat de l’accusé a rappelé que son client a assumé la responsabilité de chef d’Etat, de concert avec la hiérarchie militaire et les membres de la CRAD. « J’ai commencé à rédigé mon projet de déclaration après que les négociations avec la troupe ont échoué.

Et c’est le 18 septembre à l’aéroport, en allant croiser les chefs d’Etat de la CEDEAO que j’ai demandé à la hiérarchie militaire de me faire des propositions en vue de constituer les membres du CND », a indiqué le général « 2 étoiles ». Aux dires de son avocat, si le coup d’Etat avait été commandité par Gilbert Diendéré, il n’aurait pas besoin d’une liste à compléter plus tard pour constituer son organe. « Je serais allé à la radio ou à la télévision nationale à quelques mètres de chez moi pour faire ma déclaration. Je n’avais pas besoin de convoquer la hiérarchie militaire pour une sortie de crise », a soutenu le général Diendéré. « Pourquoi ne pas accepter la vérité du général ? », s’est interrogé le conseil de l’accusé, d’autant plus que celui-ci raconte la situation telle qu’il l’a vécue. C’est une vérité certaine pour lui, a-t-il poursuivi. En effet, a argumenté l’homme de droit, la vérité absolue n’est détenue que par Dieu. « Même la 1re victime de ce coup de force, le président Michel Kafando disculpe l’accusé dans des interviews données dans les colonnes des journaux Le pays et Jeune Afrique », a-t-il renchéri.

« Creuser, fouiller… »

Me Mathieu Somé, un autre avocat de l’accusé, pour sa part, a déploré que le parquet ait déjà établi sa conviction sur cette affaire, au point qu’il ne juge plus nécessaire de présenter des preuves pour convaincre l’opinion publique et la juridiction. Sinon dans l’ordonnance et l’arrêt de mise en accusation, a insisté l’avocat, il est précisé que le général de brigade n’est pas poursuivi pour des faits d’association de malfaiteurs, ni de prise d’otage ou de séquestration de personnes.

« Ce qui signifie qu’il a sa part de vérité à dire dans ce putsch », a-t-il soutenu. Et Me Idrissa Badini, d’affirmer que pour la recherche de la vérité, le parquet doit « creuser, fouiller et ne laisser nulle place où la main ne passe et repasse ». Chose que le parquet ne fait pas, de l’avis des avocats. Me Mireille Barry a insisté sur le parti pris du parquet en indiquant que le procureur militaire a choisi d’omettre un SMS que le général Brice Bayala aurait envoyé à l’accusé le 23 septembre 2015 alors que Diendéré avait déjà remis le pouvoir. « Lui seul pourra dire dans quel cadre il a envoyé ce message », a ajouté l’avocate. Me Barry est également revenue sur l’audition de l’ancien Premier ministre, Yacouba Isaac Zida dans laquelle, elle a décelé des contradictions. Puis, elle a aussi indiqué que malgré ses incessantes sollicitations, le général Diendéré n’a pu avoir une confrontation avec la hiérarchie militaire pendant la phase d’instruction.

Il aurait alors proposé des questions au juge instructeur à poser à cette hiérarchie pour la manifestation de la vérité. « Ces questions ne figurent pas au dossier. Les PV de non-comparution que le premier juge instructeur avait dressés lorsque la hiérarchie militaire n’a pas comparu n’y figurent pas non plus. Voilà pourquoi nous disons qu’il y a eu de la manipulation», a commenté l’avocate. Et d’adresser cette sollicitation au président du tribunal : « faites en sorte que ce jugement ne soit pas un simulacre de procès ». L’avocat Mamadou Sombié, conseil de Mamadou Bamba, a, pour sa part, invoqué la légitime défense comme principal argument en faveur du coup d’Etat.

Car, a-t-il expliqué, le comportement de l’ancien Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, à travers les tentatives d’attenter à des vies, peut être perçu comme une force. « Je pense que c’est une action salvatrice que vous avez posée le 16 septembre 2015, même s’il y a eu des dégâts collatéraux », a-t-il lancé. L’avocate du soldat Sami Dah, Antoinette Boussim a laissé entendre que son client, donné pour avoir eu une présence dissuasive aux côtés du général pendant la réunion avec les officiers de l’ex-RSP, n’était pas dans la salle, mais plutôt à l’extérieur. Selon elle, les officiers ne sauraient parler de présence intimidante dans la mesure où ils n’ont pas été désarmés. Les avocats ont également donné de la voix pour une confrontation entre le général et certains accusés dont les déclarations se contredisent. Ce à quoi le général n’a trouvé aucun inconvénient.

Fleur BIRBA
fleurbirba@gmail.com
Fabé Mamadou OUATTARA

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